Professeur émérite à l’Université de Montpellier (CREDEN)
Le prix de l’électricité dépend très largement des conditions nationales de production, de transport et de distribution. Le coût du kWh sortie centrale représente environ 40% du prix TTC payé par un consommateur domestique (dans le cas du tarif réglementé de vente). Il dépend à 75% du coût du nucléaire qui, en France, est bas parce que le parc en fonctionnement est aujourd’hui largement amorti, et à 13% du coût de l’hydraulique, qui lui aussi demeure faible, les barrages étant largement amortis. Mais une partie de l’électricité est produite avec du gaz ou du charbon ou est importée aux heures de pointe et là les coûts rejoignent les niveaux européens.
Dans l’avenir proche, il faudra de nouveau investir, soit dans la jouvence des réacteurs nucléaires actuels, soit dans de nouveaux équipements (nucléaires ou non). Pour financer ces investissements, il faudra augmenter les prix. D’autant qu’il faudra aussi investir dans les réseaux de transport et de distribution, ce qui est coûteux : les péages d’accès à ces réseaux représentent environ 35% du prix TTC du kWh pour un client domestique. Le solde, 25% du prix, correspond aux taxes et à la CSPE, contribution au service public de l’électricité qui prend en charge le surcoût lié à la péréquation spatiale de certains tarifs et surtout le surcoût lié aux subventions en faveur des énergies renouvelables. Les prix de rachat garantis très rémunérateurs mis en place pour promouvoir le développement des énergies éoliennes et solaires donnent lieu à un surcoût, par rapport au prix du marché, qui est mutualisé sur l’ensemble des consommateurs d’électricité. La Commission de régulation (CRE) s’inquiète d’ailleurs de l’augmentation continue de cette CSPE qui approchera bientôt à elle seule des 10% de la facture d’électricité d’un ménage. Il faut donc s’attendre là encore à une hausse du prix de l’électricité.
Malgré tout, les prix français de l’électricité demeurent sensiblement inférieurs à la moyenne des prix européens, ce qui pose d’ailleurs problème lorsque l’on veut introduire la concurrence et permettre aux « entrants » de gagner des parts de marché en France. Il faut alors soit ponctionner l’opérateur historique pour aligner ses coûts sur ceux de ses concurrents (l’Etat prélève la « rente nucléaire »), soit permettre aux « entrants » d’acheter une partie de l’électricité nucléaire à EDF mais à prix coûtant : c’est la solution retenue via le mécanisme de l’ARENH instauré par la loi NOME. Si on supprimait tous les tarifs réglementés, les prix français rejoindraient les prix européens plus élevés et du coup le consommateur français qui, dans le passé, a financé par ses tarifs les investissements dans le nucléaire, serait lésé.
En économie de marché, il est normal que les prix reflètent les coûts et historiquement les prix augmentent quand il faut investir. Sinon c’est le contribuable qui devra payer le déficit de l’opérateur. Cette politique de « vérité des prix » est saine et elle oblige le consommateur à adopter des comportements vertueux pour économiser l’énergie.
Il faut certes tenir compte des situations de précarité énergétique et mettre en place des systèmes divers comme les TPN (tarifs dits de première nécessité), les « chèques énergie » ou des abattements sur les taxes ou sur la CSPE. Mieux vaut aider directement ceux qui en ont besoin via des mesures sélectives que d’aider tout le monde par des tarifs subventionnés qui n’envoient pas les bons signaux au marché et conduisent à des comportements pervers : l’incitation à investir est défaillante du côté de l’offre, l’incitation à gaspiller (ne serait-ce que via l’effet « rebond ») est forte du côté de la demande.