La production gazière américaine est principalement extraite du bassin de Marcellus qui est en grande partie située sous la Pennsylvanie. Ici, un puits sur un autre bassin important, Bakken. (©Hess Corporation)
Objet de nombreux débats, la fracturation hydraulique est une technique de plus en plus courante aux États-Unis : elle a été employée pour extraire deux tiers de la production américaine de gaz naturel en 2015. Explications.
300 000 puits de gaz naturel « fracturés » en 2015
Selon les dernières données de l’EIA américaine(1), environ 67% du gaz naturel et la moitié du pétrole brut extraits aux États-Unis en 2015 l’ont été en ayant recours à la fracturation hydraulique. Pour rappel, cette dernière consiste à fracturer des formations géologiques sédimentaires compactes et imprégnées d’hydrocarbures en y injectant un fluide sous haute pression. Ledit fluide est généralement composé d’eau mais aussi de sable et d’un certain nombre d’additifs qui permettent de maintenir les failles ouvertes pour en extraire notamment des hydrocarbures dits « non conventionnels » (comme les gaz et huiles de schiste).
La fracturation hydraulique, qui s’accompagne souvent d’un forage horizontal, est un procédé employé depuis près de 70 ans mais il a véritablement pris tout son essor avec la révolution des hydrocarbures non conventionnels aux États-Unis : en 2015, près de 300 000 puits de gaz naturel ont été « fracturés » contre environ 26 000 en 2000, année durant laquelle moins de 7% de la production de gaz américaine avait été extraite après fracturation.
Évolution de la production américaine de gaz naturel depuis 2010 (©Connaissance des Énergies)
Séismes et fractures de l’opinion
Bien qu’elle soit utilisée depuis plusieurs décennies, la fracturation hydraulique a fait l’objet de vifs débats et critiques avec la forte croissance de la production de gaz de schiste aux États-Unis qui a mobilisé de nombreux petits acteurs, dont certains ont réalisé des opérations de forage au mépris du respect de l’environnement : des problèmes de tubage à la traversée de nappes phréatiques (non liés à la fracturation hydraulique, beaucoup plus profonde) ont notamment entraîné des pollutions mais ce risque existe quel que soit la nature du puits, rappelle Roland Vially, géologue à IFP Énergies nouvelles. Il est de fait plus important lors de l’extraction des gaz de schiste qui exige la multiplication des puits et des opérations de fracturation.
Toutefois, les seuls risques qui soient « directement associés » à la fracturation hydraulique sont les séismes pouvant être engendrés, indique Roland Vially. Selon l’USGS, organisme gouvernemental américain en charge des études géologiques, le nombre de séismes d’une magnitude supérieure à 3 sur l’échelle de Richter(2) a augmenté de plus de 300 fois en 2015 par rapport à 2010. La relation entre fracturation et séismes est « particulièrement évidente dans l’Oklahoma et le nord du Texas », précise Roland Vially mais la fracturation en elle-même produit uniquement de « touts petits tremblements de terres non ressentis en surface ».
La multiplication des séismes est de plus due en grande partie à la réinjection après fracturation de l’eau « usée » (remontée en surface avec les hydrocarbures) dans des « puits poubelles », pratique interdite en France où l’eau usée doit être retraitée. « L’ajout d’eau sous pression modifie localement les contraintes tectoniques et peut entraîner un rejeu(3) des failles qui libèrent alors toute l’énergie accumulée depuis des milliers d’années », explique Roland Vially. Selon le géologue, l’intensité des séismes concernés (jusqu’à 5,7 de magnitude fin 2011 à Prague dans l’Oklahoma) ne dépasserait toutefois pas celle des séismes « classiques » dans les zones considérées(4).
Des études préalables des contraintes tectoniques et des réseaux de failles préexistantes permettent de définir les zones à risque où une interdiction de la fracturation hydraulique (et de la réinjection d’eau usée) est nécessaire. Elles ont d’ailleurs fait l’objet d’une réglementation particulière au Royaume-Uni après deux légers séismes près de Blackpool en 2011.
L’opinion américaine reste pour sa part partagée vis-à-vis de la fracturation hydraulique en fonction de l’orientation politique des personnes interrogées (ainsi que de leurs connaissances sur cette technique) selon les travaux récents de chercheurs de l’Université britannique de Plymouth(5).
Une production gazière au plus haut
Si la production américaine de gaz naturel a atteint un nouveau record de 79 milliards de pieds cubes(6) par jour en 2015, soit environ 817 milliards de m3 durant l’année, elle le doit en grande partie à la fracturation hydraulique. Cette production a augmenté d’environ 5% par rapport à 2014 alors même que les prix du gaz continuaient à baisser(7). Compte tenu de la moins forte croissance de la consommation intérieure, les importations américaines de gaz ont à nouveau baissé en 2015. Les États-Unis envisagent d'augmenter leurs exportations, notamment sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL). Le pays devrait continuer à avoir massivement recours à la fracturation hydraulique : des techniques alternatives existent (notamment avec d’autres fluides que de l’eau) mais présentent « quasiment les mêmes problèmes que la fracturation hydraulique classique qui est plus facile et moins chère », note Roland Vially.
Selon l’EIA, la production gazière pourrait encore augmenter de 0,9% en 2016 malgré la forte contraction de l’activité de forage. Rappelons que les États-Unis sont, depuis 2009, les premiers producteurs de gaz naturel au monde devant la Russie grâce à l’exploitation de leurs ressources non conventionnelles.