Moteur à hydrogène du véhicule Opel HydroGen3 (©photo)
À RETENIR
- Il existe 2 grandes technologies : l'hydrogène peut directement alimenter des moteurs thermiques spécifiques ou permettre de produire de l’électricité dans des piles à combustible adaptées aux véhicules électriques.
- Un véhicule à hydrogène n’émet ni CO2, ni oxydes d’azotes lors de son utilisation. Toutefois, la production d’hydrogène en amont est énergivore et peut entraîner d'importantes émissions de gaz à effet de serre.
- Compte tenu de la faible densité énergétique volumique de l'hydrogène à pression atmosphérique, il est nécessaire de le compresser plusieurs centaines de fois (entre 350 et 700 bars).
- Le début de l'utilisation de l’hydrogène dans les transports remonte au XVIIIe siècle. Il est devenu d'emploi courant dans le domaine aérospatial.
Définition
Utilisée dès la fin du XVIIIe siècle pour sa légèreté dans la sustentation (dirigeables et autres ballons), la molécule H2 de dihydrogène, communément appelée « hydrogène », est un vecteur d’énergie chimique utilisable pour la propulsion dans les transports. Elle se combine en effet aisément à l’oxygène de l’air pour se transformer en eau avec un fort dégagement d’énergie. L’hydrogène est exploitable pour la motorisation de véhicules grâce à deux grandes technologies. Il peut directement alimenter des moteurs thermiques spécifiques ou produire de l’électricité dans des piles à combustible adaptées aux véhicules électriques.
L’augmentation tendancielle des prix de l’essence et du gazole (malgré la baisse actuelle liée à la chute des cours du brut) incite les constructeurs automobiles à se tourner vers de nouveaux carburants et leurs systèmes de propulsion associés. Technologie maîtrisée pour la propulsion des lanceurs spatiaux, la filière hydrogène est encore au stade de prototype pour les avions et les bateaux.
Les notions de véhicule « propre » ou de véhicule « décarboné » sont souvent employées pour qualifier les moyens de transports n’ayant pas recours aux énergies fossiles (ou seulement partiellement). Un véhicule à hydrogène n’émet ni CO2 ni oxydes d’azotes lors de son utilisation. Toutefois, la production d’hydrogène (par vaporeformage ou électrolyse) est quant à elle souvent polluante (émission de CO2) et toujours énergivore. Il est donc nécessaire de réaliser le bilan carbone complet de la filière afin de juger de la pertinence des modes de transport utilisant de l’hydrogène.
La combustion d'un kg de dihydrogène libère 3 fois plus d’énergie que celle d'un kg d’essence.
Les pouvoirs publics de nombreux États ainsi que les constructeurs automobiles plaident pour le développement de technologies utilisant l’hydrogène. Les initiatives se multiplient dans le monde sans toutefois conduire, à l’heure actuelle, à une adoption massive des véhicules à hydrogène.
Fonctionnement technique
Technologies existantes
Il existe actuellement deux technologies ayant recours à l’hydrogène pour la propulsion de véhicules :
- le moteur à hydrogène, un moteur à combustion interne utilisant l’hydrogène comme carburant. Le dihydrogène (H2) « explose » dans le dioxygène (O2), cette réaction aboutissant à la production d’eau (H2O) et à une libération d’énergie. Cette énergie est utilisée pour propulser le véhicule. A titre de comparaison, la combustion d’un kilogramme de dihydrogène libère trois fois plus d’énergie que celle d’un kilogramme d’essence(1).
Une variante consiste à ajouter du dihydrogène à un carburant classique pour en diminuer les émissions polluantes. Cette diminution dépend toutefois de la manière dont l’hydrogène est produit(2). Par ailleurs, selon plusieurs études, ce mélange de dihydrogène et de carburant classique induit une hausse de la consommation globale du véhicule lorsque le dihydrogène est produit à bord à partir d’un électrolyseur.
Quelques véhicules dans le monde, comme la BMW Hydrogen 7 (modèle produit à 100 exemplaires et arrêté en 2009), ont été développés avec des moteurs qui acceptent aussi bien les carburants classiques que l’hydrogène(3). Ils possèdent à cet effet deux réservoirs distincts.
- la pile à combustible, produisant de l’électricité qui alimente un moteur électrique. L’oxydation de l’hydrogène sur une électrode couplée à la réduction de l’oxygène sur une seconde électrode reliée à la première entraîne l’apparition d’un courant électrique qui sert à faire fonctionner un moteur.
Ces deux technologies permettent d’obtenir des rendements moteurs supérieurs à ceux des moteurs classiques. Ces rendements atteignent près de 45% pour les moteur à hydrogène et les moteurs électriques (le rendement de la chaine de traction complète doit être pris en compte, soit environ 50% pour la pile et 90% pour le moteur électrique) contre près de 20% en moyenne pour les moteurs thermiques classiques.
Autre caractéristique majeure, l’hydrogène possède une grande densité énergétique par unité de masse (3 fois plus que le gazole) mais une très faible densité énergétique volumique à pression atmosphérique (3 000 fois plus faible que le gazole). Pratiquement, il est donc nécessaire de le compresser plusieurs centaines de fois (entre 350 et 700 bars). Outre les problèmes techniques que cela pose, la compression augmente le risque d’auto-inflammation de l’hydrogène et consomme de l’énergie.
Sûreté de l’utilisation de l’hydrogène
La question de la dangerosité de l’hydrogène est fréquemment posée. Comme la molécule de dihydrogène est de petite taille, le risque de fuite d’un réservoir est plus élevé qu’avec un carburant traditionnel (la molécule traverse plus aisément les parois d’un réservoir). Par ailleurs, l’hydrogène s’enflamme plus aisément que l’essence(4) et la flamme résultante est très peu visible (bleue pâle). Néanmoins, l’hydrogène étant très volatil, il se disperse bien plus rapidement dans l’air que les vapeurs de gaz naturel ou d’essence, ce qui diminue le risque d’explosion.
Outre les problèmes de stockage et d’acceptabilité, la mise en place d'un réseau de distribution d'hydrogène a un coût important.
L’hydrogène est utilisé depuis de nombreuses années dans l’industrie où un ensemble de normes de sécurité a été mis en œuvre. Dans le domaine des transports, les recherches portent sur les matériaux constituant les réservoirs afin d’éviter les risques de fuite. L’accent est également mis sur les systèmes de refroidissement et de ventilation afin d’éviter les points chauds dans le moteur et de diminuer les risques d’incendie.
Enjeux par rapport à l'énergie
L’augmentation prévisible du prix des carburants traditionnels associée à la volonté de la plupart des États de réduire leur empreinte carbone est susceptible de stimuler le développement de la filière hydrogène dans les transports. Celle-ci est principalement confrontée à des défis d’ordre :
- technologique : trouver des moyens embarqués efficaces et sûrs permettant une autonomie satisfaisante des véhicules ;
- économique : réduire notamment les coûts de production de l’hydrogène(5), de fabrication des piles à combustible (quantité de platine utilisée fortement réduite depuis une décennie) et développer suffisamment d’applications liées à l’hydrogène pour amortir les investissements dédiés à la recherche et au futur développement d’un réseau de distribution d’hydrogène ;
- sociétal : faire accepter l’hydrogène comme un carburant parmi d’autres.
Acteurs et zones d'activité
Au-delà des applications spatiales, pour lesquelles l’hydrogène est devenu d’emploi courant (Ariane V) ou des applications militaires de niches, les constructeurs et les pouvoirs publics travaillent à un développement des véhicules alimentés à l’hydrogène à plus grande échelle.
Côté constructeurs, la BMW Hydrogen 7 disposait d'un moteur (V12, 260ch) qui acceptait aussi bien l’essence que l’hydrogène. Avec 8 kg d’hydrogène embarqué à 350 bars de pression (dans un réservoir de 170 litres) et un réservoir d’essence, ce véhicule était capable de parcourir 700 km (dont 200 km grâce au réservoir à hydrogène).
Le Japon et la Corée ont réalisé des investissements très importants dans les véhicules alimentés à l’hydrogène.
Les pouvoirs publics (Union européenne, Department of Energy aux États-Unis) cherchent à développer l’utilisation de l‘hydrogène dans les transports dans le cadre de grands programmes de R&D avec réalisation et mise à l’épreuve de démonstrateurs. Un certain nombre de programmes ont été mis en place dans les transports en commun visant à faire rouler des bus à l’hydrogène (projet en Allemagne avec la société MAN, programme CUTE(6) en Europe, programme PREDIT en France, etc.) ou à l’hythane(7) (notamment à Dunkerque).
Le Japon ou la Corée ont par ailleurs également réalisé des investissements très importants dans les véhicules alimentés à l’hydrogène. Honda a notamment lancé en mars 2016 la commercialisation d'une berline 5 places équipée d'une pile à combustible très compacte (l'autre constructeur japonais, Toyota, avait lancé fin 2014 la Mirai comportant 4 places).
Le développement d’un réseau de stations distribuant de l’hydrogène est également au cœur des préoccupations. Par exemple, le programme H2 Mobility en Allemagne(8) a pour ambition de constituer un réseau national de 400 stations de distribution d'hydrogène d'ici à 2023.
Des véhicules roulent aujourd’hui avec une pile à combustible. Des modèles, notamment développés par Honda, Ford ou Nissan ou Toyota ont une autonomie annoncée supérieure à 500 km (plus de 700 km dans le cas de la dernière berline d'Honda, la « Clarity Fuel Cell »). Ce ne sont ici que quelques exemples, une bonne quinzaine de constructeurs développant des modèles alimentés par une pile à combustible.
Historique
L’utilisation de l’hydrogène dans les transports remonte au XVIIIe siècle lorsque le physicien Jacques Charles et Noël Robert effectuent un voyage aérien dans un ballon appelé « aérostat à gaz hydrogène ». Les ballons à hydrogène sont par la suite utilisés par les militaires pour surveiller les mouvements de troupes ennemies jusqu’à la Première Guerre mondiale. Les applications civiles se développent dès la fin du XIXe siècle mais la catastrophe du dirigeable Hindenburg en 1937 met un coup d’arrêt brutal au transport de passagers par ballon.
Le XXe siècle a été celui de la conquête spatiale, l’hydrogène jouant un grand rôle dans la propulsion de divers engins d’exploration. Les militaires conçoivent également des sous-marins à propulsion hydrogène mais ces recherches en sont encore au stade des prototypes. Enfin, des drones fonctionnant à l’hydrogène ont été développés (projet Orion Hall(9) de l’US Army, prototype Boomerang Israélien, prototype XFC(10) et Ion Tiger de l’US Naval Research Laboratory, etc.). Le premier vol habité d’un aéronef à pile à combustible a été réalisé en juillet 2009 par le DLR H2 de l’Institut allemand DLR.
Présent et futur
Les recherches actuelles s’orientent principalement vers le stockage, à moindre coût et de manière sûre, de l’hydrogène sous 700 bars de pression, à moins que d’autres formes de stockage plus spécifiques (nanotubes de carbone, hydrures métalliques, glace sous pression) ne se développent plus rapidement.
Outre les problèmes de stockage et d’acceptabilité, le réseau de distribution à mettre en place a un coût important. Un réseau de 1 700 stations-services distribuant de l’hydrogène sur tout le territoire des États-Unis coûterait aux alentours de 10 milliards de dollars(10).
Pour que les véhicules à hydrogène se démocratisent, ceux-ci devront être fiables, posséder une autonomie comparable aux véhicules actuels et le plein d‘hydrogène devra être aisé à effectuer. Certaines études, bien que soumises à controverse, affirment que les véhicules à hydrogène pourraient constituer le moyen de transport le plus efficace, le moins polluant et le moins cher à l’horizon 2030.
En juillet 2012, le laboratoire NREL du Department of Energy aux États-Unis a publié une étude réalisée durant 7 ans sur le déploiement de véhicules utilisant l’hydrogène(11). Celle-ci permet d’avoir un retour d’expérience sur le développement de cette filière. Elle évoque en particulier une autonomie moyenne des véhicules testés située entre 196 et 254 miles (soit l’équivalent de 315 à 400 km) qui a dépuis été dépassé par les constructeurs.