L'AIEA réalise des inspections de centrales nucléaires partout dans le monde. Ici à Fukushima Daiichi en novembre 2013. (©Greg Webb/IAEA)
À RETENIR
- Fondée par les Nations unies en 1957, l'AIEA est chargée de promouvoir le développement des applications civiles de l’énergie nucléaire.
- Elle regroupe actuellement 173 membres.
- L’AIEA est notamment chargée d'inspecter des installations nucléaires et de vérifier qu'elles ne sont pas détournées à des fins militaires.
- En 1968, le TNP (Traité de Non Prolifération) des armes nucléaires a élargi le champ d’action de l’AIEA.
Définition et catégories
L’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) est la principale instance mondiale pour la coopération scientifique et technique dans le domaine de l’utilisation pacifique des technologies nucléaires. Elle regroupe 173 pays membres (au 7 avril 2021)(1). Son siège est situé à Vienne en Autriche.
Créée par les Nations unies en 1957 en tant qu'organisation indépendante, elle fait écho au discours « Atoms for Peace » d’Eisenhower, alors Président des États-Unis, prononcé devant l'Assemblée générale des Nations unies en 1953. Il proposait la création d'une instance internationale chargée de promouvoir et de contrôler l'utilisation civile de l'énergie atomique tout en assurant la sûreté, la sécurité et la paix.
En tant qu’émanation de l’Organisation des Nations unies (ONU), un de ses objectifs majeurs est d’assurer la sécurité des populations et des États en luttant contre toute tentative d’utilisation illicite du nucléaire à des fins militaires.
Fonctionnement
Les missions de l’AIEA
- Garantir l’utilisation pacifique de l'énergie nucléaire
L’AIEA est chargée d'inspecter des installations nucléaires et de contrôler leurs activités. Elle vérifie entre autres que les États non dotés de l’arme nucléaire et ayant signé le Traité de Non Prolifération (TNP) nucléaire respectent leurs engagements afin d’éviter que l’usage civil des technologies nucléaires ne soit détourné à des fins militaires.
Pour réussir cette mission, elle encourage les États non signataires à rejoindre le TNP et à conclure des accords de garanties. Après la découverte d’un certain nombre de programmes clandestins, un renforcement des contrôles a été défini et un Protocole additionnel a été signé par la majorité des États membres de l'AIEA(2).
- Assurer la sûreté et la sécurité nucléaires
La sûreté vise à protéger les populations et l’environnement contre une exposition nuisible aux radiations. L’AIEA travaille étroitement avec ses États membres en vue d’établir et de diffuser les meilleures pratiques de sûreté possibles.
En matière de sécurité, l’objectif de l’AIEA est de prévenir tout accès de terroristes aux installations et aux matières nucléaires ou radioactives. Les États membres soutiennent ce programme en contribuant au Fonds de Sécurité Nucléaire extrabudgétaire (FSN).
- Promouvoir l’utilisation pacifique des sciences et technologies nucléaires
L’AIEA encourage la coopération technique et scientifique dans tous les domaines des applications nucléaires (énergie, santé, environnement, etc.). Elle aide les États membres à évaluer et à planifier leurs besoins énergétiques.
Valeur juridique des inspections de l’AIEA
Les organisations internationales ne déterminent pas les obligations des États et ne définissent pas non plus les mesures nécessaires pour conduire leurs inspections. Ainsi, si l’AIEA démontre qu’un État n’a pas respecté ses obligations, elle ne peut qu’en référer au Conseil de sécurité de l’ONU (15 membres dont 5 permanents : Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie) à qui il appartient de réagir.
Organisation interne de l’Agence
L’AIEA dispose de ses propres organes de décision au sein desquels les États membres déterminent les orientations à prendre :
- la Conférence générale des États membres de l’AIEA est l’organe directeur principal de l’Agence. Elle étudie et approuve le programme et le budget de l’AIEA, et prend des décisions sur des sujets portés à son attention par le Conseil des gouverneurs, le Directeur général ou les États membres. Elle se tient une fois par an (habituellement en septembre) ;
- le Conseil des gouverneurs est composé de 35 représentants d’États membres différents élus par la Conférence générale. Le Conseil fait des recommandations à la Conférence générale sur le programme et le budget de l’Agence, approuve les accords de garantie et la publication des standards de sûreté, et vote des résolutions. Cet organe a également la responsabilité de nommer le Directeur général (avec l'approbation de la Conférence générale). Il se réunit généralement cinq fois par an (en mars, en juin, deux fois en septembre - avant et après la Conférence générale - et en novembre) ;
- le Secrétariat compte environ 2 560 administrateurs et personnels d’appui, exécute les programmes et les activités approuvés par les organes directeurs de l’Agence. Il est dirigé par le Directeur général, le plus haut fonctionnaire de l’AIEA qui est nommé pour un mandat de quatre ans renouvelable.
Le Directeur général est assisté par six directeurs généraux adjoints qui dirigent chacun un département : - énergie nucléaire : appui technique sur les installations, le cycle du combustible et la gestion des déchets ;
- coopération technique : transfert de technologies ;
- sûreté et sécurité nucléaires ;
- sciences et applications nucléaires dans les domaines de la santé, de l’agriculture, de l’industrie et dans d'autres domaines ;
- vérification des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire ;
- budget et finances, services juridiques et appui administratif.
Enjeu : contrer la menace de prolifération
L'affrontement de deux visions au sujet du nucléaire
Certains affirment que l’arme nucléaire est un outil de dissuasion et qu'elle a donc un effet stabilisateur. Un des exemples représentatifs est celui de la guerre froide au cours de laquelle s’affrontèrent idéologiquement et parfois militairement sur des fronts isolés (Corée, Vietnam) le bloc de l’ouest et le bloc de l’est. L’arme nucléaire a permis d’éviter un affrontement direct entre les deux « superpuissances ».
Pour d'autres, en revanche, l’arme nucléaire est un élément dangereux et déstabilisateur. En particulier, il permet aux États de moindre importance de détenir un moyen de pression vis-à-vis de la communauté internationale. Deux exemples permettent d’illustrer ce propos :
- la Corée du Nord, dont le régime dictatorial n’est pas, en pratique, inquiété par la communauté internationale (malgré les menaces de Donald Trump fin 2017, avant la rencontre entre le Président américain et Kim Jong-un en juin 2018) ;
- l’Iran, soupçonnée de vouloir se doter de l’arme atomique pour assurer son hégémonie au Moyen-Orient jusqu'à la signature d'un accord historique avec les « 5 +1 » en juillet 2015 (accord depuis remis en cause par Donald Trump).
Hormis la crise des missiles de Cuba en 1962 et quelques autres incidents isolés souvent consécutifs d’erreurs humaines ou informatiques, le nucléaire a souvent permis de canaliser militairement les grandes puissances opposées idéologiquement.
L'utilisation de la technologie nucléaire dans les politiques de développement durable
L’énergie nucléaire émet peu de gaz à effet de serre et produit de l’électricité en grande quantité. Selon la filière, elle contribue à répondre à une triple problématique mondiale :
- la lutte contre le changement climatique ;
- la volatilié des cours des ressources fossiles ;
- l’accroissement de la demande électrique, notamment des pays en voie d’industrialisation.
L’AIEA est chargée de promouvoir le développement des applications civiles de l’énergie nucléaire et, en particulier, d’en faciliter l’accès aux pays qui n’en bénéficient pas encore. A ce titre, elle anime de nombreuses instances dans lesquelles les États membres échangent leurs connaissances et réalisent des projets communs. Elle apporte une aide aux pays qui débutent dans l’utilisation du nucléaire par l’édition de guides et l’envoi de missions techniques. Pour faire face aux problèmes de ressources et de gestion de déchets créés par une utilisation croissante de cette énergie, elle participe aux travaux de développement de systèmes de 4e génération et a mis en place en 2000 un programme spécifique (INPRO(3)) pour faciliter le dialogue entre les concepteurs et les futurs utilisateurs.
Enfin, toujours à ce titre, elle participe aux différentes conférences internationales sur le climat (COP) comme le sommet de Copenhague en 2009 ou la COP21 à Paris fin 2015.
Acteurs majeurs
L’AIEA fonctionne avec un budget ordinaire et des contributions volontaires. Organe mondial, l’Agence compte environ 2 560 personnes venant de plus de 100 pays différents qui travaillent dans différents bureaux à travers le monde.
Le poste de Directeur général fut exercé par :
- Sterling Cole (1957 à 1961) ;
- Sigvard Eklund (1961 à 1981) ;
- Hans Blix (de 1981 à 1997) ;
- Mohamed El Baradei (de 1997 à novembre 2009) ;
- Yukiya Amano (décembre 2009 à juillet 2019).
En juillet 2019, Cornel Feruta est nommé Directeur général par intérim de l'AIEA à la suite du décès de Yukiya Amano. En octobre 2019, l'Argentin Rafael Grossi est élu par le Conseil des gouvernements à la tête de l'Agence.
Chiffres clés
Le budget ordinaire total de l’AIEA pour l’année 2018 s'élève à 365,26 millions d’euros(4).
Zone de présence ou d'application
Le siège de l’AIEA est à Vienne mais elle dispose de différents bureaux comme à Genève ou à New York.
Par le biais d’inspections à travers le monde, les experts de l’AIEA participent à analyser les risques de prolifération dans certains pays. Les derniers exemples marquants concernent des États comme l’Irak, l’Iran ou la Corée du Nord.
Passé
La création de l’AIEA répond à la volonté du président américain Dwight D. Eisenhower de contrôler la prolifération horizontale et verticale de l’atome nucléaire, idée développée dans son plan « Atoms for Peace » (8 décembre 1953).
Ainsi, 81 pays ont accepté la fondation de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Par la suite, la guerre froide entre les États-Unis et l’URSS a empêché le bon fonctionnement de l’AIEA jusqu’en 1962 et la crise des missiles soviétiques sur l’île de Cuba.
En 1968, le TNP (Traité de Non Prolifération) des armes nucléaires a élargi le champ d’action de l’AIEA. Par ce traité l’organisme a pour mission de participer à prévenir la construction de nouvelles armes nucléaires pour les possesseurs de l’arme atomique et d’empêcher les pays n’en détenant pas de s’en procurer. Depuis cette date, l’AIEA promeut les usages civils de l’énergie nucléaire.
Présent et futur
Outre l’aide nécessaire aux pays qui commencent à utiliser des technologies nucléaires, l’AIEA pourrait avoir un rôle plus important dans l’élaboration de normes internationales pour la sûreté et la sécurité. Cette exigence s'est renforcée depuis l'accident de Fukushima Daiichi. A défaut d’une autorité de sûreté supranationale qui ne paraît pas réaliste car il est difficile de faire respecter dans le détail des règles au plan international, elle est appelée à accroître encore l’offre d’échanges et de vérifications avec des missions de type « revue de pairs » permettant d’apprécier l’état réel des installations des différents pays.
Le monde est confronté à une menace terroriste croissante. L’acquisition d’armes nucléaires par des groupes organisés pourrait faire l’objet pour l’AIEA d’interventions dans des États susceptibles d’héberger des terroristes. Les travaux de l’AIEA sur de possibles programmes d’armement nucléaire ont déjà révélé l’existence d’un marché noir de produits radioactifs, avec des centaines de cas confirmés de trafics de produits nucléaires et radioactifs depuis 1993.