Stockage de pétrole près du champ d’Adair San Adres au Texas (©Apache Corporation)
L’EIA américaine(1) a publié mardi ses dernières données portant sur l’état des réserves de pétrole et de gaz naturel des États-Unis à fin 2014. Celles-ci ont augmenté de plus de 9% par rapport à fin 2013, en grande partie grâce au développement des hydrocarbures non conventionnels.
Des réserves en hausse à fin 2014
Pour rappel, les réserves prouvées de pétrole ou de gaz naturel désignent l’ensemble des quantités de pétrole ou de gaz dont les chances de récupération et de rentabilisation sont quasiment certaines (réserves aussi dites « 1P » avec une probabilité d’au moins 90%).
A fin 2014, les réserves prouvées de pétrole (brut et condensats) des États-Unis sont évaluées par l’EIA à 39,9 milliards de barils, soit 9,3% de plus qu’en 2013. C’est la sixième année consécutive que ces réserves sont réévaluées à la hausse et la première fois depuis 1972 qu’elles dépassent la barre des 39 milliards de barils.
A titre indicatif, les réserves mondiales de pétrole sont évaluées par BP à 1 700 milliards de barils de pétrole à fin 2014(2). Les statistiques de BP qui servent souvent de référence incluent toutefois dans ce total les liquides de gaz naturel (les réserves des États-Unis sont alors évaluées à 48,5 milliards de barils en 2014) alors que l’EIA américaine les comptabilise dans ses réserves de gaz naturel. Il convient ainsi de vérifier dans les bilans statistiques quels hydrocarbures sont comptabilisés comme du « pétrole » car il existe une ambiguïté dans l’emploi de ce terme.
Selon l’EIA américaine, les réserves américaines de gaz naturel atteignent pour leur part 388 800 milliards de pieds cubes à fin 2014, soit près de 9 850 milliards de m3. Elles sont en hausse de 9,8% par rapport à fin 2013 et atteignent leur plus haut niveau historique.
Évolution des réserves, de la production et des importations de pétrole aux États-Unis entre 1982 et 2014 (©Connaissance des Énergies, d'après EIA)
Évolution des réserves, de la production et des importations de gaz naturel aux États-Unis entre 1982 et 2014 (©Connaissance des Énergies, d'après EIA)
Selon BP, les États-Unis disposent à fin 2014 des 9e réverves mondiales de pétrole et des 5e réserves mondiales de gaz naturel.
Répartition des réserves de pétrole et de gaz sur le territoire américain
L’État du Texas dispose des plus grandes réserves de pétrole et de gaz naturel du pays (près de 35% des réserves nationales pour le pétrole, un peu plus d’un quart pour le gaz naturel).
Répartition des réserves américaines de pétrole à fin 2014 (©Connaissance des Énergies, d'après EIA)
Répartition des réserves américaines de gaz naturel à fin 2014 (©Connaissance des Énergies, d'après EIA)
Une part croissante d’hydrocarbures non conventionnels
La hausse des réserves américaines de pétrole et de gaz naturel est principalement due à de nouvelles « découvertes » qui incluent la découverte de nouveaux champs mais aussi l’identification de nouveaux réservoirs dans les gisements exploités ou l’extension de ces derniers. Ce sont en particulier des nouvelles ressources dites « non conventionnelles » (pétrole et gaz de schiste principalement) qui ont permis d’augmenter les réserves américaines.
Près de 75% des nouvelles réserves de gaz naturel aux États-Unis comptabilisées en 2014 concernent ainsi des réserves de gaz de schiste. A fin 2014, les réserves américaines de gaz de schiste constituent désormais 51% de l’ensemble des réserves de gaz des États-Unis (contre 45% à fin 2013). Notons que 90% de ces réserves de gaz de schiste sont réparties entre sept grands bassins parmi lesquels celui de Marcellus en Pennsylvanie et en Virginie-Occidentale et ceux de Barnett et d'Eagle Ford au Texas.
Évolution de la part des gaz de schiste dans les réserves américaines de gaz naturel depuis 2007 (©Connaissance des Énergies, d'après EIA)
Les réserves de pétrole de schiste (qualifié de « tight oil » aux Etats-Unis) constituent pour leur part près d’un tiers des réserves américaines de pétrole à fin 2014.
Chute des cours : quel impact à venir sur les réserves ?
En juillet 2014, le prix du baril de brut « WTI » (West Texas Intermediate) a atteint 106,06 $. Il a par la suite chuté sous la barre des 70 $ début décembre 2014 et a continué à baisser au cours de l’année 2015 pour atteindre 44,75$ début octobre 2015. Sur la base des moyennes de prix le premier jour de chaque mois, l’EIA rappelle que le prix du baril a ainsi chuté de 47% entre la moyenne de 2014 (94,56 $) et la moyenne estimée de 2015 (50,36$).
La production américaine de pétrole de schiste a baissé depuis le début de l’été 2015, « la résistance des acteurs du schiste montrant ses limites » selon l’analyste financier Alexandre Andlauer. Lors d’une baisse des cours, les réserves diminuent surtout mécaniquement à moyen terme puisque le manque d’investissements en exploration ne permet pas de renouveler les stocks disponibles.
La baisse des forages d’exploration et de production devrait ainsi aboutir à une réévaluation à la baisse sensible des réserves de pétrole américaines à fin 2015 selon l'EIA. Le constat est comparable pour le gaz naturel, l’EIA estimant que le prix du gaz devrait baisser de 39% en moyenne en 2015 par rapport à l’année précédente.
Selon Alexandre Andlauer, « la révolution du schiste n’en est toutefois qu’à ses débuts même si la production américaine est mise à mal à court terme avec un baril sous les $50 » pour le pétrole. A long terme, « l’amélioration du taux de récupération, le « re-fracking »(3) et une meilleure efficacité » permettront selon lui d’augmenter à nouveau la production américaine. Rappelons que les États-Unis étaient en 2014 les premiers producteurs au monde de pétrole selon les statistiques de BP (ce sont aussi les premiers producteurs mondiaux de gaz depuis 2009).
Selon le dernier « World Energy Outlook » présenté mi-novembre par l’Agence Internationale de l'Énergie, la production américaine des seuls « tight oil » pourrait augmenter de 1,5 million de baril par jour (mb/j) d’ici à 2020 et dépasser 5 mb/j à cet horizon en cas de remontée du prix du baril à 80 $.