Le point sur la hausse des prix des carburants en France

parue le
Carburants

Face à la hausse des prix à la pompe, les groupes E. Leclerc et Carrefour ont engagé des opérations de vente de carburants à prix coûtant. (©Pixabay)

La progression de la fiscalité pesant sur les carburants en France est actuellement critiquée par de nombreux automobilistes français, suite à la remontée des cours du pétrole brut. État des lieux.

Les raisons de la hausse des prix des carburants

En octobre 2018, les prix moyens des carburants dans les stations-service françaises ont atteint 1,52 €/l (dont 56,7% de taxes) pour le gazole et 1,56 €/l (dont 61% de taxes) pour le SP95(1). En un an, le prix du gazole a augmenté de 22,7% et celui du SP95 de 15% selon les données du ministère en charge de l’énergie(2).

La hausse de prix durant cette période est d’une part due à l’augmentation annuelle de la fiscalité pesant sur ces carburants au 1er janvier 2018 (hausse moyenne de 7,6 centimes d’euro par litre pour le gazole et de 3,84 c€/l pour l’essence), mais surtout à la remontée des cours du pétrole brut durant les derniers mois qui est, dans le cas du gazole, responsable des « trois quarts » de la hausse, a rappelé Emmanuel Macron.

Entre juin 2017 et septembre 2018, les cours mondiaux du pétrole sont remontés de près de 70%(3), la légère revalorisation de l’euro face au dollar ayant « marginalement amorti le choc », indiquent Christian de Perthuis et Anouk Faure dans une note de la Chaire Économie du Climat publiée le 5 novembre(4).

Si le renchérissement du gazole et des essences au cours des derniers mois est principalement imputable à la remontée des cours du pétrole, le coût de ce dernier dans les prix des carburants reste minoritaire, de l’ordre de 30% à 35% du total à la pompe (raffinage compris). C’est ainsi la lourde fiscalité pesant sur les carburants qui est aujourd’hui pointée du doigt par les automobilistes français, une partie d’entre eux appelant à une journée de blocage des routes le 17 novembre prochain.

Les principales évolutions des taxes

Depuis avril 2014, les taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) intègrent une contribution climat-énergie, taxe carbone dont le niveau est rehaussé chaque année (44,6 €/t de CO2 en 2018 et 55 €/t de CO2 en 2019, avec une cible de 86,2 €/t de CO2 en 2022)(5). La chute des cours du pétrole entamée mi-2014 a longtemps « rendu indolore la tarification du carbone dont l’introduction a été faite en catimini, sans la moindre pédagogie à l’égard des électeurs », rappellent Christian de Perthuis et Anouk Faure.

L’autre grande évolution en matière de fiscalité est la suppression progressive de l’avantage historique du gazole, engagée en 2014 et confirmée en 2017 par Nicolas Hulot(6), au nom de la lutte contre la pollution atmosphérique. La TICPE pesant sur le diesel, actuellement plus faible que celle appliquée sur les essences, est ainsi plus fortement augmentée chaque année en vue d’un alignement des fiscalités entre ces carburants en 2021.

Évolution des prix des carburants à la pompe en France entre janvier 2007 et octobre 2018
L’écart de prix entre le gazole et le SP95 se réduit, principalement en raison de l’alignement progressif des fiscalités de ces carburants. (©Connaissance des Énergies)

En 2019, « la fiscalité du diesel augmentera de 6,5 c€/l et celle de l’essence de 2,9 c€/l », avait indiqué le ministère de la Transition écologique et solidaire lors de la présentation du projet de loi de finances en septembre 2018.

Les questions qui se posent aujourd’hui

L’histoire récente montre que les évolutions des cours du pétrole sont extrêmement difficiles à anticiper (le cours du Brent est remonté de près de 17% entre le 3 octobre et le 6 novembre). Les prévisions actuelles sont particulièrement incertaines alors que les sanctions américaines contre les exportations iraniennes de pétrole sont entrées en vigueur le 5 novembre, « la pression pouvant s’accentuer à court terme dans l’hypothèse d’une nouvelle contrainte sur l’offre ou s’atténuer à terme en particulier si l’offre américaine (ndlr : huile de schiste) se renforce », indique IFP Énergies nouvelles.

En ce qui concerne la forte fiscalité pesant sur les carburants en France, Emmanuel Macron et le gouvernement ont affirmé à plusieurs reprises ne pas vouloir faire marche arrière, tant sur la montée en puissance de la composante carbone que sur la hausse de la fiscalité affectant plus spécifiquement le gazole. Dans le contexte de hausse des cours du pétrole, « la tentation est grande de ralentir, voire d’interrompre la montée en charge de la fiscalité énergétique », reconnaissent Christian de Perthuis et Anouk Faure. Ceux-ci rappellent toutefois que cette mesure, « peut-être populaire […] consisterait à tourner le dos à nos responsabilités climatiques et environnementales », quelques semaines seulement après les rappels à l’ordre du GIEC.

Des mesures compensatoires sont envisagées et pourraient faire l’objet d’une annonce d’ici au 17 novembre. Emmanuel Macron a notamment cité en exemple « l’aide au transport » mise en place dans les Hauts-de-France qu’il souhaite défiscaliser : les salariés habitant à plus de 30 kilomètres de leur lieu de travail n’ayant pas d’autre choix que d'utiliser leur véhicule peuvent bénéficier d'une aide régionale au transport de 20 euros par mois.

L’opposition a entre autres également suggéré la mise en place d’un chèque carburant destiné aux Français n’ayant pas accès aux transports en commun, sur le modèle du chèque énergie qui aide les ménages modestes à payer leurs factures de chauffage ou des travaux de rénovation dans leurs logements. Le gouvernement souhaite par ailleurs doubler, à partir de 2019, la prime à la conversion versée pour le remplacement de vieux véhicules, principalement à motorisation diesel(7), à l'aide d'une contribution des constructeurs automobiles.

L’affectation des recettes de la fiscalité écologique fait par ailleurs l’objet de nombreuses critiques de l’opposition qui met en cause la faible part directement « fléchée » vers la transition écologique (de l’ordre de 20% des 37,7 milliards de recettes attendues de la TICPE en 2019(8)).

Précisons que l’impact de la taxe carbone entre 2014 et 2018, aujourd’hui dénoncé par les automobilistes français, a été « plus marqué sur les prix du gaz naturel et du fioul domestique que sur les carburants qui sont fortement taxés par ailleurs » selon Christian de Perthuis et Anouk Faure.

Sur le même sujet