Matriochkas (©Pixabay)
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a présenté ce 3 mars un plan pour réduire d’ici l’hiver prochain la dépendance de l’Union européenne aux livraisons de gaz provenant de Russie.
Rappel sur les livraisons de gaz russe à l’Europe
En 2021, l’Union européenne a importé 155 milliards de m3 (Gm3) de gaz naturel à partir de la Russie (dont 140 Gm3 par gazoduc et environ 15 Gm3 sous forme de GNL), ce qui représente environ 45% des importations et près de 40% de la consommation de gaz naturel des États membres, rappelle l’AIE(1).
L’importance de ces livraisons de gaz russe constitue une « arme économique et politique qui montre que l'Europe doit agir rapidement pour être prête à faire face à une incertitude considérable sur l'approvisionnement en gaz russe l'hiver prochain », a réagi Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE.
En ce qui concerne la France, la Norvège est de loin le principal fournisseur de gaz (36% des entrées brutes de gaz en 2020), devant la Russie (17%), l’Algérie (8%), les Pays-Bas (8%) et le Nigéria (7%).
Une réduction possible de plus d’un tiers des livraisons de gaz russe d’ici un an
Le plan de l’AIE vise à « réduire en un an de plus d’un tiers» les importations européennes de gaz russe, en combinant dix mesures.
Sans surprise, la première recommandation de l’Agence est d’augmenter les importations de gaz provenant d’autres fournisseurs que la Russie : grâce à une hausse de la production au sein de l’UE et des importations par gazoduc provenant de Norvège et d’Azerbaïdjan notamment mais surtout en augmentant très fortement les livraisons de gaz naturel liquéfié (les États-Unis pourraient de façon « théorique » - compte tenu de la tension des marchés gaziers et des besoins d’autres importateurs « concurrents » - augmenter leurs livraisons annuelles de GNL vers l’Europe de 60 Gm3 par rapport à 2021). Au total, l’AIE estime que l’UE pourrait disposer d’un approvisionnement supplémentaire de gaz hors Russie de 30 Gm3 au cours de l’année à venir.
D’autres actions, dont l’impact potentiel est chiffré par l’AIE, doivent permettre de réduire les livraisons de gaz russe :
- « maximiser » la production européenne d’électricité à partir de bioénergies et du nucléaire (l'AIE appelle au report de la fermeture prévue de 4 réacteurs nucléaires dans l’UE en 2022 et d’un supplémentaire en 2023), au détriment des centrales à gaz(2) (impact estimé au cours de la prochaine année : - 13 Gm3 de consommation gazière à l’échelle de l’UE) ;
- accélérer le déploiement des nouveaux projets éoliens et solaires(3) pour augmenter la production de ces filières (impact estimé : - 6 Gm3) ;
- encourager les consommateurs à réduire de 1°C le réglage de leurs thermostats (impact estimé : - 10 Gm3) ;
- accélérer le remplacement des chaudières à gaz par des pompes à chaleur (impact estimé : - 2 Gm3) ;
- accélérer les actions d’efficacité énergétique dans les bâtiments et l’industrie (impact estimé : - 2 Gm3) ;
Outre ces actions, l’AIE appelle les États membres à ne plus signer de nouveau contrat de fourniture de gaz avec la Russie, sachant que des contrats avec Gazprom portant sur la livraison de 15 Gm3 par an (soit environ 12% des livraisons du groupe russe à l’UE en 2021) arriveront à échéance fin 2022.
D’autres actions, une dépendance tenace…
L’Agence internationale de l’énergie recommande également de mettre en place des obligations de stockage minimal de gaz naturel d’ici l’hiver prochain (en remplissant à au moins 90% les capacités européennes de stockage au 1er octobre pour disposer d’une sécurité d’approvisionnement suffisante durant la saison de chauffage).
Le Plan de l’AIE souligne enfin la nécessité de diversifier les sources de flexibilité du système électrique européen (en remplacement du gaz, « première source de flexibilité » à l’heure actuelle) et à protéger les consommateurs d’électricité les plus vulnérables (en taxant les bénéfices exceptionnels des énergéticiens).
Parmi les autres pistes évoquées par l’AIE figure la possibilité d’avoir davantage recours... au charbon et au fioul en remplacement du gaz pour produire de l’électricité dans l'UE. Une possibilité qui augmenterait les émissions européennes de gaz à effet et que l’AIE n’inclut officiellement « pas dans son Plan ». Tout en soulignant que ce choix carboné transitoire pourrait réduire de près de 28 Gm3 la consommation annuelle de gaz de l’UE. Avec les 10 mesures énoncées précédemment, l’UE pourrait ainsi s’affranchir de près de la moitié de ses importations annuelles de gaz russe(4) selon l'AIE. Dans l’hypothèse de la mise en œuvre de toutes les recommandations de l’AIE, il resterait donc toujours la moitié des livraisons actuelles de gaz provenant de Russie à assurer…