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La Chine multiplie les forages dans les fonds marins à la recherche d'hydrates de méthane, une énergie fossile prisée dont l'utilisation concrète au niveau mondial prendra toutefois encore au moins 10 ans.
Cette « glace combustible » (surnommée ainsi car elle peut brûler) est en fait constituée de molécules de méthane piégées dans des molécules d'eau cristallisée. On la trouve sous le plancher océanique ou le permafrost (sol gelé) des régions arctiques. Mais son extraction est difficile, et surtout très coûteuse. La Chine fait partie des quelques pays qui ambitionnent d'exploiter cette ressource pour répondre à une demande énergétique croissante.
Or, Pékin a récemment annoncé une "avancée historique" suite à des forages réussis en mer de Chine méridionale, après presque deux décennies de recherche. En six semaines, la Chine a extrait plus de 235 000 mètres cubes de ces hydrates de méthane depuis les eaux situées à environ 300 km au sud-est de la ville de Zhuhai (tout au sud du pays), selon les autorités géologiques nationales.
"La Chine a dépassé les attentes dans ses tests de recherche de glace combustible en utilisant des innovations nationales en matière de technologie", s'est félicité Ye Jianlong, chef du département de géologie marine de la ville de Canton (sud), l'organisme qui mène les forages.
L'énergie du futur ?
Un mètre cube d'hydrate de méthane peut générer 164 mètres cubes de gaz méthane, selon le Département américain à l'Energie. Les estimations des réserves planétaires varient mais selon les Etats-Unis elles pourraient dépasser "la teneur énergétique de toutes les autres énergies fossiles connues". Les analystes indépendants sont réticents à chiffrer l'étendue des gisements. Mais pour eux, ils sont considérables et pourraient "changer la donne" pour les pays qui ont un accès limité aux énergies fossiles traditionnelles.
"Le Japon est le parfait exemple. Ils n'ont pas beaucoup de gaz classique et, pour eux, cela pourrait constituer une importante réserve", explique Ingo Pecher, maître de conférences à la faculté des sciences de l'Université d'Auckland, en Australie. L'archipel nippon est lourdement tributaire d'importations de gaz naturel liquéfié, car la plupart des réacteurs nucléaires du pays sont encore à l'arrêt six ans après la catastrophe de Fukushima.
"L'équation est principalement économique", souligne M. Pecher. Car si des réserves de "glace combustible" ont été détectées dans le monde entier, de la Nouvelle Zélande à l'Alaska, le principal défi est de trouver des gisements très concentrés et accessibles.
« Un énorme potentiel »
Plusieurs pays ambitionnent d'exploiter les hydrates de méthane. Le Japon a fait état de succès dans ses travaux de forage au large de sa côte Est. Et les Etats-Unis ont obtenu des résultats positifs de tests menés dans le golfe du Mexique. Mais organiser une production viable économiquement mettra "encore 10 ans", nuance Paul Duerlo, directeur général du cabinet de conseil Boston Consulting Group, basé à Tokyo au Japon.
Les experts chinois de la glace combustible estiment qu'elle pourra devenir une source d'énergie rentable "autour de 2030". "On sait où sont les ressources, on a la technologie nécessaire, mais le niveau de la production qui sort des puits n'est pas viable commercialement au vu des prix actuels", note M. Duerloo.
Le méthane est extrait par chauffage, ou en réduisant la pression à l'intérieur du puits, afin de décomposer les hydrates en gaz et en eau. Autre défi majeur dans l'extraction: l'éventualité que du méthane - un gaz à effet de serre - ne se répande dans l'atmosphère, explique Yuan Xu, professeur au département de géographie et de gestion des ressources de l'Université chinoise de Hong Kong. Mais la glace combustible conserve cependant un "énorme potentiel" si les obstacles financiers et technologiques tombent, souligne-t-il.