Les chefs d’entreprises réunis au siège de l’Unesco ont été sondés hier sur le prix du carbone qu’ils jugeaient souhaitable aux horizons 2020 et 2030. (©MD)
Les dirigeants de grands groupes internationaux étaient réunis les 20 et 21 mai à Paris pour discuter de leurs contributions à la lutte contre le changement climatique, dans l’optique de la COP21 de fin d’année. Il a été largement question lors de ce « Business Climate Summit » de donner une valeur au carbone pour inciter les entreprises à réduire leurs émissions.
Un consensus pour fixer un prix au carbone
Pour aller vers une économie bas-carbone, les entreprises s’accordent sur la nécessité d’attribuer un prix minimum à la tonne de CO2 qui soit susceptible d’orienter leurs investissements vers des technologies plus sobres en carbone. Un cadre réglementaire stable est une autre demande répétée par les acteurs économiques dont les investissements s’effectuent sur le long terme (tandis que les plafonds d’émissions du marché carbone européen sont par exemple uniquement définis jusqu’à 2020).
Sur cette base, des entreprises sont prêtes à s’engager résolument dans la réduction de leurs émissions. Daniel Benes, dirigeant du groupe tchèque CEZ a par exemple annoncé que sa société dont la production électrique repose actuellement à 60% sur le charbon, pourrait être « neutre en carbone » d’ici à 2050.
D’autres entreprises présentes au sommet défendent naturellement la contribution de leurs énergies à une économie bas carbone, qu’elles soient « décarbonées » (renouvelables et nucléaire) ou qu’elles permettent d’accompagner le développement des énergies renouvelables intermittentes (en tant que centrales de « back up » comme les centrales gaz à cycle combiné).
De nombreuses autres propositions sont avancées afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère : suppression des subventions aux énergies fossiles, développement du capture et stockage du CO2, réduction de la pratique du torchage, etc. Pour ce qui est du prix du carbone, reste à trouver le cadre adéquat.
Quel cadre et quel prix ?
Pour fixer un prix à la tonne de carbone, il faut schématiquement choisir entre la mise en place d’une taxe carbone ou d’un marché du carbone sur lequel s’échangent des droits à émettre selon une logique d’offre et de demande. C’est cette deuxième solution que la plupart des entreprises grandes émettrices qui sont intervenues lors du sommet souhaitent privilégier en dépendant moins des décisions politiques.
Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la CCNUCC(1), a rappelé pour sa part qu’elle croyait en un grand marché du carbone unifié à l’échelle mondiale alors qu’il existe aujourd’hui un « patchwork » de systèmes de tarification du carbone par région (marché européen, Californie, provinces chinoises, etc.). La mosaïque actuelle d’une quarantaine de systèmes pourrait progressivement converger.
Les participants du sommet ont par ailleurs été interrogés sur le prix du carbone souhaitable. La majeure partie s’est prononcée pour un prix avoisinant 40 $ la tonne en 2020 et entre 100 et 200 $ la tonne en 2030.
Quid du marché du carbone européen?
Au niveau européen, le marché carbone, dit « SCEQE »(2) (ou « EU ETS » en anglais), est inefficient en raison d’une allocation trop importante de quotas d’émissions face à une demande en baisse depuis la crise économique de 2008. La tonne de carbone se négocie aujourd’hui aux alentours de 7,3 €(3), un montant largement insuffisant pour inciter les entreprises à se détourner des technologies les plus émettrices.
Afin de remédier à cette inefficacité du marché carbone européen, il était prévu de mettre en place début 2021 une réserve de stabilité carbone, mécanisme consistant à geler une partie des crédits d’émissions en excédent. François Hollande a annoncé mercredi, en introduction de ce sommet, que ce mécanisme allait être inauguré 2 ans en avance, soit en janvier 2019.
Notons que la Caisse des Dépôts organise aujourd’hui le « Climate Finance Day » qui vise également à inciter les acteurs financiers à orienter leurs financements vers une société bas carbone. A moins de 200 jours de la Conférence Climat à Paris, le secteur privé affirme ainsi nettement ses ambitions, se plaçant, selon le Secrétaire général des Nations Unis Ban Ki-moon, « à l’avant-garde » de l’action climatique.