Approvisionnement gazier de l'UE : une « solidarité » nécessaire face aux défis futurs

parue le

Dans l'Union européenne, « le secteur du bâtiment (ménage résidentiel, tertiaire et unité de chauffage central) représente le premier poste de consommation de gaz (plus de 40%) ». (©Pixabay)

L'Institut Jacques Delors souligne « la nécessité de baisser durablement la consommation de gaz afin de garantir la sécurité d’approvisionnement du continent » européen dans une note récente (consultable en bas de cet article). Explications.

Baisse de la consommation et « nouvelles vulnérabilités »

Le rapport des Européens au gaz fossile « a profondément — et peut être irrémédiablement — été bouleversé » à la suite de l'invasion russe de l'Ukraine, jugent les chercheurs Phuc-Vinh Nguyen, Camille Defard et Fiona Breucker(1) dans la note de l'Institut Jacques Delors.

Pour rappel, le plan REPowerEU présenté en mai 2022 par la Commission européenne visait à « réduire la dépendance de l’UE au gaz russe de deux tiers avant la fin de l’année [2022] » et de « rendre l’Europe indépendante des combustibles fossiles russes bien avant 2030 », en passant par une diversification des sources d'approvisionnement et une réduction de la demande, notamment grâce à une plus grande sobriété.

Sur ce dernier point, les États membres ont en partie « réussi leur pari » en réduisant de 17,7% leur consommation de gaz entre août 2022 et mars 2023 par rapport à la moyenne sur cette période au cours des 5 années précédentes (un règlement européen visait une baisse de 15%). Mais les auteurs de cette note nuancent ce constat en rappelant que « 7 pays (Malte, Irlande, Slovaquie, Espagne, Pologne, Slovénie, Belgique) ne sont pas parvenus à diminuer leur consommation de gaz à hauteur de 15% ».

Si l'objectif volontaire de réduction de la consommation gazière au sein de l'UE a été reconduit fin mars 2023(2), la note de l'Institut Jacques Delors appelle à « pérenniser cet objectif en le rendant obligatoire et non plus volontaire afin que tous les États puissent être incités à contribuer utilement ». Cette trajectoire de réduction obligatoire de la consommation de gaz par pourrait être fixée par État membre par période d’un an, allant du 1er avril 2024 au 31 mars 2027, « 2027 étant l’échéance à laquelle l’Union pourrait, en principe, s’être départie du gaz russe en vertu du plan REPowerEU ».

Pour compenser la chute majeure de ses approvisionnements en gaz russe, il est rappelé que l'Union européenne s'est « créée de nouvelles vulnérabilités » en augmentant ses livraisons de GNL (notamment à partir des États-Unis) : l'UE a plus que doublé ses importations de gaz par méthaniers en 2022 par rapport à 2021 et se fournit désormais « à hauteur de 45 à 50% sur le marché spot, ce qui l’expose à un double risque de volatilité des prix et de disponibilité des volumes face à des acheteurs concurrents » (la demande chinoise de GNL devrait notamment rebondir et concurrencer les besoins de l'UE).

« Solidarité » européenne

Alors que la « douceur hivernale s’est avérée être une précieuse alliée » lors de l'hiver 2022/2023, Phuc-Vinh Nguyen, Camille Defard et Fiona Breucke appellent à apporter une réponse structurelle à la crise gazière sans compter sur des facteurs conjoncturels favorables.

Pour ce faire, la solidarité apparaît comme l' « élément clé de la sécurité d'approvisionnement européen ». Cette solidarité pourrait entre autres s'exprimer en optimisant l'implantation des terminaux GNL sur le territoire européen, avec notamment une « exploitation en commun des installations de regazéification afin de mutualiser les investissements au sein de projets dont la situation géographique permettra un partage équitable des importations de gaz tout en assurant un taux d’utilisation plus élevé ».

La mise aux enchères communes d’une partie de la demande européenne de gaz est par ailleurs présenté comme « une première étape vers un mécanisme d’achats communs de gaz, et illustre ce renforcement de la solidarité européenne en vue de l’hiver prochain ».

La sobriété attendue devra être répartie entre les États membres mais également « socialement équitable » au sein de ceux-ci en assurant « un soutien approprié aux ménages vulnérables pour assurer un accès à une énergie suffisante pour tous, ainsi que par des mesures ciblées pour limiter la surconsommation des individus qui sont les plus gros consommateurs ».

Les chercheurs suggèrent par ailleurs la publication « à l'automne par la Commission européenne d’une communication proposant une boîte à outil (“toolbox”) sur la sobriété énergétique », incluant entre autres une liste des bonnes pratiques sur ce sujet.

Sources / Notes
  1. Phuc-Vinh Nguyen Chercheur en politique française et européenne de l’énergie Camille Defard Cheffe du Centre Énergie, chercheuse en politique européenne de l’énergie Fiona Breucker Chercheuse en Sobriété énergétique.
  2. La baisse de consommation visée est toujours de 15% sur la période allant du 1er avril 2023 au 31 mars 2024.

Thèmes associés