Réservoirs de pétrole près du gisement d'Eagle Ford au sud du Texas (©photo)
Les dirigeants de grandes entreprises françaises, réunis au sein de l’AFEP (Association française des entreprises privées), ont envoyé lundi une lettre au président de la République pour présenter un nouveau pacte de compétitivité. Ils y soulignent, entre autres, la nécessité de « se donner les moyens d’explorer et d’exploiter nos ressources nationales comme les gaz de schiste ». Cette exploitation, interdite (par fracturation hydraulique) par la loi depuis juillet 2011, est soumise à controverse en France. Ce n’est pas le cas dans d’autres pays qui investissent massivement dans les hydrocarbures non conventionnels, y voyant le moyen de stimuler leur croissance ainsi que leur marché de l’emploi.
Pologne : un potentiel équivalant à 130 ans de consommation nationale
Le 12 octobre dernier, le Premier ministre Donald Tusk a présenté un plan d’investissements faisant la part belle aux gaz de schiste : près de 50 milliards de zlotys, soit près de 12,5 milliards d’euros, devraient être consacrés d’ici à 2016 à ces hydrocarbures par l’État polonais et plusieurs sociétés du secteur (notamment PGNiG, PKN Orlen, Lotos ou encore KGHM dont l’État est actionnaire).
En avril 2011, une étude de l’Energy Information Administration (EIA) américaine avait évalué les gisements de la France et de la Pologne à plus de 5 000 milliards de m3, l’équivalent pour la Pologne de plus de 350 ans de consommation intérieure de gaz. Le pays n’avait pas attendu cette étude pour octroyer des licences d’exploration de gisements (plus de 110 depuis 2007), notamment à ExxonMobil et Chevron. Malgré une réévaluation à la baisse de ses réserves et le retrait d’ExxonMobil en juin dernier, la Pologne maintient actuellement le cap d’une exploitation commerciale des gisements qu’elle souhaiterait voir débuter dès fin 2014.
Le volontarisme polonais est stimulé par la perspective de se défaire de sa dépendance aux importations de gaz russe. Plus de 60% des 15 milliards de m3 que consomme annuellement la Pologne proviennent de Gazprom. En mars 2012, l’Institut national de géologie polonais (PIG) a estimé les réserves exploitables de gaz de schiste à 1 920 milliards de m3 au maximum, soit l’équivalent de près de 130 ans de consommation nationale. En tenant compte des technologies actuelles, approximativement un tiers de ces ressources pourrait être aujourd’hui récupéré(1). L’exploitation des gaz de schiste pourrait d’autre part permettre de réduire la part du charbon dans le mix électrique national (actuellement proche de 90%) et donc les émissions nationales de gaz à effet de serre. Le gouvernement polonais y voit un moyen de respecter ses engagements européens, dans le cadre du paquet Énergie-Climat.
États-Unis : une économie de 70 milliards de dollars sur la facture énergétique
Aux États-Unis, l’exploitation des gaz de schiste a contribué à diviser les prix du gaz par 2 sur le marché américain entre janvier 2010 et septembre 2012(2). Elle a également permis de produire d’autres hydrocarbures comme l’éthane, stimulant ainsi fortement l’industrie chimique qui en est une importante consommatrice. Avec une production en constante hausse depuis 2005, les États-Unis sont ainsi devenus le premier producteur mondial de gaz naturel devant la Russie.
L’exploitation de pétrole non conventionnel a également un effet important sur l’économie américaine, à commencer par la facture énergétique du pays. La part des importations satisfaisant la consommation nationale de pétrole a été réduite de 60% en 2005 à 42% aujourd’hui. Cela est dû à une hausse de 25% de la production domestique, après plusieurs décennies de baisse depuis 1970. Au rythme actuel, les importations nettes de pétrole par les États-Unis sont évaluées par le cabinet d’études IHS(3) à 319 milliards de dollars pour l’année 2012, ce qui correspond à près de 45% du déficit commercial américain. La production issue des gisements de pétrole non conventionnel aurait toutefpos permis selon IHS d’éviter 70 milliards de dollars supplémentaires d’importations.
En pleine campagne électorale, Barack Obama et Mitt Romney misent donc tous deux sur les hydrocarbures non conventionnels en affichant leurs effets sur l’emploi. Toujours selon l’étude d’IHS, le secteur des hydrocarbures non conventionnels emploierait aujourd’hui plus de 1,7 million de personnes. Ce nombre pourrait, selon les projections de cette étude, atteindre 2,5 millions d’ici à trois ans et jusqu’à 3,5 millions en 2035. Les questions environnementales nées de l’exploitation mal encadrée des débuts sont moins abordées aujourd’hui alors qu’elles sont encore très présentes en France.