Paysage de la province d'Alborz au nord-ouest de l'Iran (©photo)
À RETENIR
- L'Iran dispose des deuxièmes réserves prouvées de gaz naturel et des quatrièmes réserves prouvées de pétrole dans le monde.
- La consommation d'énergie iranienne dépend pour deux tiers du gaz naturel.
- Téhéran a signé en juillet 2015 avec les « 5+1 » un accord relatif à son programme nucléaire. Cet accord a permis la levée de la plupart des sanctions internationales contre l'Iran le 16 janvier 2016. Donald Trump a toutefois annoncé le 8 mai le retrait des États-Unis de cet accord et rétabli les sanctions à l'encontre de Téhéran.
- L'Iran cherche à attirer des investisseurs étrangers et à bénéficier de transferts de technologies dans les secteurs pétrolier et gazier. Selon l'Agence internationale de l'énergie, l'Iran fera partie des pays contribuant à la hausse de l'offre mondiale de pétrole d'ici à 2023.
Présentation
L’Iran s'est trouvé au cœur de l’actualité énergétique et géopolitique en 2015/2016 dans le cadre de la résolution de son « programme nucléaire » sensible et de la levée de l’embargo pétrolier associé. Depuis plusieurs années, la crainte de voir ce pays se doter de l’arme nucléaire avait fait l’objet de nombreuses rencontres internationales entre les grandes puissances mondiales.
La République islamique ne possède qu’un réacteur nucléaire dédié à la production d’électricité en fonctionnement. Elle disposait toutefois de nombreux sites consacrés à la transformation de l’uranium dont l’activité n’était pas clairement identifiée par l’AIEA. Des sanctions renforcées ont ainsi été appliquées à partir de 2012 par les États-Unis et l’Union européenne en réponse au manque de garanties données sur le caractère civil du programme nucléaire iranien. Elles visaient en particulier les exportations de pétrole de l’Iran afin de faire pression sur Téhéran.
Une large part de ces sanctions ont été levées le 16 janvier 2016 après le feu vert de l'AIEA, conformément à l'accord de juillet 2015 entre l'Iran et les « 5+1 » (les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, c'est-à-dire les États-Unis, la Chine, la Russie, le Royaume-Uni et la France + l'Allemagne).
Alors que la question du nucléaire a souvent été abordée lorsqu’il était question de l’Iran ces dernières années, rappelons que près de 98% de la consommation d’énergie de ce pays est satisfaite par le gaz naturel et le pétrole. L’Iran fait partie des grandes puissances énergétiques mondiales grâce à la richesse de son sous-sol en hydrocarbures. Le pays dispose notamment des deuxième réserves prouvées de gaz naturel dans le monde, derrière la Russie et devant le Qatar (la production gazière iranienne étant toutefois principalement dédiée à la consommation domestique)(1).
Composition des mix énergétique et électrique
Membre de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), l’Iran satisfait l’essentiel de sa consommation énergétique (270,7 Mtep en 2016)(2) grâce à la richesse de ses ressources intérieures en hydrocarbures.
La répartition par source de la consommation iranienne d'énergie a peu évolué ces dernières années. Ici, le mix en 2016. (©Connaissance des Énergies, d’après BP Statistical Review 2017)
Gaz naturel
Le gaz naturel est le pilier central du système énergétique iranien. Le pays dispose des deuxièmes réserves prouvées de gaz naturel dans le monde à fin 2017 (près de 34 000 milliards de m3), soit près de 17% des réserves mondiales(3). Ses plus importants gisements gaziers sont situés dans la mer Caspienne mais des différends opposant les pays situés à proximité ralentissent l’exploitation d’une partie des réserves s’y trouvant. Près de 40% des réserves iraniennes de gaz proviennent du gisement offshore South Pars(4) que le pays partage avec le Qatar dans le golfe Persique.
L'Iran dispose des deuxièmes réserves prouvées de gaz naturel dans le monde, derrière la Russie et devant le Qatar.
L’Iran est le 3e producteur mondial de gaz naturel (plus de 200 milliards de m3 en 2017) derrière les États-Unis et la Russie. Le gaz naturel est la première source d’énergie produite et consommée dans le pays. Notons que Téhéran importe du gaz à certaines périodes de l'année (mois d'hiver) afin de répondre aux pics de consommation. L’Iran exporte une partie de son gaz à d’autres périodes de l’année, principalement vers ses pays voisins tels que la Turquie (destination de 73% des exportations iraniennes de gaz naturel en 2017), l’Arménie, l’Azerbaïdjan et l’Irak.
Pétrole
L’Iran dispose également des 4e réserves prouvées de pétrole au monde : près de 157 milliards de barils à fin 2017, soit presque 10% des réserves mondiales(5). Près de 71% des réserves pétrolières prouvées iraniennes se concentrent dans cinq importants gisements terrestres majeurs (Bassin de Khuzestan). Le plus important d’entre eux est celui d’Azadegan mais l’extraction y est difficile en raison de contraintes géologiques. Selon l'AIE, une majorité de la production pétrolière iranienne proviendrait de champs matures exploités depuis plus de 70 ans.
En 2017, l'Iran a produit 4,7 millions de barils par jour (Mb/j) de pétrole et d’autres hydrocarbures liquides (dont 3,8 Mb/j de pétrole brut). Le pays est peu impacté par l'accord de réduction de la production conclu avec l'OPEP et d'autres pays producteurs (accord qui porte jusqu'à fin 2018). Le pétrole a satisfait 31% de la consommation iranienne d’énergie en 2016.
Électricité
En 2016, l’Iran a produit 276 TWh, essentiellement à partir de centrales à gaz. Globalement, 93% de l’électricité est produite par des centrales thermiques à combustible fossile, le reste provenant de barrages hydroélectriques et d’autres énergies dans de très faibles proportions.
Le pays souhaite développer ses capacités électriques, en privilégiant encore le gaz naturel mais aussi les énergies renouvelables et le nucléaire. L’Iran possède à l’heure actuelle un réacteur nucléaire (Bouchehr), en activité depuis fin 2013, et envisage de construire deux tranches supplémentaires (qui pourraient « potentiellement commencer leurs opérations en 2028 au plus tôt » selon l’EIA américaine).
Enjeux
Baisse de la production et des exportations de pétrole et de gaz
En raison de l’ancienneté des infrastructures et des sanctions internationales, les productions pétrolière et gazière iraniennes ont fortement baissé en 2013 (en 2014, la production gazière iranienne était inférieure de 17% à à son niveau en 2011). Cette baisse était également due aux faibles taux de récupération (20-30%) de certains gisements.
Les mesures de restriction sur le système de paiement et les assurances ont en outre alors entraîné le retrait du marché iranien des principales compagnies étrangères (Total, Shell, Repsol) provoquant une baisse de la production de brut d’environ 5 % par an. Téhéran s'est alors tourné vers d’autres pays comme la Chine, la Russie, l’Inde, qui ont réduit à leur tour d’environ 20% leurs importations en 2012 et 2013.
Depuis la levée des sanctions internationales en janvier 2016, l'Iran souhaite fortement augmenter ses exportations. En 2017, la production pétrolière nationale a retrouvé un niveau comparable à celui de 2011, avant les sanctions internationales (niveau qui reste inférieur à la production de 1976/1977 qui dépassait 5,5 Mb/j).
La production iranienne de pétrole a rapidement réaugmenté après la levée des sanctions internationales en janvier 2016. (©Connaissance des Énergies, d'après EIA)
Activités dans le domaine nucléaire
L’Iran possède huit sites nucléaires dont un réacteur en fonctionnement, Bouchehr (d'une puissance de 915 MW). L’exploitation de ce dernier a commencé en 1974 avec l’aide de l’entreprise allemande Siemens. Après avoir été bombardé pendant la guerre Iran-Irak, il a repris son activité en 1995 à la suite d'un accord avec la Russie.
Plusieurs sites sont placés sous très haute surveillance par l’AIEA. Parmi eux se trouve le réacteur nucléaire de recherche à eau lourde d’Arak, qui devait initialement être mis en service en 2014. Des sanctions et plusieurs sabotages retardent toutefois ce calendrier. Le site de Parchin près de Téhéran a également suscité une attention particulière de l’AIEA qui pensait qu’il était le lieu d’essais pour obtenir une charge utile nucléaire permettant d’armer un missile.
Acteurs majeurs
Créé en 2001 et dirigé par le président (Hassan Rohani), le Conseil suprême de l’énergie supervise le secteur énergétique iranien. Notons que la décision finale revient toujours au Guide de la Révolution (ou Guide suprême) qui est le chef de l’État iranien(6) et le plus haut responsable politique et religieux dans le pays. Ali Khamenei est l’actuel Guide depuis 1989 suite au décès de l’ayatollah Khomeni.
Les ministres du pétrole et de l’énergie sont respectivement responsables des secteurs des hydrocarbures et de l’électricité. L’agence iranienne de l’énergie atomique est responsable des décisions relatives à la stratégie de développement du nucléaire.
Passé
Recherche d’un compromis sur la question du nucléaire
Les soupçons concernant la volonté de l’Iran de se doter de l’arme nucléaire débutent le 14 août 2002 lorsqu’un dissident iranien, Alireza Jafarzadeh, révèle l'existence de deux sites nucléaires jusque-là secrets(7). En 2003, l’Allemagne, la France, et le Royaume-Uni (groupe dit « UE3 ») entament des négociations avec l’Iran sur le nucléaire. Celles-ci débouchent sur l’engagement iranien d'appliquer le protocole additionnel au traité de non-prolifération (TNP), permettant des contrôles inopinés de l'AIEA. Après une première suspension en 2004, le programme iranien d'enrichissement d'uranium prend un nouveau tournant à la suite de l’élection de Mahmoud Ahmadinejad en 2005. On estime alors que le nombre de centrifugeuses dédiées à l’enrichissement d’uranium passe de près de 3 000 en 2005 à plus de 18 000 en 2013.
Sous l’impulsion du groupe « UE3 », l’AIEA porte le dossier du programme nucléaire iranien devant le conseil de sécurité de l’ONU en 2006. Malgré la résolution 1696 de l’ONU(8), premier texte juridiquement contraignant pour stopper le programme nucléaire iranien, le pays poursuit son programme et déclare être capable d'obtenir assez d'uranium enrichi pour constituer une bombe atomique en moins d'un an.
Accord sur le dossier nucléaire iranien
En 2009, la diplomatie d’ouverture d’Obama vis-à-vis de l’Iran permet une reprise des négociations entre les « 5+1 » (les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, c'est-à-dire les États-Unis, la Chine, la Russie, le Royaume-Uni et la France + l'Allemagne) et Téhéran après 14 mois d'interruption. L’Iran refuse toutefois d’enrichir son uranium à l'étranger. De nouvelles sanctions sont prises en 2012, dont un embargo pétrolier, le gel d'avoirs de certaines sociétés et d’organisations iraniennes ainsi que la suppression de visas.
Le 24 novembre 2013, Téhéran et les « 5+1 » se mettent d’accord sur un texte préliminaire concernant le programme nucléaire iranien.
Les négociations, entre les « 5+1 » et l’Iran, reprennent en 2012 et s’orientent peu à peu vers une résolution de la crise iranienne depuis l’élection d’Hassan Rohani, en août 2013, à la tête de l’Iran. Ce dernier a la confiance du Guide de la Révolution et dispose d’une plus grande marge de manœuvre même si les Gardiens de la Révolution (organisation paramilitaire dépendant directement du Guide) ne le soutiennent pas totalement. Ils ont plusieurs fois fait échouer les négociations.
Le 24 novembre 2013, Téhéran et les « 5+1 » se mettent d’accord sur un texte préliminaire concernant le programme nucléaire iranien. Par cet accord, l'Iran s'engage à arrêter d'enrichir l'uranium au-dessus de 5% et à démanteler ses installations lui permettant de dépasser ce pourcentage. L'Iran s'engage aussi à neutraliser son stock existant d'uranium enrichi à 20% (avec compensation financière) et à laisser l’AIEA visiter tous les sites ainsi que les installations permettant de fabriquer les centrifugeuses. En contrepartie, les « 5+1 » s’engagent à ne pas prendre de nouvelles sanctions et à en alléger certaines autres, touchant notamment le commerce des métaux précieux et les industries automobile et pétrochimique.
L’accord est appliqué à partir du 20 janvier 2014, puis est prolongé le 24 novembre 2014 pour une durée de 7 mois. Cette période doit permettre de démarrer des discussions sur un accord global à long terme.
L'accord « historique » entre l'Iran et les « 5+1 » est finalement conclu à Vienne en juillet 2015, les principaux termes étant :
- l’Iran accepte de limiter pendant 10 ans ses capacités d’enrichissement en s’engageant notamment à ne produire que de l’uranium enrichi à 3,7 % afin de produire du combustible destiné à produire de l’électricité ;
- l’Iran s’engage à signer le protocole additionnel qui permettra pendant 15 ans à l’AIEA d’effectuer des visites rapides de tous les sites nucléaires qu’elle veut inspecter ;
- l’Iran autorise également sous certaines conditions que l’AIEA puisse visiter des sites militaires si elle juge qu’il y a nécessité de le faire.
Le 16 janvier 2016, l'AIEA a donné son feu vert pour la levée de l'essentiel des sanctions internationales portant sur l'Iran. L'Iran a alors annoncé son intention d'augmenter sa production de 500 000 barils par jour, puis de 500 000 barils supplémentaires d'ici six mois. Malgré la chute des cours du brut, Téhéran souhaitait ainsi regagner des parts de marché.
Présent et futur
Le 8 mai 2018, le président américain Donald Trump a annoncé le retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien. Cette annonce pose de nombreuses questions dont l’impact possible en matière d’offre sur les marchés pétroliers.
Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), le Moyen-Orient est appelé à occuper une place plus importante sur les marchés pétroliers à partir de 2020. La production de pétrole de l’Iran pourrait atteindre 5,4 mb/j en 2040 (et celle de l’Irak pourrait doubler et atteindre près de 8 mb/j en 2040).
D'après les estimations de l'AIE à plus court terme, l'Iran fera partie des pays contribuant à la hausse de l'offre mondiale de pétrole d'ici à 2023, loin derrière les États-Unis. Fin 2016, Téhéran a adopté un nouveau contrat pétrolier, l’IPC pour « Iranian (or Integrated) Petroleum Contract »(3), afin d’attirer les investisseurs étrangers.
Selon l'AIE, l'Iran devrait contribuer à satisfaire la hausse de la demande mondiale de pétrole d’ici à 2023. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)
Concrètement
L’Iran est le 7e pays au monde consommant le plus d’énergie par point de PIB : 0,206 tep par millier de dollars de PIB en 2016, soit approximativement deux fois plus que l'Allemagne (0,115 tep par millier de dollars de PIB pour la France)(8). Cette donnée caractérise l’« intensité énergétique » d’un pays.