L'Académie des technologies questionne le rôle des « SAF » pour décarboner l'aviation

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« SAF » pour décarboner l'aviation

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L’Académie des technologies a présenté ce 7 mars un rapport sur la décarbonation du secteur aérien par « la production massive de carburants durables qui sont le vecteur principal d’une décarbonation sans remise en cause des infrastructures du secteur » (rapport complet accessible à la fin de cet article).

Émissions du transport aérien civil et « SAF »

Le transport aérien civil compte pour un peu plus de 3% des émissions mondiales de CO2 liées à l'énergie(1) et les émissions de ce secteur « pourraient doubler d’ici 2050 si aucun effort n’est concrétisé », indique l'Académie des technologies dans l'introduction de son nouveau rapport. De plus, « les effets non-CO2 du transport aérien pourraient augmenter l’impact climatique du secteur », même si lesdits effets nécessitent encore de faire l'objet de recherches pour en préciser l'importance.

Dans ce contexte et face à « un nombre limité d'options », la substitution du kérosène fossile par des carburants dits « durables » pour l’aviation (souvent désignés sous l’acronyme « SAF » pour « Sustainable Aviation Fuel » en anglais) constitue « la mesure qui contribuera majoritairement à la décarbonation de l’aviation avec une pénétration facilitée par sa compatibilité avec les infrastructures existantes », juge l'Académie des technologies. 

Le rapport classe les SAF en différentes familles selon la nature des intrants utilisés :

  • les « bioSAF », dont « le carbone, l’hydrogène et l’énergie sont apportés par la biomasse » (en particulier les biocarburants de 1re génération, pouvant entrer en compétition avec des usages alimentaires mais aussi des huiles usées) ;
     
  • les « e-SAF » ou carburants de synthèse, pour lesquels « le carbone est extrait de l’atmosphère ou des effluents industriels et l’hydrogène produit par électrolyse avec une électricité bas carbone » ;
     
  • les « e-bioSAF », « lorsque la biomasse est utilisée pour apporter le carbone et une partie de l’hydrogène, l’autre partie étant produite par électrolyse ».

17% de la production française d'électricité en 2050

Pour décarboner le secteur aérien, l'ambition de la directive européenne ReFuelEU (en cours de finalisation) entraînerait entre autres, à l'horizon 2050, un besoin de « kérosène durable [...] de l’ordre de 30 millions de tonnes pour l’Europe dont 6 millions de tonnes pour la France ».

Se pose alors la question de la disponibilité des ressources : celle de la biomasse fait l'objet de nombreuses incertitudes « tant au niveau de sa disponibilité physique et de sa collecte que du fait d’arbitrages d’usages complexes entre secteurs économiques (chauffage résidentiel et tertiaire, production de biogaz, transport maritime et aérien, etc.) », met en garde l'Académie des technologies qui estime que cette biomasse « peut contribuer à la production de kérosène durable pour une vingtaine de pourcents des besoins de l’aviation ».

Le rapport appelle à « doubler le rendement de transformation de la biomasse disponible » mais juge ainsi incontournable « une deuxième voie assurée par la production de kérosène de synthèse à partir d’hydrogène et de CO2 capturé dans l’air » pour atteindre les objectifs de décarbonation. Dans le cadre de cette filière, « la production d’1 Mt de kérosène de synthèse (et de manière concomitante de 0,7 Mt de diesel de synthèse) mobilisera alors 37 TWh d’électricité dont 85% consommés par des électrolyseurs à haute température d’une puissance totale de 5 GW, le reste assurant le fonctionnement du site de production, dont la capture de 5 Mt de CO2».

À l’horizon 2050, l'Académie des technologies estime que « la décarbonation du secteur aérien, mais aussi des autres secteurs de l’économie, nécessitera un doublement de la production d’électricité dans les sociétés avancées et un triplement en moyenne dans le monde ». Elle considère également que 17% de la production française d'électricité en 2050(2) sera nécessaire « pour fournir les 6 Mt de kérosène durable requis par le secteur aérien et 4 Mt de diesel durable pour d’autres applications ».

Sources / Notes
  1. « Sur la base des données de l’Agence internationale de l’énergie, le secteur de l’aviation a produit 1,3 Gt de CO2 en 2019, soit 3,1 % des 33,4 Gt de CO2 émises par la consommation d’énergie. Ce ratio n’inclut ni le CO2 émis dans le cycle de vie du carburant (production, transport…) ni les effets non-CO2 de l’aviation. »
  2. Avis de l’Académie des technologies sur la décarbonation du secteur aérien par la production de carburants durables.
    « Pour que ces infrastructures et technologies soient au rendez-vous en 2050, il faut disposer dès 2030-2035 d’un premier palier d’industrialisation à une échelle significative : l’enjeu est donc de décider rapidement, et probablement dès 2025, une feuille de route collective visant le déploiement de la filière industrielle pour la production de carburant durable d’aviation. Une telle feuille de route prévoirait d’ici 10 ans une production significative de biokérosène avec ajout d’hydrogène et les développements technologiques et industriels permettant la montée en échelle de la production de kérosène de synthèse. »

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