Expert en électronique et énergétique de défense
Membre du Comité des Experts de Connaissance des Énergies
Et si la montagne accouchait d’une souris ? Le grand débat national sur la transition énergétique va-t-il se conclure par une recommandation claire sur les choix à faire pour fournir l’énergie dont nous avons besoin à un prix compétitif, en étant plus respectueux de l’environnement ?
Probablement pas car le débat est sévèrement encadré depuis le début par des prérequis qui le vident de son contenu, comme par exemple :
le poids du nucléaire doit diminuer dans les sources d’énergie (programme présidentiel) ;
la fracturation hydraulique nécessaire à l’exploitation du gaz de schiste est interdite (la France et la Bulgarie sont les 2 pays au monde à avoir voté une loi à cet effet) ;
les investissements dans les énergies renouvelables doivent être assez sévèrement limités pour éviter une envolée des prix de l’électricité qui aurait pour effet d’accroître de manière inquiétante le nombre de foyers français en état de précarité énergétique.
Dans ces conditions, les conclusions du débat vont nécessairement s’orienter sur le seul sujet qui fasse consensus : il faut faire des économies d’énergie parce que c’est bon pour la planète et bon pour le portefeuille des Français. Et comme il n’est pas question d’empêcher Monsieur Toutlemonde de rouler avec sa voiture, même si on va tout faire pour l’inciter à prendre les transports en commun, le propos se réduit à faire des économies de chauffage en isolant mieux les habitations. En plus cela a un gros avantage : cela créerait 700 000 emplois, disent les spécialistes, non délocalisables et à faible qualification.
Il ne reste plus qu’à mettre en place quelques incitations fiscales au niveau national pour les propriétaires de leur logement et à inciter les collectivités territoriales à mener localement des programmes d’action sur les logements sociaux et la transition énergétique est bouclée…
Sans nier l’intérêt évident de ces mesures pragmatiques, on pourrait regretter amèrement que la masse d’information échangée dans ce débat aboutisse à un résultat aussi limité. Les choix énergie / climat s’évaluent sur une période longue et nécessitent une anticipation qui dépasse la vision de la plupart des hommes politiques obsédés par les prochaines échéances électorales. On aurait néanmoins aimé avoir de solides orientations sur des questions de long terme :
Nucléaire : comment remplacera-t-on au terme de leur exploitation nos centrales actuelles ? Les technologies permettant de mieux exploiter le combustible nucléaire en brûlant les déchets radioactifs à vie longue seront-elles matures ? Quelle feuille de route pour arriver à ce résultat ?
Gaz de schiste : comment évaluer sérieusement le coût de production de gaz national et mieux mesurer l’impact économique d’une mise en exploitation de certaines zones, si ce n’est en levant le tabou de forages exploratoires ?
Énergies renouvelables : quelles pistes sont les plus prometteuses parmi les différentes filières et où concentrer nos efforts ?
Tous ces sujets ont fait l’objet de discussions. Faut-il néanmoins les occulter pour être politiquement correct ?