Le gouvernement avait envisagé une prime de 30 €/ MWh effacé en heures pleines dans un premier projet d'arrêté. (©photo)
Le 22 janvier dernier, un arrêté ministériel fixant le montant d’une nouvelle prime versée aux opérateurs d’effacement est paru au Journal Officiel. Pour quelle raison cette prime a-t-elle été mise en place et dans quelles conditions ? Éclairage.
Rappels sur le principe de l’effacement
Un effacement de consommation d’électricité désigne l’arrêt ou la diminution temporaire de la consommation d’un industriel ou d’un particulier. On estime principalement le volume de cet effacement par rapport au niveau de consommation initialement prévu sur la période d’effacement.
Les effacements d’électricité permettent de lisser la puissance appelée sur le réseau (en diminuant la demande lors des pics de consommation) et de contribuer ainsi à sa stabilité, tout en évitant le recours ponctuel à des unités de production « de pointe » coûteuses.
Des « opérateurs d’effacement » valorisent ces effacements sur les marchés de l’électricité : ils rémunèrent des consommateurs pour que ceux-ci acceptent de limiter ou d’arrêter leur consommation à certaines périodes. Ils peuvent revendre sur les marchés de gros l’électricité qui était initialement dédiée à ces consommateurs ayant accepté de s’effacer. Il existe actuellement une quinzaine d’opérateurs d’effacement agrémentés en France(1).
Une prime versée aux opérateurs d’effacement « diffus »
La loi du 25 avril 2013 dite « loi Brottes »(2) prévoit le versement d’une prime aux opérateurs d’effacement au titre des bénéfices pour la collectivité de ces effacements. Le principal avantage identifié est une diminution des émissions de gaz à effet de serre : l’effacement permet une diminution partielle de la consommation, en particulier lorsque les unités de production les plus émettrices sont sollicitées pour satisfaire la demande (lors des pics de consommation). Les économies d’énergie et la diminution des pertes sur le réseau constituent deux autres types d’avantages identifiés par la CRE (Commission de Régulation de l’Énergie).
L’arrêté ministériel prévoit que la prime soit uniquement versée aux opérateurs pour des effacements provenant de petits consommateurs, souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kVA (kilovoltampères). Cette prime est donc essentiellement dédiée à l’effacement résidentiel dit « diffus » dont elle est censée stimuler le développement. Voltalis est le principal opérateur d’effacement sur ce marché. L’Afieg (Association française indépendante de l’électricité et du gaz) a entre autres déploré cette restriction de la prime n’incluant pas les effacements tertiaires et industriels.
Notons que la prime mise en place rémunère des volumes de consommation effacée alors que les effacements étaient précédemment principalement rémunérés « en capacité », c’est-à-dire en fonction de la capacité mise à disposition par le consommateur pour des effacements (capacité contractualisée auprès des opérateurs d’effacement).
L’effet report sujet à débat
Mesurer la valeur réelle des avantages de l’effacement pour la collectivité est une opération délicate. Il est en particulier encore difficile d’évaluer « l’effet report », c’est-à-dire la proportion de la consommation « effacée » qui n'est pas réellement économisée mais uniquement différée d’une période (lors de l’effacement) à une autre (après l’effacement)(3). Lorsque l’effet report est fort, cela signifie que les économies d’énergie sont faibles en définitive.
La CRE a estimé différentes valeurs de l’effacement en fonction du taux de report (allant de 0 à 100%). Dans l’arrêté final, le gouvernement a retenu un niveau de 50% du taux de report. Cela signifie que l’on estime que la moitié de la consommation effacée durant une période donnée est finalement bien consommée, avec un décalage dans le temps.
Le montant et le financement de la prime
Sur cette base, la prime versée aux opérateurs d’effacement diffus est fixée en 2015 à :
- 16 euros par mégawattheure lors des heures pleines (de 7 heures à 23 heures) ;
- 2 euros par mégawattheure lors des heures creuses (de 23 heures à 7 heures). La tension sur le réseau électrique en matière d’équilibre offre/demande est moins forte durant ces heures.
Chaque opérateur d’effacement peut bénéficier de cette prime dans une limite d’un volume de 250 gigawattheures par an.
Le financement de la prime cette année sera intégré dans le calcul de la CSPE (Contribution au Service Public de l’Électricité) dont s’acquittent tous les consommateurs d’électricité(4). La CRE a souligné le risque d’une forte augmentation de cette contribution si les effacements connaissaient une croissance importante avec un niveau de prime inchangé. Ce système de prime sera en vigueur jusqu’à fin 2015. Il sera réévalué annuellement en tenant compte du retour d’expérience, grâce notamment à une évaluation plus fine de l’effet report.