Décarbonation du système électrique : France Stratégie précise les « coûts d’abattement »

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Éolienne et tours de refroidissement de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse en Ardèche

Éolienne et tours de refroidissement de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse en Ardèche. (©EDF-Xavier Popy)

France Stratégie a publié le 21 janvier un rapport présentant les « coûts d’abattement » liés à la décarbonation de la production d’électricité en France, autrement dit les « surcoûts pour le système électrique associés à la suppression totale des émissions de CO2 dans la production d’électricité »(1). Explications.

Rappels sur les coûts d’abattement des solutions de décarbonation

En France, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), révisée tous les cinq ans, constitue la feuille de route pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (avec comme ambition de long terme l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050). Pour préciser les actions de décarbonation à mettre en œuvre de façon prioritaire, les « coûts d’abattement » constituent une « donnée essentielle » : ils doivent permettre de mesurer les coûts de différentes solutions rapportés aux émissions de gaz à effet de serre évitées et ainsi hiérarchiser ces solutions entre elles(2).

En septembre 2019, une commission a été créée pour poser un cadre méthodologique de calcul de ces coûts d’abattement des émissions de gaz à effet de serre et les préciser en fonction de différentes technologies et actions possibles. Cette commission (présidée par Patrick Criqui et composée d’économistes et d’experts sectoriels) doit publier six rapports thématiques, publiés par France Stratégie, portant sur les coûts d’abattement dans six grands secteurs (transports, électricité, hydrogène, bâtiment, industrie et agriculture).

Dans le présent rapport de la commission Criqui sur le secteur électrique, il est rappelé en préambule que « l’électrification des usages est de plus en plus reconnue comme l’un des piliers stratégiques de la transition énergie-climat ». Il y est fait le constat que des investissements importants seront encore nécessaires pour décarboner totalement la production d’électricité en France alors même que celle-ci l’est déjà à plus de 92% (cette production compte pour seulement près 5% des émissions nationales de CO2).

Un coût d’abattement de 370 €/t CO2

La commission Criqui compare « deux états du système électrique à l’horizon 2050 » (la modélisation « Futurs énergétiques 2050 » de RTE plus détaillée est citée en référence en début d’étude) : un scénario de référence « dans lequel il subsisterait une production d’électricité à partir de gaz naturel et qui ne serait donc pas complètement décarboné » et un scénario décarboné « Proxy-AMS » (proche du scénario de la SNBC).

Ces scénarios - intégrant tous deux un développement massif des énergies renouvelables et une part du nucléaire dans le mix électrique de 30% en 2050 - sont « assez proches » (avec en commun l’hypothèse de la SNBC(3) d’une consommation électrique de 532 TWh en 2050, bien inférieure à la consommation de référence de 645 TWh retenue par RTE) : « la différence principale réside dans le remplacement du gaz naturel (présent dans le scénario de référence) par du gaz décarboné de méthanisation et de méthanation » dans le scénario « Proxy-AMS ».

La commission estime que « le coût d’abattement est de 370 €/t CO2 si l’on retient les hypothèses de coût du Proxy-AMS » (et de 362 €/t CO2 dans le cas d'une variante « ENR moins coûteuses »), soit « un résultat sensiblement inférieur à la valeur de l'action pour le climat(4) préconisée par le rapport Quinet » (775 €/t CO2). La décarbonation complète du secteur électrique est ainsi jugée « socialement désirable dans une politique de neutralité carbone en France ».

Le rapport précise que ce coût d’abattement peut être réduit en augmentant la part du nucléaire(5) par rapport au mix initialement retenu : « la part de 30% pour le nucléaire est inférieure à ce que serait un optimum strictement économique du système, compte tenu des hypothèses retenues pour les coûts des technologies »(6).

Sources / Notes
  1. Les rapporteurs dudit rapport sont Julie Corberand, Silvano Domergue, Olivier de Guibert, Emmanuel Memmi et Aude Pommeret.
  2. En comparant ce coût à la valeur de l’action pour le climat (défini par la commission Quinet qui avait publié un rapport sur le sujet en février 2019, en y faisant le constat de la nécessité « de poser un cadre méthodologique clair et partagé pour pouvoir évaluer le coût d’abattement socioéconomique des différentes actions ».
  3. Scénario AMS.
  4. La valeur de l’action pour le climat – ou valeur tutélaire du carbone – représente la valeur que la collectivité doit donner aux actions à entreprendre (changements de comportement, investissements, innovations, etc.) pour réduire les émissions et atteindre l’objectif de neutralité carbone prévu par l’Accord de Paris de 2015.
  5. Les auteurs ne prennent « cependant pas en compte le coût de traitement des déchets et les externalités liées à l'énergie nucléaire, tels que les impacts sur la santé, l'environnement, ou encore l'emploi. »
  6. Les auteurs du rapport complètent ces estimations des coûts d'abattement avec différentes estimations du coût de production dans différentes variantes : « Le résultat central est que le coût du kilowattheure incrémental dans la variante « électricité haute » (EH), dans laquelle le mix est le même que celui du scénario Proxy-AMS, est de 129 €/MWh, contre 99 €/MWh pour le coût moyen de production dans Proxy-AMS. Par ailleurs, le coût incrémental du kilowattheure passe à 91 €/MWH dans la variante « nucléaire haut » et à 167 €/MWh dans la variante « nucléaire bas ». Ce résultat est cohérent avec les conclusions tirées à partir des analyses sur les coûts d’abattement ». La Commission souligne que son évaluation, bien qu'incomplète (l'estimation est « suffisamment détaillée pour prendre en compte l’équilibre heure par heure du système électrique » mais elle « reste incomplète, notamment du point de vue de la prise en compte des coûts externes de la production d’électricité ou des impacts des interconnexions européennes »), permet « de mettre en évidence la nature et l’importance des coûts système qui apparaissent lorsqu’augmente la part des sources d’électricité non pilotables » et « d’évaluer les variations de coûts associées à une modification, à la marge, du mix de production ou du volume de cette production ».

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