Vue de la centrale nucléaire de Doel. (©Electrabel)
En Belgique, l’exploitant du parc nucléaire Electrabel a annoncé en interne son intention de cesser les investissements nécessaires à la prolongation (hypothétique) de réacteurs. Il est prévu que les derniers réacteurs nucléaires du pays soient arrêtés d’ici à fin 2025 sauf si…
Combien y a-t-il de réacteurs nucléaires en service en Belgique ?
Le parc nucléaire belge est composé de 7 réacteurs à eau pressurisée tous exploités par Electrabel, filiale du groupe français Engie(1). Connectés au réseau électrique entre 1974 et 1985, ces réacteurs sont répartis entre 2 centrales :
- la centrale de Doel en Flandre (à 15 km du port d’Anvers et près de la frontière néerlandaise), composée de 4 réacteurs d’une puissance cumulée de 2 934 MW ;
- la centrale de Tihange en Wallonie (à 30 km de Liège), composée de 3 réacteurs d’une puissance cumulée de 3 008 MW.
En 2019, le parc nucléaire belge a généré près de 41,4 TWh, soit environ 46,5% de la production électrique totale du pays(2). « Sur base d’une analyse temporelle plus étendue, on observe que la contribution du nucléaire à la consommation finale d’électricité varie selon les année entre grosso modo 35%(3) et 50% selon la disponibilité des unités », précise Michel Huart, maître de conférences à l’ULB, spécialiste en « énergie et durabilité ».
Quand est prévue la sortie du nucléaire en Belgique ?
Une loi prévoyant l’arrêt progressif des réacteurs du parc nucléaire belge au bout de 40 ans d’exploitation a été votée en 2003(4). Il était alors prévu de fermer dès 2015 les réacteurs les plus anciens (Doel 1 et 2 ainsi que Tihange 1), les quatre autres réacteurs (Doel 3 et 4, Tihange 2 et 3) devant être arrêtés entre 2022 et 2025.
Le gouvernement d’Herman van Rompuy a toutefois décidé en 2009 de prolonger à 50 ans la durée d’exploitation des 3 réacteurs les plus anciens, soit jusqu’en 2025 (décision votée par le Parlement en juin 2015). Un nouvel accord a par la suite été signé par le gouvernement fédéral en mars 2018 pour fermer le parc nucléaire belge entre 2022 et 2025.
Dernier épisode en date en septembre 2020 : un gouvernement de coalition auquel participent 7 partis (avec Tinne Van der Straeten, membre du parti Groen, comme ministre de l’Énergie) a été formé en Belgique, 16 mois après les élections législatives. Dans l’accord de ladite coalition(5), le nouveau gouvernement fédéral « reconfirme résolument la sortie du nucléaire », en indiquant que « le calendrier légal de sortie du nucléaire sera respecté, comme prévu ».
Il est toutefois précisé dans cet accord qu’un rapport sur la sécurité d’approvisionnement et l’impact sur le prix de l’électricité sera soumis au gouvernement fin novembre 2021 : « si ce monitoring montre qu’il y a un problème inattendu de sécurité d’approvisionnement, le gouvernement prendra des mesures adéquates comme l’ajustement du calendrier légal pour une capacité pouvant aller jusqu’à 2 GW »(6).
Autrement dit…le gouvernement belge « prévoit que, si fin 2021, des incertitudes concernant la sécurité d’approvisionnement du pays subsistent, les 2 unités les plus récentes (Tihange 3 et Doel 4) pourraient être prolongées », souligne Electrabel. L’exploitant du parc nucléaire belge pose toutefois ses propres conditions(7) : « une éventuelle prolongation n’est possible qu’en tenant compte des contraintes techniques, légales et financières qui rendent nécessaire une décision de principe au plus tard fin 2020 ».
En résumé, les tranches de Doel 3 et Tihange 2 doivent, selon le calendrier actuel, « fermer respectivement en 2022 et 2023 » (40 ans après le début de leur exploitation), rappelle Electrabel. L’arrêt des autres réacteurs - Doel 4 et Tihange 3 (après 40 ans d’exploitation) et Doel 1 et 2 ainsi que Tihange 1 (après 50 ans d’exploitation) doit intervenir d’ici à fin 2025.
Comment la Belgique va-t-elle « compenser » la fermeture de son parc nucléaire ?
Depuis la décision de sortie du nucléaire en 2003, « il apparaît que la période n’a pas été suffisamment mise à profit pour organiser une sortie du nucléaire dans des conditions optimales […] l’urgence actuelle est la conséquence de l’absence de mise en œuvre d’un plan énergétique belge », juge Michel Huart. « Pour permettre la fermeture du parc nucléaire, la Belgique compte sur les échanges internationaux, les énergies renouvelables et des mesures de flexibilité. Elle a doublé ses capacités d’interconnections avec les pays voisins, augmenté les capacités renouvelables (principalement éolien offshore et sur terre ainsi que photovoltaïque) et elle souhaite disposer d’un mécanisme de capacité de réserve basé sur des centrales de pointe au gaz naturel ».
La Belgique envisage ainsi la construction de 3 GW de nouvelles centrales à gaz, précise Damien Ernst, professeur à l'ULiège, spécialiste des questions énergétiques. Mais cette option du gaz ne constitue « pas une garantie » selon lui : un appel d’offres aura lieu en octobre 2021 pour ces centrales (auquel participera Electrabel) qui devraient commencer à être construites seulement en 2022.
En outre, le « capacity remuneration mechanism » belge(8) qui prévoit d’assurer la rentabilité de ces installations (utilisées lors des pics de consommation) doit encore être approuvé au niveau européen. Celui-ci pourrait « renchérir de 600 à 700 millions d’euros par an la surcharge d'Elia(9) payée » par les consommateurs d’électricité en Belgique (soit près de 8 €/MWh), souligne Damien Ernst. Pour rappel, la Belgique est déjà le 3e pays de l'Union européenne où les ménages paient leur électricité le plus cher selon les dernières données d’Eurostat (286 €/MWh au 2e semestre 2019), après le Danemark et l’Allemagne(10).
Si un nouveau revirement politique semble improbable pour Damien Ernst - les Verts ayant fait de l’arrêt du nucléaire « une condition de leur entrée au gouvernement » - Electrabel a publié un communiqué le 18 novembre(11) indiquant que le groupe continue à travailler sur « les deux options de fermeture et de prolongation » pour ses réacteurs nucléaires de Doel 4 et Tihange 3.