Tours de refroidissement d’une centrale nucléaire en Pennsylvanie (©photo)
À RETENIR
- L’énergie nucléaire est l’énergie de liaison des constituants du noyau des atomes.
- Dans les réacteurs électronucléaires actuels, une forte énergie sous forme de chaleur est libérée par la fission de noyaux lourds.
- La fusion contrôlée de noyaux légers (comme ceux du deutérium et du tritium) est encore au stade de la recherche.
- L'énergie nucléaire compte pour environ 11,5% du mix de production électrique mondial. En 2015, 448 réacteurs nucléaires ont produit près de 2 441 TWh au niveau mondial. Près de la moitié de cette électricité d'origine nucléaire a été produite aux États-Unis (99 réacteurs) et en France (58 réacteurs).
Définition et catégories
L’énergie nucléaire est l’énergie de liaison des constituants du noyau des atomes. Ce noyau est un assemblage de protons, de charge positive, et de neutrons sans charge très fortement liés malgré la répulsion électrique entre protons. Le noyau est extrêmement compact (10-12 mm), 100 000 fois plus petit que l’atome lui-même.
Dans les atomes lourds, le noyau contient beaucoup de protons qui se repoussent. Certains de ces noyaux (par exemple d'uranium ou de thorium) peuvent devenir instables et se rompre en libérant une partie de leur énergie de liaison. C’est la fission de l’atome.
Dans les atomes très légers, au contraire, deux noyaux peuvent se fondre pour former un atome plus lourd mais plus stable en dégageant une énergie considérable. C’est la fusion, par exemple de noyaux d’hydrogène en noyaux d'hélium.
Il existe deux types de réactions nucléaires : la fission et la fusion.
Sur Terre, la radioactivité naturelle, qui échauffe le magma, est à la base de la géothermie et du volcanisme. Dans l’univers, la fusion est omniprésente dans le cœur des étoiles, en particulier du Soleil. Ces deux formes d’énergie naturelle se rencontrent et se combinent dans l’atmosphère terrestre, en entretenant des conditions favorables à la vie dans une couche atmosphérique très mince.
Les premières applications de l’énergie nucléaire ont été militaires, qu’il s’agisse de l’exploitation de la fission (Hiroshima - 1945) ou de la fusion (bombe à hydrogène - 1952).
Les applications civiles de la fission contrôlée ont démarré dès 1950 aux États-Unis pour la production d’électricité. La fusion contrôlée est encore au stade des laboratoires de recherche. L’énergie nucléaire a aussi donné lieu à d’autres applications majeures pour l’humanité, en particulier en médecine, en radiothérapie et en imagerie médicale, et dans le spatial pour la propulsion des satellites.
Fonctionnement
Le principe de l’énergie de liaison
Par des techniques de pointe, il est possible de mesurer la masse d’un noyau, celle d’un proton isolé ou d’un neutron isolé. La masse du noyau est inférieure à la somme des masses de chacun de ses nucléons (protons et neutrons). Qu’est devenue la masse manquante ? Ce défaut de masse correspond à une énergie latente que la célèbre formule d’Einstein, E = mc2, nous permet de calculer. Cette quantité d’énergie sert de ciment pour tenir ensemble les constituants du noyau : on l’appelle pour cette raison l’énergie de liaison. Elle correspond à l’énergie qu’il faut fournir au noyau pour le dissocier en nucléons isolés.
Les noyaux des atomes de masses moyennes (fer, nickel) sont les plus fortement liés donc plus stables que les noyaux lourds (uranium) ou légers (hydrogène).
Les réactions nucléaires libératrices d’énergie
Elles sont de deux types.
La fissionou cassure d’un noyau très lourd en deux noyaux de taille moyenne
Elle consiste à casser des noyaux lourds, comme ceux de l’uranium 235 ou du plutonium 239, sous l’effet de l’impact d’un neutron. Elle transforme chaque noyau en deux autres noyaux environ deux fois plus petits. C'est l'énergie libérée par cette réaction qui est utilisée dans les réacteurs électronucléaires ; elle apparaît sous forme de chaleur et, comme pour la combustion thermique, sa conversion en électricité a un rendement limité (près de 35% pour les réacteurs de 2e génération, 37% dans le cas de l'EPR).
La fission nucléaire (©CEA)(1)
La fusion de noyaux très légers en un noyau un peu plus lourd et plus stable
C’est ce phénomène qui se produit au cœur du Soleil et des étoiles, principalement par fusion des noyaux d’hydrogène en noyaux d’hélium.
La fusion nucléaire (©CEA)(2)
Depuis une cinquantaine d’années, de nombreux laboratoires étudient la fusion contrôlée de deux noyaux légers comme ceux du deutérium et du tritium qui sont deux isotopes lourds de l’hydrogène.
Ce domaine est encore au stade de la recherche. Deux voies sont explorées : la fusion rapide par confinement inertiel au moyen d’un laser et la fusion lente par confinement magnétique. La production industrielle d’électricité par fusion n’est pas envisageable avant plusieurs décennies.
La réaction en chaîne
Ayant découvert et compris la fission vers 1930, l’homme a entrepris d’exploiter la fission des atomes lourds pour en extraire de l’énergie nucléaire. Dans la croûte terrestre, le minerai d’uranium naturel est constitué à 99,3 % d’uranium 238 stable et de 0,7 % d’uranium 235 fissile. Le combustible nucléaire est constitué d'uranium enrichi en isotope 235.
A chaque désintégration, un noyau d’uranium 235 émet plus de deux neutrons. Au-delà d’une certaine concentration, un de ces neutrons provoque la désintégration d’un autre noyau d’uranium 235, et il peut se produire une réaction en chaîne. S’il est présent, l’uranium 238 peut aussi absorber un neutron pour se transformer en plutonium 239, lui aussi très instable comme l'uranium 235. En contrôlant cette réaction en chaîne, on dispose d’une source d’énergie continue puissante et compacte.
Enjeux par rapport à l'énergie
Les enjeux géopolitiques et environnementaux placent l’énergie nucléaire au cœur des débats. Ses caractéristiques sont les suivantes :
- une exceptionnelle densité (1 gramme d’uranium 235 produit la même quantité d’électricité que 2 tonnes de fioul ou 3 tonnes de charbon) ;
- un fonctionnement sans émission de dioxyde de carbone ;
- des réserves de combustibles relativement bien réparties géographiquement, d’un siècle au minimum aujourd’hui, devenant millénaires dans le cas de réacteurs surgénérateurs capables de recycler les déchets accumulés par les centrales actuelles, en consommant beaucoup moins de matériaux fissiles ;
- l’énergie nucléaire de fission nécessite au départ des investissements lourds, obstacle important même si, in fine, elle s’est historiquement avérée très rentable ;
- la maîtrise de sa sûreté est très exigeante et fait l'objet d'un renforcement des normes, comme cela a été le cas suite à l'accident de Fukushima Daiichi ;
- les risques de prolifération (nouveaux pays s’équipant d’armes nucléaires) sont difficiles à éliminer totalement ;
- ses déchets, pourtant en faible volume, sont considérés comme dangereux, objet de débats où s’affrontent des logiques différentes.
Acteurs majeurs
Les acteurs majeurs de l’énergie nucléaire civile sont les États, et particulièrement ceux qui se sont dotés de l’arme nucléaire. Ils ont dû ainsi maîtriser les technologies qui sont aussi au cœur du nucléaire civil. Parmi ces pays : les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Russie et ses anciens satellites, la Chine et l'Inde. Des puissances économiques non dotées d’armes nucléaires ont également développé des capacités nucléaires civiles : l’Allemagne, le Canada, le Japon, la Corée du Sud, etc.
Près de 2 441 TWh d’électricité ont été produits dans le monde par 448 réacteurs nucléaires en 2015, dont 797,2 TWh aux États-Unis, 416,8 TWh en France et 195,2 TWh en Russie. Viennent ensuite la Chine, la Corée du sud, le Canada, l'Allemagne, l'Ukraine et le Royaume-Uni(4).
Parmi les acteurs mondiaux majeurs, l’AIEA (Agence Internationale pour l’Energie Atomique) dépend directement du conseil de sécurité de l’ONU. Elle a pour rôle « d’assurer un usage sûr et pacifique des technologies et des sciences liées au nucléaire ».
Au niveau industriel, les principaux acteurs sont Areva/EDF, Westinghouse/Toshiba, GE/Hitachi, Mitsubishi, KEPCO (Corée du sud), Rosatom (Russie) ou encore AECL (Canada).
Unités de mesure et chiffres clés
Unités
L’émergence, à partir de 1930, de l’énergie nucléaire a suscité la création de nombreuses unités.
La radioactivité : elle s’est d’abord mesurée en Curie, unité très grande, puis en Becquerel (1 désintégration/seconde), unité minuscule. Les doses absorbées se calculent en Gray. L’effet des doses absorbées suivant la nature des radiations et de l’espèce irradiée s’exprime en Sievert.
La puissance des armes : elle se mesure en tonnes de TNT (Trinitrotoluène), explosif très puissant fournissant 4,6 gigajoules (1 gramme de TNT = 1 000 calories). Les bombes H ont typiquement une puissance d’1 mégatonne de TNT, les bombes à fission de 15-20 kilotonnes de TNT.
La puissance des centrales nucléaires : elle se mesure en mégawatts, comme celle des centrales à charbon ou à fioul. Les centrales de 2e génération actuelles ont des puissances de l’ordre du gigawatt (1 000 MW).
En mai 2016, 441 réacteurs nucléaires sont « opérationnels » dans 35 pays.
Chiffres clés
En mai 2016, 441 réacteurs nucléaires sont « opérationnels » dans 35 pays, dont 99 aux États-Unis et 58 en France. L’Europe produit près d'un tiers de l’électricité nucléaire mondiale.
L'énergie nucléaire compte pour près de 11,5% du mix de production électrique mondial(5) (approximativement 19,5% aux États-Unis et 76% en France en 2015) mais pour moins de 5% de l’énergie primaire mondiale consommée.
Passé et présent
L’atome a été découvert en 1912 (Rutherford, Bohr), le neutron en 1922, la fission spontanée et le dégagement d’énergie (Curie) en 1938, puis en 5 ans, dans l’urgence de la Deuxième Guerre mondiale, la bombe atomique (1945). Le nucléaire a pour ainés l’aéronautique et l’automobile. Il est le contemporain de l’électronique.
Au niveau militaire, deux bombes à fission ont été utilisées en 1945 contre le Japon. Les engins thermonucléaires, cent fois plus puissants, ont ensuite joué un rôle clé dans la dissuasion mutuelle entre les deux blocs pendant toute la guerre froide (1950-1990).
Simultanément, des réacteurs nucléaires ont été développés pour la propulsion des navires de guerre, en particulier les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE).
Au niveau civil, la fission nucléaire contrôlée a démarré dès 1950, aux États-Unis, pour la production d’électricité. Les modèles actuels utilisés pour produire de l’électricité sont pour l’essentiel des réacteurs à eau de deuxième génération, dont la durée de vie pourrait atteindre ou dépasser 50 ans dans certains pays. Une troisième génération améliorée de ces réacteurs à eau est en cours d’installation (ex : EPR, AP1000). Leur remplacement par des réacteurs de 4e génération à neutrons rapides consommant tout l’uranium et produisant moins de déchets nécessite l’emploi de matériaux résistants aux hautes températures et aux flux intenses. Ces surgénérateurs sont au stade expérimental (ex : réacteur Astrid du CEA).
Aujourd’hui, l’énergie nucléaire a également un rôle clé dans les secteurs d’activité suivants :
- en médecine : radiothérapie, imagerie médicale (IRM) ;
- en instrumentation industrielle et scientifique : neutrographie pour le contrôle non destructif ;
- dans le domaine spatial : propulsion des satellites et sondes interplanétaires.
Futur
De nouvelles opportunités pourraient stimuler le développement de l’énergie nucléaire civile dans les décennies à venir :
- l’intensification des recherches technologiques en vue de maîtriser les réacteurs de quatrième génération pourrait résoudre les problèmes de sécurité d’approvisionnement et de déchets ;
- l’émergence des « smart grids » (réseaux de distribution électrique intelligents), conjuguée à celle de petits réacteurs modulaires (150 MW), consommateurs d’uranium appauvri, pourrait constituer une source d'approvisionnement électrique local ;
- les progrès attendus en fusion nucléaire, énergie puissante et disposant également de ressources naturelles considérables, pourraient ouvrir une seconde voie de production d’énergie nucléaire.
Concrètement
La bataille d’aujourd’hui est celle de l’équipement mondial en centrales de 3e génération, et particulièrement en Asie (Chine, Inde et Corée) où les besoins en électricité sont énormes.
Le saviez-vous ?
Il y a de l’uranium partout, mais à très faible teneur. Dans les océans, par exemple, au taux de 3,3 microgramme par litre (µg/l)(6). Ce qui équivaut au niveau mondial à environ 4 milliards de tonnes d'uranium dans l'océan, soit presque 1 000 fois les réserves terrestres d'uranium « raisonnablement assurées ».