- Source : Ifri
Près d’un quart de siècle après la commercialisation du premier modèle par Sony(1), les batteries lithium-ion voient actuellement leur demande fortement augmenter grâce à deux leviers de croissance majeurs : la mobilité électrique (près de 750 000 voitures électriques et hybrides vendues dans le monde en 2016(2)) et le stockage stationnaire (avec la production croissante des filières renouvelables intermittentes).
Dans cette étude publiée aujourd’hui par le Centre Énergie de l’Ifri, Carole Mathieu(3) rappelle ainsi l’importance des marchés qui s’ouvrent au stockage d’électricité, et en particulier aux batteries lithium-ion. Elle souligne les politiques de soutien public dont bénéficient les acteurs industriels au Japon, en Corée du Sud, en Chine ou encore aux États-Unis et s’interroge sur le positionnement de l’Union européenne et de ses États membres dans la « course aux batteries électriques ». Elle énumère différentes stratégies envisageables pour que l’UE affirme un « véritable leadership industriel » dans ce domaine plutôt que de se limiter à constituer un débouché commercial pour la concurrence asiatique et américaine.
A l’heure actuelle, le secteur de la mobilité présente des perspectives plus favorables pour les batteries lithium-ion que le marché du stockage stationnaire. En 2016, la demande mondiale de ces batteries à haute densité énergétique avoisinait ainsi 20 GWh pour les véhicules électriques et 1,6 GWh pour le stockage stationnaire(4). Le déploiement des batteries lithium-ion est encore freiné par leurs coûts. Un prix de 100 $/kWh pour une batterie est fréquemment présenté comme la cible à atteindre pour garantir la « parité » avec le véhicule thermique hors incitations (contre 273 $/kWh en 2016), rappelle Carole Mathieu.
Face aux perspectives prometteuses de développement des batteries lithium-ion, la « Gigafactory » construite par Tesla et Panasonic dans le désert du Nevada (objectif de production de 35 GWh de cellules lithium-ion par an à partir de 2018) illustre bien la volonté d’empêcher l’éclosion de nouveaux concurrents à travers une « course au gigantisme ». Cette stratégie nécessite la mobilisation de ressources financières considérables(5) et un environnement réglementaire favorable. L’État du Nevada a par exemple octroyé d’important rabais fiscaux à Tesla (1,3 milliard de dollars au total) pour inciter le groupe à s’implanter sur son territoire(6).
Au Japon, en Corée du Sud et en Chine, les acteurs domestiques des batteries lithium-ion disposent également de politiques de soutien importantes pour accélérer leur développement. L’UE se montre au contraire relativement attentiste et plusieurs États membres encouragent l’arrivée de groupes étrangers (usines Samsung SDI en Hongrie, LG Chem en Pologne, nouvelle « gigafactory » de Tesla, etc.) au détriment du déploiement d’une offre européenne. Carole Mathieu appelle à ce titre l’UE à « discuter ouvertement des différentes options industrielles qui s’offrent à elle » dans les meilleurs délais pour rehausser ses ambitions. Une orientation consisterait notamment à se concentrer sur les parties assemblage, intégration, seconde vie et recyclage des batteries, en reconnaissant la domination asiatique pour la fabrication des cellules(7).
- Par la société japonaise Sony en 1991.
- Hors deux roues électriques (200 millions de ventes dans le monde en 2016) et bus électriques (300 000 ventes en 2016).
- Carole Mathieu est chercheur au centre Énergie de l’Ifri. Elle est entre autres spécialiste des politiques de lutte contre le changement climatique et suit la politique européenne de l’énergie.
- A titre indicatif, 1 GWh permet d’alimenter près de 40 000 voitures électriques pendant 100 km
- Le coût de la construction de la Gigafactory avoisinerait 5 milliards de dollars selon une estimation de 2013.
- Le Nevada offrait d’autres conditions avantageuses à Tesla : mise à disposition du terrain, travaux de raccordement à l’axe routier principal et tarif d’électricité préférentiel.
- Mais la fabrication des cellules compterait actuellement pour environ 60% des coûts d’une batterie de véhicule électrique.