10 ans de concurrence, toujours des tarifs réglementés

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Tarifs réglementés de l'énergie

A fin juin 2017, près de 6,9 millions de « sites » consommant de l’électricité en France (résidentiels ou non) avaient choisi une offre de marché, dont 6,1 millions auprès d'un fournisseur alternatif. (©Pixabay)

Les tarifs réglementés de l’énergie, aujourd’hui menacés, continuent à être privilégiés par une grande partie des ménages français, malgré des offres de marché parfois plus avantageuses. État des lieux.

Les tarifs réglementés encore omniprésents pour l’électricité

Cet été, l’ouverture à la concurrence des marchés de détail de l’énergie a fêté ses 10 ans en France : depuis juillet 2007, tous les consommateurs français peuvent souscrire à une offre dite « de marché » dont le prix est librement fixé par contrat, soit auprès d’un fournisseur « historique » (principalement EDF pour l’électricité et Engie pour le gaz mais aussi des « ELD » implantées localement), soit auprès d’un fournisseur « alternatif ». Auparavant, ces consommateurs étaient tous soumis aux tarifs réglementés de vente (TRV) fixés par les pouvoirs publics, qui sont encore proposés aujourd’hui par les seuls fournisseurs historiques.

Les ménages français restent encore très « fidèles » à ces tarifs réglementés. A fin juin 2017, seuls 5,2 millions des 32,1 millions de « sites résidentiels » consommant de l’électricité en France avaient souscrit une offre de marché (auprès d’un fournisseur alternatif pour la quasi-totalité d’entre eux) selon le dernier observatoire des marchés de détail de l’énergie, publié aujourd’hui par la CRE(1).

L’ouverture à la concurrence est plus avancée pour le gaz naturel, les offres de marché ayant séduit plus de la moitié des consommateurs résidentiels (offres auprès de fournisseurs historiques et alternatifs à parts à peu près égales)(2). A l’heure actuelle, le nombre de ménages abandonnant les tarifs réglementés de l’énergie pour des offres de marché augmente à un rythme « soutenu » pour l’électricité (+ 6,7% au 2e trimestre 2017) mais « plus ralenti » pour le gaz naturel (+ 2,7%), indique la CRE.

Concurrence marchés de l'énergie
A fin juin 2017, près de 16% des consommateurs résidentiels d’électricité en France avaient un contrat en offre de marché auprès d'un fournisseur alternatif. (©Connaissance des Énergies)

Des offres de marché avantageuses

En juillet 2017, le Conseil d’État a considéré que le maintien des tarifs réglementés du gaz était « contraire au droit de l’Union européenne » puisqu'il ne pouvait notamment pas être justifié par « un objectif d’intérêt économique général ». Cette décision ouvre la voie à la fin de ces tarifs réglementés. 

Pour rappel, les tarifs réglementés ont déjà été supprimés de façon progressive pour les « gros » consommateurs (grands sites industriels, grands immeubles, etc.) entre juin 2014 et janvier 2016. Face aux injections de Bruxelles de mettre fin à tous les TRV, Nicolas Hulot a confirmé qu’il faudrait « s’y plier », tout en souhaitant que cela « se fasse le moins douloureusement possible ».

Les tarifs avantageux de nombreuses offres de marché pourraient en théorie inciter les ménages français à prendre les devants. Selon la CRE, le prix de l’offre de marché la plus compétitive à Paris est en effet inférieur de 8% au tarif réglementé pour un client « moyen » consommant de l’électricité(3) (avec une option heures pleines/heures creuses). Un constat similaire est effectué pour le gaz naturel par le gendarme de l’énergie qui signale des offres de marché inférieures de 5% à 7% aux tarifs réglementés à Paris.

La semaine dernière, la campagne « Energie moins chère ensemble » d'UFC-Que Choisir (4) a confirmé la compétitivité des offres de marché. Engie pour l’électricité et Eni pour le gaz ont remporté les appels d’offres de cette campagne avec des offres garantissant 9% d’économies par rapport aux tarifs réglementés de septembre 2017 (ekWateur a remporté l’offre « électricité : soutien aux petits producteurs d’électricité renouvelable »).

Il reste toutefois des freins au changement, parfois qualifiés de « psychologiques » par les fournisseurs alternatifs. Dans un sondage de l’Ifop commandé par Eni fin 2015, 76% des personnes interrogées jugeaient « bénéfique » l'ouverture à la concurrence du marché de l’électricité (78% pour le gaz). Ils déclaraient toutefois privilégier une plus grande sobriété dans leurs foyers (pour la moitié d’entre eux) pour faire baisser leurs factures d’énergie plutôt qu'un changement de fournisseur (envisagé par seulement 10% des personnes interviewées à l’époque). 

Sources / Notes
  1. Commission de régulation de l’énergie.
  2. Cette plus grande concurrence sur le marché de détail du gaz est entre autres due à la structure de l’approvisionnement : « les fournisseurs de gaz peuvent facilement s’approvisionner en gaz en différentes points » tandis que le marché de la production électrique en France n’est « pas vraiment concurrentiel au regard du poids du nucléaire et de sa compétitivité » selon Nicolas Mouchnino, chargé de mission énergie chez UFC-Que Choisir. Pour contrebalancer cet avantage « historique » d’EDF, le dispositif « ARENH » permet depuis juillet 2011 aux fournisseurs alternatifs de racheter une partie de la production électrique nucléaire de l’électricien historique à un prix «  coûtant » régulé (intégrant notamment les coûts d’exploitation et de nouveaux investissements de maintenance). Cette mesure « palliative » ne règle toutefois pas le vrai problème de l’accès à la production pour Nicolas Mouchnino qui doute qu’une réelle concurrence en matière de production puisse émerger d’ici à fin 2025, date à laquelle l’ARENH est censé disparaître.
  3. Sur la base d’une consommation de 8,5 MWh par an.
  4. Campagne « Énergie moins cher ensemble », UFC-Que Choisir.

« Observatoire des marchés de détail T2 2017 », Commission de régulation de l’énergie.

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