Le Manta, un catamaran propulsé grâce aux déchets plastiques des océans

Manta

Chaque mission du Manta durera « jusqu’à 3 semaines. Elle sera suivie d'une semaine à terre pour décharger les déchets collectés qui n'ont pas été transformés en énergie » à bord du navire. (©Synthes3D pour The SeaCleaners)

Le Manta sera le « premier bateau-usine capable de collecter et valoriser en mer de grandes quantités » de déchets plastiques flottants. Présentation de ce catamaran qui doit être mis à l’eau courant 2024.

Une collecte de 5 000 à 1 000 tonnes de déchets plastiques par an

« Chaque minute, 17 tonnes de déchets plastiques sont déversées dans les océans... soit 9 à 12 millions de tonnes chaque année », rappelle The SeaCleaners. Cette association, créée par le navigateur franco-suisse Yvan Bourgnon(1), ambitionne de construire un « bateau nettoyeur des mers, capable de collecter de manière industrielle des déchets plastiques flottants […] aussi bien les macrodéchets que les débris plus petits à partir de 10 millimètres et jusqu'à un mètre de profondeur ».

Baptisé « Manta », ce futur navire devrait mesurer 56,5 m de long et 26 m de large, avec un tirant d’eau de 3,1 m. Pouvant accueillir 34 personnes à son bord (dont 22 membres d’équipage), il pourra naviguer à 6 nœuds en moyenne mais circulera à basse vitesse – 2,5 nœuds au maximum -  lors de la collecte de déchets plastiques afin de permettre aux « mammifères marins, tortues en respiration à la surface, poissons adultes de se sauver en sondant/en plongeant »(2) (d’autres dispositifs sont par ailleurs prévus pour ne pas perturber la faune et détecter les poissons).

Trois collecteurs de déchets seront implantés à l’arrière du navire : « un central et deux latéraux qui seront remorqués par deux tangons de chaque côté du bateau » (46 m d’envergure totale). Des tapis roulants situés « sous la plate-forme du navire, entre les coques » achemineront les déchets collectés qui feront l'objet d'un tri manuel à bord du catamaran (par 3 personnes). Deux petits bateaux embarqués à l’arrière du catamaran géant pourront également récupérer des déchets « dans des zones plus étroites, peu profondes et moins accessibles, où la manœuvrabilité est limitée » (ces embarcations doivent être déployées de façon autonome à partir de 2021).

Au total, The SeaCleaners évoque une capacité de collecte du Manta de 1 à 3 tonnes de déchets plastiques par heure, ce qui devrait permettre au navire « de débarrasser les océans de 5 000 à 10 000 tonnes de déchets plastiques par an ». Autrement dit, il faudrait environ un millier de navires Manta naviguant 300 jours par an pour capter le volume annuel de déchets plastiques déversés dans les océans au rythme actuel.

Une autonomie énergétique « 75% du temps en moyenne »

Mais le Manta ne se contentera pas de collecter les déchets plastiques : il valorisera « 95% à 100% » d’entre eux à bord, « grâce à une unité de conversion énergétique par pyrolyse ». Lors du tri des déchets, ceux en métal, en verre ou en aluminium seront stockés en vue d'un recyclage à terre tandis que ceux en plastique seront broyés et compactés sur place avant d’alimenter une unité « WECU » (Waste-to-Electricity Conversion Unit) de 100 kW. Le plastique y sera transformé en gaz de synthèse par pyrolyse(3) et ce « syngas sera lui-même converti en électricité » à bord du Manta.  

L'électricité produite contribuera à alimenter le système de propulsion hybride du navire « combinant 1 500 m² de voiles installées sur des gréements automatisés et des moteurs à propulsion électrique ». Outre la valorisation de déchets plastiques, l’électricité fournie aux moteurs sera produite par deux éoliennes à axe vertical de 100 kW situées à l’arrière du bateau, deux hydrogénérateurs de 100 kW chacun sous le navire et environ 500 m2 de panneaux photovoltaïques installés à la proue du navire de 100 kW de puissance crête. Précisons qu’un tiers de la surface photovoltaïque sera situé sur des ailes rétractables qui renforceront l’allure de raie du navire.

Au total, cela permettra au navire de « fonctionner 75% du temps en moyenne de manière autonome » (davantage quand le Manta sera propulsé par les voiles, parfois moins quand l’usine fonctionnera à pleine capacité). Le Manta disposera de deux moteurs diesel pour les besoins d'énergie restants. 

Vers une mise à l’eau en 2024

Selon le calendrier actuel, The SeaCleaners terminera en 2021 la consultation des chantiers navals en vue de la construction du Manta et effectuera certaines campagnes exploratoires pour préciser les premières missions du navire. Le début de la construction du catamaran est envisagé en 2022 pour une mise à l’eau et des premières missions de collecte en 2024.

Le Manta naviguera « principalement en Asie, en Afrique et en Amérique du sud, sur des secteurs stratégiques où la pollution plastique marine est particulièrement dense : zones côtières, rivières, embouchures des grands fleuves et estuaires », précise The SeaCleaners.

Le coût de construction du Manta est estimé à près de 35 millions d’euros. Le projet n’a à ce jour disposé d’aucune subvention publique et repose sur les fonds privés d’une cinquantaine d’entreprises mécènes (The SeaCleaners poursuit actuellement la recherche de financements).

À l'image du navire à hydrogène Energy Observer,  le Manta a vocation à devenir un « bateau-ambassadeur » de la transition écologique et mènera des actions pédagogiques sur la pollution plastique et l’économie circulaire (en présentant des technologies innovantes lors de ses déplacements et en accueillant du public à son bord notamment), tout en contribuant par ailleurs à des missions scientifiques.

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Sources / Notes
  1. Yvan Bourgnon a entre autres gagné la Transat Jacques-Vabre en 1997 et réalisé un tour du monde «  à l’ancienne » sur un catamaran de 6,30 m non habitable et sans GPS entre octobre 2013 et juin 2015.
  2. The SeaCleaners rappelle que « la pêche pélagique œuvre avec des navires évoluant avec de grandes vitesses (9 à 10 nœuds) pour fatiguer les poissons en amont du chalut et donc les récupérer dans la poche du chalut ».
  3. « Les résidus solides (le char), qui représentent 5 à 10 % du plastique traité, sont stockés pour être valorisés à terre, sous forme de bitume, ciment, combustible, etc. »

Site de The SeaCleaners

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