A sa sortie du réacteur, le combustible usé est placé dans des piscines proches du cœur du réacteur. Ici, un détail de la piscine de stockage de la centrale de Cruas (©EDF-Christel Sasso)
Des chercheurs suisses et américains ont trouvé une technique moins chère et plus sûre pour capter des effluents gazeux produits dans les usines de traitement des déchets nucléaires. Explications.
Des effluents gazeux à capter lors du traitement des déchets
En France, le combustible usé issu des centrales nucléaires(1) est composé d’environ 94% d’uranium 238, de 1% d’uranium 235, de 1% de plutonium, de 4% de produits de fission et de près de 0,2% d’actinides mineurs. Près de 96% de ces matières présentes dans le combustible usé sont récupérables et valorisables grâce à des opérations de traitement et de recyclage. Ces dernières entraînent des rejets d’effluents gazeux résiduels parmi lesquels des isotopes du xénon (Xe) et du krypton (Kr).
Les radionucléides volatils de ces gaz, qui ont des demi-vies de 36,3 jours pour le xénon 127 et de 10,8 ans pour le krypton 85, doivent être captés au sein des usines de traitement de déchets nucléaires. A cette fin, la principale technique pour les séparer de l’air est actuellement la distillation cryogénique(2). Cette technique nécessitant de très basses températures présente l’inconvénient d’être énergivore et donc coûteuse. En outre, elle entraîne la formation d’ozone, gaz instable qui peut présenter des risques d’explosion.
Le SBMOF-1, meilleur candidat parmi 125 000 matériaux analysés
Des scientifiques du laboratoire de Berend Smit à l’EPFL (Sion), aidés de collègues de laboratoires américains, ont donc cherché un matériau susceptible de capter et de séparer le xénon et le krypton à température ambiante (et donc à moins coût). Des simulations moléculaires ont permis d’identifier parmi 125 000 matériaux celui dont la structure présentait le profil idéal.
Baptisé « SBMOF-1 », il s’agit d’un cristal nanoporeux à base de calcium qui présente, outre ses qualités en matière de capture et de sélectivité du xénon et du krypton, l’intérêt d’avoir une structure pouvant être modifiée et ordonnée sur mesure. Il pourrait ainsi être éventuellement optimisé pour d’autres applications que la séparation de gaz. L’EPFL souligne qu’il appartient à une classe de matériaux déjà utilisés pour éliminer les émissions de certains polluants dangereux.
Précisons que la séparation du xénon et du krypton, traditionnellement trop coûteuse(3), pourrait déboucher avec ce matériau sur une valorisation de ces gaz. Le xénon peut notamment être employé dans l’éclairage commercial, la propulsion, l’imagerie, l’anesthésie ou encore l’isolation. Le krypton présente certaines applications similaires(4). Les travaux des chercheurs de l’EPFL en sont toutefois encore à la première étape et Berend Smit indique que le matériau doit désormais être testé sur une installation pilote.
Structure cristalline du matériau SBMPF-1 (©B. Smith/EPFL)