Extraction d’uranium naturel (©Katko-Kazatomprom)
Définition et catégories
Un combustible est une matière susceptible de brûler en fournissant une quantité de chaleur utilisable. Les plus connus sont le bois, le charbon, le gaz naturel ou le pétrole. Par analogie, l’uranium, utilisé dans les centrales nucléaires, est appelé « combustible nucléaire » : il fournit par unité de masse, le kilo par exemple, beaucoup plus d’énergie qu’un combustible fossile (charbon ou pétrole). 15 g de combustible nucléaire utilisé dans un réacteur à eau sous pression (REP) fournit autant de chaleur qu’une tonne de pétrole dans une centrale thermique classique.
L’uranium subit de nombreuses opérations entre son extraction à la mine et son utilisation comme combustible en réacteur. Il peut également être traité après son utilisation dans le réacteur afin d’en extraire les matières énergétiques recyclables. L’ensemble de ces transformations est appelé cycle du combustible nucléaire.
Le principe du cycle du combustible
Il désigne l’ensemble des opérations de transformation (chimique, physique ou physico-chimique) que subit la matière utilisée pour la production d’énergie en réacteur. Le terme de « cycle » souligne notamment la possibilité de recycler une partie des matières fissiles après le passage en réacteur (par exemple l’uranium contenu dans le combustible à l’entrée mais non consommé en réacteur ou le plutonium produit pendant le fonctionnement du réacteur et non consommé).
Le cycle du combustible peut être subdivisé en trois grandes étapes successives :
- l’amont du cycle allant de l’extraction du minerai jusqu’à la livraison du combustible aux réacteurs ;
- l’utilisation du combustible dans le réacteur ;
- l’aval du cycle, du déchargement du combustible irradié du réacteur à son traitement et/ou son stockage.
Fonctionnement technique ou scientifique
Il existe plusieurs filières de réacteurs nucléaires. Pour simplifier, nous évoquerons ci-après le cas de la filière des réacteurs à eau sous pression (REP) qui est la plus utilisée industriellement dans le monde (plus de 80% des réacteurs sont des REP) et qui constitue l’intégralité du parc nucléaire français.
Avant l’utilisation en réacteur : la préparation du combustible
L’uranium est un métal relativement répandu dans l’écorce terrestre (50 fois plus que le mercure par exemple). Comme la plupart des métaux, il ne s’extrait pas directement sous sa forme pure parce qu’à l’état naturel il se trouve, dans les roches, combiné à d’autres éléments chimiques. Les roches les plus riches en uranium sont les minerais uranifères (c’est-à-dire contenant de l’uranium), par exemple, l’uranite et la pechblende. Le cycle du combustible nucléaire commence donc par l’extraction du minerai uranifère dans des mines à ciel ouvert ou en galeries souterraines.
La teneur du minerai en uranium est en général assez faible, il ne peut pas être utilisé tel que dans les réacteurs nucléaires. L’oxyde d’uranium doit d’abord être débarrassé des impuretés par différentes étapes de purification (raffinage). Pour alimenter les réacteurs nucléaires, il faut disposer d’un combustible dont la proportion d’uranium 235 se situe entre 3 et 5%, car seul cet isotope de l’uranium peut subir la fission nucléaire libératrice d’énergie. Or, dans 100 kg d’uranium naturel, il y a 99,3 kg d’uranium 238 et 0,7 kg d’uranium 235, soit 0,7 % seulement d’uranium fissile. L’opération consistant à augmenter la proportion d’uranium 235 est appelé « enrichissement ». Deux technologies sont déployées industriellement, le procédé historique de diffusion gazeuse et le procédé d’ultracentrifugation.
Après enrichissement, l’hexafluorure d’uranium est converti en oxyde d’uranium sous la forme d’une poudre noire. Celle-ci est comprimée puis frittée (cuite au four) pour donner des petits cylindres d’environ 1 cm de long et gros comme des petits morceaux de craie, appelés « pastilles ». Chaque pastille, qui ne pèse que 7 g, peut libérer autant d’énergie qu’une tonne de charbon (1 million de grammes). Les pastilles sont enfilées dans de longs tubes métalliques de 4 m de long en alliage de zirconium, les « gaines », dont les extrémités sont bouchées de manière étanche pour constituer les « crayons » de combustible. Pour charger un réacteur nucléaire de 900 MW, plus de 40 000 crayons sont préparés et rassemblés en « faisceaux » de section carrée, appelés assemblages de combustible (chaque assemblage contient 264 crayons).
Dans le réacteur : la consommation du combustible
Les assemblages de combustible, disposés selon une forme précise, forment le cœur du réacteur. Chacun y séjourne pendant trois ou quatre ans. Pendant cette période, la fission de l’uranium 235 fournit la chaleur nécessaire à la production de vapeur puis l’électricité. Au fil du temps, le combustible subit des transformations qui le rendent moins performant : l’uranium 235 est consommé progressivement et des produits de fission apparaissent (en absorbant les neutrons, ces produits perturbent la réaction en chaîne). Au bout d’un certain temps, le combustible doit être retiré du réacteur même s’il contient encore des quantités importantes de matières énergétiques récupérables, notamment de l’uranium et du plutonium. Ce combustible est également très radioactif en raison de la présence de produits de fission. Les rayonnements émis par ces atomes radioactifs dégagent beaucoup de chaleur et, après son utilisation, le combustible usé est donc entreposé dans une piscine de refroidissement près du réacteur pendant trois ans pour laisser diminuer sa radioactivité.
Après l’utilisation en réacteur : le traitement du combustible
Le traitement consiste à récupérer la matière utilisable, l’uranium et le plutonium, et à isoler les déchets radioactifs non valorisables. La matière utilisable est récupérée pour produire à nouveau de l’électricité. C’est le recyclage des matières énergétiques contenues dans les combustibles usés.
Lors de leur arrivée dans l’usine de traitement, les assemblages de combustible usés sont entreposés dans une piscine. Des traitements chimiques successifs sur le combustible en solution permettent de séparer le plutonium et l’uranium des déchets ultimes (actinides mineurs, produits de fission). Ces derniers seront intégrés dans des verres spéciaux (vitrification) et stockés comme déchets nucléaires.
L’uranium et le plutonium, représentant 96% de l’ensemble, sont séparés et conditionnés séparément. Ils peuvent ensuite être réutilisés jusqu’à un certain degré pour fabriquer un nouveau combustible et suivre une voie analogue à celle d’un combustible ordinaire. Ce combustible, appelé MOX (Mixed Oxide Fuel), est un mélange d’environ 93% de poudre d’uranium appauvri et de 7% de poudre d’oxyde de plutonium. Il est utilisé dans une vingtaine de réacteurs en France.
Acteurs majeurs
La France est l'un des rares pays disposant sur son territoire de l'ensemble des installations permettant la conversion, l'enrichissement, la fabrication, le traitement et le recyclage des matières nucléaires. Aujourd’hui il n’existe que trois usines de traitement des combustibles d’oxyde d’uranium UO2 usés dans le monde :
- l’usine de la Hague en France exploitée par Areva, avec une capacité autorisée de 1 700 tonnes/an (correspondant à une production électrique potentielle de 450 TWh/an). Les deux lignes de production de cette usine ont produit 1 023 tonnes de combustile recyclable en 2012(1) ;
- l’usine de Tcheliabinsk en Russie exploitée par Mayak Production Association, avec une capacité de 400 tonnes/an ;
- l’usine de Sellafield en Grande-Bretagne(2), d’une capacité de 900 tonnes/an.
Au Japon, une usine de traitement d’une capacité de 800 tonnes/an située sur le site de Rokkasho-Mura est en attente de mise en service par JNFL, suite à un transfert de technologie opéré par Areva.
Unités de mesure et chiffres clés
Poids économique du cycle du combustible
La production d'électricité nucléaire bénéficie de faibles coûts du combustible, au regard des coûts importants des investissements par unité de puissance installée et malgré l'évolution à la hausse du cours de l'uranium naturel soutenu par la relance de l'électronucléaire.
L'ensemble des opérations du cycle du combustible représente de l'ordre de 20 % du coût de production(3) du kWh. L'amont du cycle représente les trois quarts environ du coût du combustible et l'aval du cycle, y compris le stockage des déchets ultimes, le quart restant.
Passé et présent
Cycles du combustible « fermé » et « ouvert »
Les opérateurs des centrales électronucléaires ont plusieurs options de gestion des combustibles usés à leur disposition. La première est de choisir entre un « cycle fermé » (avec traitement) ou un « cycle ouvert » (sans traitement des combustibles usés). La France a très tôt choisi le cycle fermé. Dans ce cas (également choisi par le Japon et la Grande-Bretagne), on extrait des matières valorisables (uranium et plutonium) pour utilisation ultérieure et les autres produits radioactifs sont considérés comme déchets ultimes.
Dans le cas du « cycle ouvert », au contraire on fait le choix de ne pas recycler les matières fissiles présentes dans le combustible usé et on destine celui-ci directement au stockage définitif (pays scandinaves) ou à l’entreposage d’attente (États-Unis).
Futur
Cycles du combustible nucléaire avancés
Face à la problématique de l’épuisement des ressources (comme les énergies fossiles), l’industrie nucléaire développe des solutions conduisant à une meilleure utilisation des ressources. Les réserves d’uranium ne sont pas illimitées. L’objectif est d’augmenter l’offre du combustible pour les générations futures en valorisant le contenu énergétique de l’uranium naturel.
En France, le plutonium issu de l’irradiation du combustible à l’oxyde d’uranium, n’est pas considéré comme un déchet mais comme une matière à haut potentiel énergétique en raison de ses caractères fissiles. Dans les réacteurs actuels à eau, le recyclage du plutonium est limité à un cycle (combustible MOX), tandis que les réacteurs à neutrons rapides, dits de « 4ème génération » permettent un multi-recyclage du plutonium. Le potentiel énergétique peut donc être pleinement exploité dans les réacteurs à neutrons rapides, qui convertissent l’uranium 238 fertile en plutonium 239 fissile et exploitent ainsi au mieux la ressource naturelle. L’enrichissement de l’uranium n’est donc plus nécessaire.
Par ailleurs, la réduction des déchets radioactifs est un défi capital. Une séparation plus sélective des divers éléments à vie longue du combustible usé permettrait de les convertir en combustible à irradier dans des réacteurs spécialement adaptés. Ils y seraient transmutés en éléments à vie courte tout en produisant de l’électricité. De nombreux travaux internationaux et nationaux sont actuellement consacrés à la conception de réacteurs et de cycle du combustible avancés, qui pourraient devenir commercialement exploitables à l’horizon 2040.
Le saviez-vous ?
Il y a deux milliards d’années, sur le site d’Oklo au Gabon, du minerai d’uranium contenant à l’époque 3,5% d’uranium 235 s’est concentré en filons assez denses pour atteindre la masse critique. L’eau abondante jouant le rôle de modérateur, des réactions nucléaires spontanées se sont déclenchées. Elles ont duré des milliers d’années, puis se sont éteintes naturellement. Stockés à l’abri de la roche depuis 2 milliards d’années, ils sont maintenant étudiés dans le cadre des recherches sur le stockage des déchets. En envisageant un site de stockage géologique profond pour les déchets ultimes dans le cadre de la loi du 28 juin 2006, il apparaît que l’homme n’a fait que redécouvrir un système inventé par la nature.