- Source : IFP Energies nouvelles
En 2015, le résultat net des cinq « majors » pétrolières (BP, Chevron, ExxonMobil, Royal Dutch Shell, Total) a chuté de 67% en moyenne, soit une baisse plus forte encore que celle du prix du pétrole brut durant cette année (- 53%). Pour compenser en partie les pertes particulièrement importantes enregistrées dans le segment amont, ces grandes compagnies ont augmenté de 3% en moyenne leur production d’hydrocarbures en 2015.
Dans cette analyse publiée en juillet par IFP Energies nouvelles, l’économiste Jérôme Sabathier(1) décrypte la stratégie des majors pétrolières dans le contexte actuel, marqué par des prix bas du pétrole, une demande atone et la pression croissante des actionnaires pour une diversification de leurs activités vers des sources moins carbonées que les hydrocarbures (en particulier depuis la COP21).
Les majors basent ainsi leur stratégie sur les « 3D » : le désendettement, le désinvestissement et une diversification de leurs activités (à l’image de l’investissement d’un milliard de dollars de Total pour racheter les batteries Saft). En avril 2016, l’agence de notation Standard & Poor’s a retiré sa note de crédit triple A à ExxonMobil qui la détenait depuis les années 1930, sanctionnant entre autres l’augmentation du niveau d’endettement de la société. Dans l’amont pétrolier, 2016 devrait être la troisième année consécutive de baisse des investissements au niveau mondial, une première dans l’histoire pétrolière(2).
Les majors pétroliers cherchent à désinvestir d’actifs, aussi bien dans l’amont (notamment les gaz et huiles de schiste en Amérique du Nord) que dans l’aval (réseaux de distribution ou réduction des capacités de raffinage). En 2015, le cumul de ces désinvestissements a atteint 23,5 milliards de dollars, dont 7,6 milliards de dollars pour la seule société Total.
Jérôme Sabathier met en garde sur les conséquences possibles de cette stratégie des majors. En réduisant fortement leurs investissements dans l’amont (- 16% en 2015), ces sociétés font baisser le ratio de remplacement de leurs réserves. Autrement dit, si la demande de pétrole remonte fortement, celle-ci pourrait être difficilement satisfaite par les nouvelles découvertes, ce qui pourrait contribuer à un choc pétrolier (avec potentiellement un prix du baril de brut dépassant à nouveau les 100 dollars). Cette problématique touche tous les acteurs pétroliers, sachant que les majors ne contrôlent que près de 5% des réserves mondiales de pétrole, l’immense majorité de ces réserves étant sous contrôle de compagnies nationales comme Saudi Aramco.
- Jérôme Sabathier est ingénieur économiste principal au sein d’IFP Energies nouvelles.
- L'auteur rappelle que même le contre-choc pétrolier de 1986 et la crise asiatique de 1997 n’avaient pas entraîné une baisse aussi forte des investissements.