La centrale de Tihange est constituée de 3 réacteurs dont le plus ancien, connecté au réseau électrique en 1975, pourrait être exploité 50 ans. (©Electrabel - Rudy de Barse)
Le secrétaire d’État à l’Énergie belge Melchior Wathelet avait proposé hier de repousser d’un an la fermeture de 2 des plus anciens réacteurs belges (Doel 1 et 2) et de prolonger de dix ans l’exploitation d’un troisième (Tihange 1).
Le Conseil des ministres restreint a retenu aujourd’hui la deuxième proposition en actant la fermeture de Tihange 1 en avril 2025 au lieu d’avril 2015. Il a également été décidé de mettre près de 1 000 MW nucléaires à disposition des fournisseurs concurrents d'Electrabel, exploitant du parc nucléaire. Cette mesure vise à encourager une baisse des prix à la consommation.
Le contexte : des revirements successifs depuis 2003
Le parc nucléaire belge est constitué de 7 réacteurs à eau pressurisée (même type que les réacteurs français) dont 3 sont situés dans la centrale de Doel en Flandre et 4 dans la centrale de Tihange en Wallonie. Ces réacteurs ont été connectés au réseau électrique belge entre 1974 et 1985 et sont exploités par Electrabel, filiale de GDF Suez. Leur durée d’exploitation fait l’objet de discussions depuis près d’une décennie.
En 2003, une loi prévoyant l’arrêt progressif de ces réacteurs au bout de 40 ans d’exploitation est votée. Il est alors prévu de fermer les réacteurs les plus anciens, Doel 1 et 2 ainsi que Tihange 1 dès 2015, les quatre autres réacteurs (Doel 3 et 4, Tihange 2 et 3) devant être arrêtés entre 2022 et 2025.
Pour des raisons économiques, le gouvernement de Herman van Rompuy décide toutefois en 2009 de prolonger à 50 ans la durée d’exploitation des 3 réacteurs les plus anciens, soit jusqu’en 2025. Une décision sur laquelle est revenue la Belgique à l’automne dernier. A la tête de la coalition gouvernementale, Elio di Rupo annonce le rétablissement du plan de sortie du nucléaire fixé en 2003, sous réserve que l’approvisionnement électrique du pays ne soit pas menacé.
C’est cette réserve qui a depuis suscité doutes et discussions dans la classe politique belge. Dans le même temps, GDF Suez appelait le gouvernement à trancher cette question en le laissant exploiter son parc dix années supplémentaires. Il est finalement demandé à Electrabel d'exploiter le réacteur Tihange 1 mais pas Doel 1 et 2 qui devraient cesser leur activité dès avril 2015. L’exploitant sera également contraint de mettre à disposition d'autres fournisseurs 1 000 MW de capacité (sur une capacité totale de 5 900 GW) pour stimuler la concurrence.
L’enjeu : sécuriser l’approvisionnement électrique
Le dossier nucléaire belge est sujet à tous ces revirements car il se trouve à la croisée d’importants enjeux politiques, industriels, sociaux, économiques et énergétiques. En 2011, près de 54% de l’électricité produite en Belgique provenait des réacteurs nucléaires. Le gestionnaire du réseau de transport électrique belge, Elia (l’équivalent de RTE en Belgique), a en particulier souligné que la sécurité de l’approvisionnement électrique belge pourrait être menacée par la fermeture du parc nucléaire, telle que prévue par le plan de 2003. En prolongeant la durée d’exploitation de Tihange 1, le Conseil des ministres restreint déclare pouvoir éviter le risque que 500 000 à 1 million d’habitants soient privés d’électricité à certains moments de l’hiver.
La CREG, équivalente belge de la CRE, avait également estimé dans une étude parue en juin dernier, que les ressources disponibles pourraient être insuffisantes pour couvrir l’ensemble de la demande pendant 250 h durant l’année 2015, année de fermeture initialement prévue pour 3 des 7 réacteurs. L’organisme belge préconisait dans son rapport de retarder d’un ou deux ans l’arrêt des plus anciens réacteurs nucléaires.
Dans le même temps, GDF Suez avait annoncé vouloir fermer trois centrales thermiques (charbon ou gaz) en Belgique, jugeant celles-ci non rentables. Une décision renforçant le risque de pénurie électrique, qui a fait l’objet de critiques, notamment du parti Ecolo y voyant une manœuvre pour faire pression sur le gouvernement.
A ce contexte tendu s’ajoute les voix partagées des ménages belges, qui ont payé en 2011 leur électricité 8,5% plus cher qu’en 2010, une hausse plus marquée que dans le reste de l’Union européenne (en moyenne +4,9%)(1). Pour rappel, les Belges paient déjà leurs kWh presque 60% plus chers que les Français.
Le parc nucléaire belge est constitué de 7 réacteurs nucléaires répartis sur les centrales de Doel et de Tihange (©2012).