- Source : Ifri
La production décentralisée favorisée par les énergies renouvelables doit en théorie permettre aux États d’être « moins dépendants d’un cercle restreint de pourvoyeurs de ressources ». Dans les faits, l’accélération de la transition vers un système énergétique bas carbone s’accompagne de nouvelles vulnérabilités liées à la disponibilité de ressources dites « critiques » (notamment de terres rares).
Dans cette étude publiée le 5 janvier par le Centre Énergie de l’Ifri, le géographe Gilles Lepesant(1) dresse un état des lieux des besoins de métaux liés à la croissance des secteurs photovoltaïque et éolien et du stockage d’électricité. Il décrypte en particulier la stratégie de la Chine qui joue un rôle clé dans l’approvisionnement de ces métaux (le pays compte entre autres pour 89% de la production mondiale de terres rares). Les différentes options de l’Union européenne (UE) face à cette situation sont également présentées dans cette étude détaillée, publiée près de six mois après un rapport de la Banque mondiale sur le même sujet.
Les principaux matériaux sollicités par la « transition énergétique » sont listés : les terres rares (17 métaux(2) souvent extraits conjointement avec d’autres minerais), une vingtaine d’autres métaux jugés « critiques »(3) par l’UE jouant un rôle important et fournis par un nombre restreint de pays mais aussi des métaux de base susceptibles eux aussi de devenir « critiques » avec une croissance très forte des filières renouvelables (avec stockage). La quantité cumulée d’acier, de cuivre et d’aluminium nécessaire en 2050 pour concevoir les unités de production renouvelables pourrait par exemple atteindre « 6 à 11 fois la production mondiale totale » de 2010 selon cette étude.
Plus encore que la disponibilité de ces différents métaux, le risque est « économique et politique, et une forte volatilité des cours en serait la principale traduction », indique Gilles Lepesant. En témoigne la très forte augmentation des cours des terres rares suite aux quotas mis en place en 2009 par la Chine en vue de réduire l’offre. Il est toutefois souligné que cette stratégie d’organiser une pénurie à des fins géopolitiques ou économiques peut s’avérer contre-productive en favorisant « la mise en valeur de mines concurrentes et/ou la mise sur le marché de technologies alternatives ».
Une nouvelle géographie des ressources se dessine, au détriment du Moyen-Orient (pôle central en matière d'hydrocarbures) et au bénéfice de la Chine, de l’Afrique centrale, de l’Australie et de l’Amérique latine. Le Congo joue notamment « un rôle clé » dans la fourniture de cobalt nécessaire au stockage électrique, cet élément étant un sous-produit des gisements de cuivre dont le pays assure 65% de la production mondiale.
Plus qu’à ses ressources, la Chine doit sa mainmise actuelle sur les terres rares à des conditions économiques et de faibles contraintes environnementales favorables à leur exploitation(4) (ce qui pourrait pousser les pays importateurs à questionner dans certains cas les bénéfices liés à la transition énergétique). « Si l’UE se préoccupe des conséquences du changement climatique pour la planète, la Chine, elle s’emploie avant tout à détenir les technologies afférentes » tout en réduisant la pollution de ses villes, conclut l’étude.
La Chine, qui a compté pour 89% de la production mondiale de terres rares en 2016, abriterait 44% des réserves mondiales de ces métaux. (©Connaissance des Énergies, d’après Ifri)
- Gilles Lepesant est directeur de recherche au CNRS, chercheur associé au CERI et à l’Asian Energy Studies Centre (Hong Kong Baptist University).
- 15 lanthanides, l’yttrium et le scandium.
- « La notion même de criticité prête toutefois à discussion tant l’équilibre entre l’offre et la demande varie selon les métaux considérés et évolue au fil du temps », indique Gilles Lepesant.
- Signalons que les entreprises chinoises investissent également à l’étranger dans les métaux critiques liés à la transition énergétique.