« Si les températures élevées sont difficiles à supporter quand on habite une bouilloire énergétique, les personnes sans abri sont également particulièrement exposées aux périodes de canicule », souligne la Fondation Abbé Pierre. (©Pixabay)
Si la précarité énergétique est « encore largement associée au ressenti du froid dans son logement », elle s'exprime également à travers « l’inhabitabilité liée aux pics de chaleur », souligne la Fondation Abbé Pierre dans un rapport rendu public ce 26 juin (accessible en fin d'article).
59%
En 2022 (année marquée par une vague de chaleur précoce), 59% des Françaises et des Français ont déclaré avoir souffert de la chaleur dans leur logement pendant au moins 24 heures, contre 51% en 2020. Les canicules justifient très souvent ce ressenti mais 19% des personnes concernées « mentionnent également une mauvaise isolation de leur logement ».
Le nouveau rapport de la Fondation Abbé Pierre rappelle qu'il est considéré « que le confort d’été du logement n’est pas assuré à partir de 25 jours par an durant lesquels le logement serait continûment à 30°C le jour et 28°C la nuit »(1). Ces épisodes de chaleur et l'insuffisante adaptation des bâtiments engendrent, comme pour la précarité énergétique en hiver, des conséquences « sanitaires, sociales, économiques et environnementales. Les efforts liés au refroidissement à l’aide de douches ou d’appareils, peuvent engendrer des factures élevées d’eau et d’énergie » notamment.
Ce phénomène qualifié « de précarité énergétique d’été » par la Fondation Abbé Pierre va continuer de s’aggraver avec le dérèglement climatique, l’urbanisation et le vieillissement de la population (sachant que le corps perd 5% de sa capacité de thermorégulation tous les 10 ans(2)), prévient le rapport.
Lors de la canicule de 2003, près de 15 000 décès « en excès » ont été imputés à la chaleur en France par l'Inserm, avec une surmortalité particulièrement forte en ville (avec l'apparition d'« îlots de chaleur urbains »(3)) et chez les plus modestes(4) qui habitent souvent dans « des logements moins bien isolés, moins ventilés, rarement équipés de climatisation ».
« Pas une fatalité »
Des correspondances existent naturellement entre les précarités énergétiques dites d'hiver et d'été : « les 5,2 millions de passoires thermiques impossible à chauffer en hiver se transforment en bouilloires énergétiques impossibles à refroidir en été », avec « des isolations peu performantes, des expositions ne répondant pas aux principes de l’architecture bioclimatique, l’absence de protections solaires ou de simples volets qui peuvent participer à rendre certains logements quasi inhabitables pendant la période estivale ».
Parmi les mesures pour rafraîchir les logements, 82% des Français évoquent spontanément la fermeture des volets. La Fondation Abbé Pierre évoque deux grandes séries de mesures d'adaptation pour aller plus loin :
- rénover les logements en misant sur une architecture « bioclimatique, low-tech » qui autorégule la température intérieure tout en restant sobre énergétiquement (isoler pour limiter les apports de chaleur, privilégier les couleurs claires pour les revêtements extérieurs, installer des protections solaires(5), végétaliser les toitures, etc.) ;
- agir sur la température extérieure en créant des masques végétaux et en luttant contre les îlots de chaleur (végétaliser les bâtiments et cours intérieures, planter des arbres de hautes tiges à proximité des bâtiments pour davantage d'ombre, débituminer, diminuer le trafic routier, etc.)
Le rapport de la Fondation Abbé Pierre expose 19 propositions, dont le triplement du chèque énergie (pour que ce dernier atteigne en moyenne 450 € par an), une augmentation d'au moins 50 millions d’euros du budget annuel de MaPrimeRenov' pour que ce dispositif subventionne les moyens pour améliorer « l'habitabilité thermique » ou encore l'obligation pour les bailleurs d'installer des protections solaires ou des volets a minima dans leurs logements.
Le risque de la climatisation
La Fondation Abbé Pierre alerte par ailleurs sur la « fausse solution » que constitue la climatisation, alors qu'un nombre croissant de Français sont équipés de climatiseurs (25% en 2020 contre 14% en 2016). Ces appareils aggravent le phénomène des îlots de chaleur « en rejetant l’air chaud à l’extérieur des bâtiments ou des véhicules qu’elle tente de rafraîchir, et ce sont les personnes se trouvant à l’extérieur ou à proximité des évacuations qui subissent la chaleur rejetée ».
En période de canicule, le gestionnaire de réseau estime que chaque degré supplémentaire entraîne un appel de puissance supplémentaire de 500 MW sur le réseau pour le seul usage de ventilateurs et de climatiseurs(6).
Rappelons que le Code de l'énergie stipule(7) que « dans les locaux dans lesquels est installé un système de refroidissement, celui-ci ne doit être mis ou maintenu en fonctionnement que lorsque la température intérieure des locaux dépasse 26°C ».