Exploitation de cuivre dans le nord du Chili (©BHP Billiton)
La Banque mondiale a présenté le 18 juillet une étude soulignant les énormes besoins de minerais et de métaux associés à la transition « bas carbone » dans le monde. Un aspect souvent ignoré de cette transition.
Une transition énergétique « métaux-vore »
Dans ses différents scénarios pour contenir le réchauffement climatique, l’AIE envisage un fort développement des énergies renouvelables. La part de ces dernières dans la production électrique mondiale devrait, selon l'agence, atteindre 74% en 2060 dans le cadre de son scénario « 2°C »(1) (contre 24% en 2016(2)).
Les filières éolienne et solaire sont en particulier censées apporter une très forte contribution à la transition vers un système mondial « bas carbone », de même que les batteries lithium-ion notamment nécessaires pour accompagner l’électrification des transports(3). Selon la Banque mondiale, ces technologies(4) nécessiteront d’énormes quantités de minerais et métaux (aluminium, cobalt, cuivre, minerai de fer, lithium, terres rares, etc.) et pourraient in fine consommer « significativement plus de ressources que les systèmes traditionnels basés sur les énergies fossiles ».
La fabrication en masse de batteries lithium-ion pourrait en particulier engendrer une très forte augmentation des besoins de lithium mais aussi d‘aluminium, de cobalt, de manganèse, de nickel ou encore d’acier. La demande de métaux liée à cette filière pourrait ainsi être multipliée par 10 d’ici à 2050 dans le cas d’un scénario « 2°C » par rapport à un scénario « 6°C »(5), selon les estimations du rapport.
L’ampleur et la nature des besoins en minerais et métaux dépendront ainsi du rythme de la transition énergétique mondiale ainsi que des choix des technologies utilisées par chaque filière (par exemple, entre le silicium cristallin, le tellurure de cadmium ou encore les couches fines pour les modules photovoltaïques).
La demande d’argent de l’industrie photovoltaïque dépendra en grande partie des technologies choisies : silicium cristallin, couches fines, etc. (©Connaissance des Énergies, d’après Banque mondiale)
Des opportunités pour les pays en voie de développement ?
De nombreux pays en voie de développement en Afrique, en Asie et en Amérique latine disposent d’importantes ressources en métaux et minerais. Ils pourraient ainsi tirer avantage de leur exploitation selon la Banque mondiale Le Chili, le Pérou et potentiellement la Bolivie pourraient en particulier jouer un rôle important dans l’approvisionnement en cuivre et en lithium. Le Brésil pourrait constituer un fournisseur majeur de bauxite et de minerai de fer tandis que le sud de l’Afrique et la Guinée pourraient contribuer à satisfaire la demande de platine, de manganèse ou de chrome selon la Banque mondiale. La Chine devrait conserver un rôle central dans la fourniture de la quasi-totalité de ces métaux, compte tenu de ses réserves très importantes.
L’ambiguïté de la transition bas-carbone, censée être « vertueuse », réside dans le fait qu’elle exige que cette exploitation de minerais et de métaux soit effectuée « de manière durable », précise Riccardo Puliti, Directeur en charge de l’énergie et des industries extractives à la Banque mondiale. Or, l’institution rappelle que l’augmentation des activités d’extraction est susceptible d’avoir un impact significatif sur les ressources en eau, les écosystèmes et les communautés environnantes.
Précisons que la forte hausse de la demande de métaux ne signifiera pas nécessairement l’épuisement des ressources disponibles. Les terres rares sont par exemple relativement abondantes dans l’écorce terrestre, même si les réserves prouvées économiquement exploitables sont essentiellement concentrées en Chine. Certains métaux pourraient par ailleurs se voir substitués par d’autres ressources comme le lithium qui pourrait par exemple être remplacé dans les batteries par du calcium.
Le rapport de la Banque mondiale présente ainsi les défis cachés de la transition énergétique et souligne le fait que les conditions d’exploitation de minerais et de métaux détermineront in fine en grande partie si la transition bas-carbone est réellement « durable ». Notons que le nucléaire, autre énergie bas carbone, et les systèmes de capture et de stockage du CO2 (CCS), ne sont pas pris en considération dans ce rapport.
Selon l’U.S. Geological Survey, l’Afrique du Sud pourrait disposer de 75% des ressources mondiales de manganèse. (©Connaissance des Énergies, d’après Banque mondiale)