Il faut refuser de transformer l’accord de Paris en une auberge espagnole...

Christian de Perthuis

Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine - PSL

Fondateur de la Chaire Économie du Climat

Suivant la formule très peu diplomatique d’Angela Merkel, la séquence du G7 sur le climat a consacré « une situation à six contre un » : six chefs d’État vertueux jouant la mise en place de l’accord de Paris face au « passager clandestin » Donald Trump. Ce n’est pas la première fois que le climat casse l’ambiance dans ce type de rendez-vous. Lors des séquences précédentes du G7, Stephen Harper, grand promoteur des sables bitumineux canadiens, jouait déjà ce rôle du passager clandestin. Mais c’était un second rôle. Avec Trump, le passager clandestin tient le devant de la scène.  

Quel est le problème posé ? Les États-Unis ont ratifié l’accord de Paris sur le climat durant l’été 2016, ce qui a permis son entrée en vigueur en novembre de la même année. Quelques jours après, les Américains accordaient leur suffrage au candidat républicain ayant promis de sortir de l’accord. Le Président Trump dispose en réalité de trois options : rester dans l’accord, quitte à réviser l’objectif de réduction d’émissions déposé auprès des Nations Unies ; dénoncer l’accord de Paris ce qui prend minimum quatre ans ; dénoncer la convention de 1992 sur le climat ce qui peut être fait en un an et rend caduc tout engagement international des États-Unis sur le climat.

A Taormine, le groupe des six a cherché à convaincre Donald Trump de jouer la première option. Au nom de la coopération internationale face au risque climatique. Mais est-ce la bonne option ?

Accord de Paris ou pas, la priorité de Donald Trump est désormais la promotion des sources fossiles domestiques.

S’il s’agit de faire pression pour freiner les réorientations de la politique énergétique américaine, c’est peine perdue. Élu avec ses meilleurs scores dans les États gros pourvoyeurs d’énergies fossiles comme le Wyoming ou le Dakota du Nord, le nouveau Président a bien vite confirmé ses promesses de campagne. Au nom du « America First », l’administration Républicaine a déjà réorienté sa stratégie en démantelant le « Clean Power Plan » du président Obama et en levant les restrictions fédérales à l’exploitation des gisements d’énergie fossile ou à leur transport par pipeline. Accord de Paris ou pas, sa priorité est désormais la promotion des sources fossiles domestiques.

Les freins à ces réorientations ne viendront pas de l’extérieur mais de l’intérieur. D’abord des grands États côtiers, souvent actifs face au réchauffement et bien décidés à faire de la résistance. Ensuite, de règles économiques de base : le marché intérieur ne pourra pas absorber à la fois le gaz, le pétrole et le charbon domestiques. La réussite de la stratégie trumpienne implique un accroissement des exportations. Les marchés extérieurs existent pour le gaz américain, très compétitif, et potentiellement pour le charbon si les projets d’infrastructures de transport (lignes ferroviaires et terminaux portuaires) vers la côte Pacifique sont conduits à terme malgré les vives oppositions locales qu’ils suscitent.

Les prix n’intègrent encore que marginalement le coût des dommages associés aux émissions de gaz à effet de serre…

S’il s’agit de préserver une coopération effective entre pays face au changement climatique, la voie privilégiée par le groupe des six pourrait s’avérer très contre-productive. Elle consiste à accueillir à bras ouverts le passager clandestin. Le risque est de vider de sa substance un accord climatique déjà très fragile car il ne prévoit aucun garde-fou dans ce type de situation.

Une raison de fond nous semble être l’insuffisante attention portée dans l’accord aux instruments économiques. Dans les règles de fonctionnement de l’économie globalisée, les décisions se prennent en fonction des valeurs indiquées par les prix. Or, ces prix n’intègrent encore que marginalement le coût des dommages climatiques associés aux émissions de gaz à effet de serre. Avec ces règles du jeu, des investissements considérables ont accru la quantité globale de charbon de pétrole et de gaz naturel qu’il sera techniquement possible et économiquement rentable de puiser dans le sous-sol dans les décennies à venir.

Pour inverser ces tendances lourdes, il est nécessaire d’intégrer la valeur du climat dans l’échelle des prix qui guide les décisions économiques en tarifant le carbone. Il reste un ingrédient clef, le prix du carbone, à déposer dans la corbeille de Paris pour passer à un régime de concurrence où le mieux disant en matière climatique deviendra le vrai gagnant.

Le pouvoir de nuisance des passagers clandestins sera amoindri s’ils sont maintenus en dehors des murs.

D’autres passagers clandestins se profilent parmi les grands exportateurs d’hydrocarbures (dont la plupart n’ont pas ratifié l’accord de Paris) et ils pourraient s’engouffrer dans la brèche ouverte par Donald Trump. Songeons à Vladimir Poutine et à ses déclarations climato-sceptiques au récent sommet sur l’Arctique.

Pour développer une coopération effective face au changement climatique, il faut refuser de transformer l’accord de Paris en une auberge espagnole où chacun est libre d’émarger quelle que soit sa contribution. Le pouvoir de nuisance des passagers clandestins sera amoindri s’ils sont maintenus en dehors des murs. Il faut donc exiger de Donald Trump qu’il ne rabote pas les engagements pris par son prédécesseur s’il veut rester dans l’accord.

Politiquement, on ne peut y parvenir que si les nouveaux géants supportant l’accord mettent tout leur poids dans la balance. Ils se nomment Chine, Inde, Mexique…  Mais ils n’étaient pas conviés à la table du G7. Était-ce vraiment la bonne enceinte pour discuter du climat ?

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Commentaire

Jean-Marc Volpelière

Tout ceci est parfaitement vu mais implique l'aboutissement des efforts consacrés à la mise en place d'une politique carbone qui tienne la route, dans un périmètre qui excède les limites étroites du G7.

Or après l'échec du protocole de Kyoto et à l'heure où on juge de l'escroquerie à la TVA sur les Crédits Carbone (...5 milliards, quand même !) on peut être raisonnablement sceptique quant aux chances d'aboutir à un consensus sur la question. Il resterait à taxer, purement et simplement. Mais qui va s'y risquer le premier ?

http://www.latribune.fr/economie/international/climat-le-rapport-stern-…

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