Borne indiquant la présence d’une canalisation de transport de gaz naturel (©GRTgaz/Cabanel Jérôme)
La première pierre du démonstrateur Jupiter 1000 a été posée le 18 décembre au sein de la zone portuaire de Fos-sur-Mer. Ce projet collaboratif de « Power to Gas » piloté par GRTgaz vise à faire émerger une nouvelle filière française industrielle de production de gaz « renouvelable ». Explications.
Jupiter 1000, un démonstrateur alliant « Power to Gas » et méthanation
Le projet Jupiter 1000 vise à transformer en gaz « vert » les excédents de production électrique d’unités renouvelables intermittentes (éolien, photovoltaïque, hydrolien). Faute de solution de stockage, cette production intermittente est « perdue » lorsqu’elle ne répond pas à une demande simultanée de consommateurs. Son caractère « variable » complique en outre la gestion de l’équilibre offre/demande sur le réseau électrique.
Le « Power to Gas » permet de valoriser ces surplus d’électricité en les utilisant pour produire de l’hydrogène par électrolyse(1) de l’eau : les molécules d’eau (H2O) sont cassées en hydrogène (H2) et en oxygène (O). L’hydrogène ainsi produit peut, soit être injecté dans le réseau à condition qu’il soit suffisamment dilué (selon la réglementation en vigueur, 1% à 6% d’hydrogène maximum peut être mélangé au méthane dans les réseaux gaziers), soit en étant combiné à du CO2, être converti à son tour par procédé de méthanation en méthane de synthèse (CH4). Ce gaz « renouvelable », aux propriétés similaires à celles du gaz naturel, peut être injecté directement dans les réseaux gaziers.
A Fos-sur-Mer, le démonstrateur Jupiter 1000 va être déployé sur une parcelle de 6 500 m2 au sein de la pépinière « Innovex » de la plateforme PIICTO (Plateforme industrielle et d’innovation Caban Tonkin). Celle-ci vise à accueillir des projets pilotes préindustriels contribuant à la transition énergétique (stockage et valorisation d’énergies renouvelables, économie circulaire, smart grids, etc.).
9 partenaires, 30 millions d’euros de budget
Fruit de la collaboration de 9 acteurs, le démonstrateur Jupiter 1000 disposera d’une puissance installée de 1 MW électrique et utilisera de l’électricité renouvelable fournie par la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Des électrolyseurs de McPhy Energy, consommant en moyenne 200 litres d’eau par heure à plein débit, pourront produire près de 200 m3 d’hydrogène par heure (soit 17 kg/h).
Le CO2 capté par Leroux & Lotz (dans des fumées industrielles) alimentera des unités de méthanation d’Atmostat (Methamod) et du CEA(2) qui pourraient produire jusqu’à 25 m3 de méthane de synthèse par heure. Si le site fonctionne la moitié du temps, sa production annuelle pourrait légèrement dépasser 1 GWh (thermique) selon GRTgaz (avec un facteur de conversion 1m3 ≈ 10 kWh).
Une fois les bâtiments et la voirie de Jupiter 1000 finalisés, le démonstrateur devra être raccordé aux réseaux de gaz et d’électricité. Il est prévu d’installer les électrolyseurs sur le site d’ici à fin 2018, puis les réacteurs de méthanation début 2019. Des tests devraient être effectués durant 3 ans au sein de ce démonstrateur. Le coût total de Jupiter 1000 est estimé à 30 millions d’euros, 40% de ce budget étant financé par GRTgaz, 30% par les 9 partenaires du projet et 30% par des financements publics.
Plan 3D des installations du projet Jupiter 1000 (©GRTgaz)
Un potentiel important dans le cadre la transition énergétique
Le Power to Gas constitue une solution prometteuse en vue de l’intégration croissante de sources renouvelables intermittentes au sein du réseau électrique. En France, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur dispose actuellement du 3e parc photovoltaïque en matière de puissance derrière la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie(3), avec des capacités installées de 1 073 MW à fin septembre 2017. Le parc éolien de la région est en revanche assez limité (50 MW de puissance cumulée)(4).
L’Ademe(5) évalue à près de 150 TWh de gaz par an le potentiel théorique de production du Power to Gas à l’horizon 2050 (cette production dépendra fortement du prix du CO2 et de l’électricité). Cela en ferait, selon les estimations de l’agence, le 3e principal procédé de production de gaz « renouvelable » après la méthanisation (potentiel de 200 TWh/an) et la gazéification (160 à 280 TWh/an). Pour rappel, la consommation française de gaz a atteint 487 TWh en 2016.
Dans le cadre de la transition énergétique, le Power to Gas, associé à la méthanation, présente l’avantage de stocker l’électricité intermittente « fatale », de gérer de façon plus flexible les réseaux électriques et gaziers (en profitant de la capacité de stockage gazière de la France(6)), tout en valorisant le CO2, déchet contribuant fortement au réchauffement climatique. Ce dernier point s'avère particulièrement important, compte tenu des incertitudes actuelles, tant techniques qu’économiques, au sujet des solutions de stockage du CO2.