Que peut-on raisonnablement attendre de la COP26 à Glasgow ?

Christian de Perthuis

Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine - PSL

Fondateur de la Chaire Économie du Climat

  • COP (Conference of the Parties) : « Organe suprême de la présente Convention, la Conférence des Parties fait régulièrement le point de l’application de la Convention et de tous autres instruments juridiques connexes qu’elle pourrait adopter » (Article 7 de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques de 1992).
  • Accord de Paris : « Traité international juridiquement contraignant sur les changements climatiques, adopté par 196 Parties lors de la COP21 à Paris, le 12 décembre 2015 et entré en vigueur le 4 novembre 2016 » (Site de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques).
  • COP26 : 26e COP, à Glasgow (31 octobre – 12 novembre 2021).

Pour comprendre les enjeux de la COP de Glasgow, il convient de remonter à 1992. Cette année là se tient le Sommet Mondial de la Terre, organisé par les Nations Unies. En conclusion du sommet, trois conventions internationales sont adoptées sur la désertification, l’érosion de la biodiversité et le réchauffement climatique.

La convention de 1992 sur les changements climatiques fixe un cadre global d’action face au réchauffement global. Elle mentionne un objectif de stabilisation du stock atmosphérique de gaz à effet de serre à long terme, mais ne précise ni son niveau exact, ni la façon de l’atteindre. En 2015, l’Accord de Paris (COP21) marque une avancée dans ce sens. La COP26 est un point d’étape important dans la mise en œuvre de cet accord.

De la COP1 de Berlin à la COP21 de Paris

La première COP s’est tenue en 1995 à Berlin, après l’entrée en vigueur de la Convention en 1994. La COP s’est depuis réunie chaque année, conformément à ses statuts (article 17), sauf en 2020, en raison de l’épidémie de COVID.

Le premier texte d’application de la Convention a été le Protocole de Kyoto, adopté en 1997. Ce Protocole fixait un cadre contraignant pour les pays industrialisés qui devaient réduire de 5% leurs émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2008-2012. Le reste du monde n’était soumis à aucun engagement.

Pour faciliter l’atteinte des objectifs au moindre coût, le Protocole de Kyoto introduisit des mécanismes de flexibilité basés sur la tarification du CO2 : il autorisait l’échange de quotas d’émissions entre pays de l’Annexe B et celui de crédits d’émission au titre de deux mécanismes de projet.

Couvrant moins de la moitié des émissions mondiales, le Protocole de Kyoto n’avait aucune chance de conduire, dans sa version initiale, à une stabilisation du stock atmosphérique de gaz à effet de serre. L’idée de ses promoteurs était de graduellement intégrer les pays hors Annexe B dans les engagements de réduction, en commençant par les grands émetteurs du monde émergent.

En 2009, la COP15 de Copenhague a échoué à élargir le Protocole de Kyoto, en raison de la vive opposition des pays émergents. La conférence de Copenhague s’acheva sur un simple accord politique appelant à la recherche de voies nouvelles pour mettre en application les principes de la Convention de 1992.

La négociation climatique multilatérale est alors entrée dans une phase de turbulences. Les négociateurs ont mis cinq ans à s’entendre sur un nouveau texte d’application de la Convention. Ce texte a pu finalement être adopté en 2015 à la COP21. Il s’agit de l’Accord de Paris.

L’architecture de l’Accord de Paris

L’Accord de Paris précise en premier lieu l’objectif climatique de long terme de la Convention. Il vise à maintenir le réchauffement nettement en dessous de 2°C et recommande d’accroître les efforts pour de ne pas dépasser 1,5°C. Pour y parvenir, l’Accord précise à l’article 4 que la neutralité climatique, définie comme une égalisation entre les émissions brutes de gaz à effet de serre et les absorptions par les puits, doit être atteinte le plus rapidement possible à partir de 2050.

Pour viser cette neutralité, l’Accord introduit une démarche de type ascendant, dans laquelle chaque « partie » doit déposer sa propre contribution nationale dans le registre tenu par les Nations Unies. Le premier jeu de contribution a été déposé dès 2015, au moment de la COP21. Pour s’assurer de l’intégrité de ces contributions, l’Accord comporte une série de dispositions devant assurer la transparence et l’harmonisation des méthodes. Ce dispositif dit de MRV (« Monitoring, Reporting, Verfication »), devrait conduire l’ensemble des pays à rapporter régulièrement auprès des Nations-Unies, alors que le Protocole de Kyoto n’y obligeait que les pays de l’Annexe B.

Si toutes les parties sont appelées à participer aux réductions d’émission, les différents pays ne sont pas logés à la même enseigne. L’Accord de Paris précise les obligations des pays riches. En particulier il stipule que ces pays doivent accroître les transferts financiers destinés à l’action climatique dans les pays moins avancés, en visant des transferts annuels d’au-moins 100 milliards de dollars par an à partir de 2020.

L’article 6 encourage enfin les parties à accélérer leurs efforts de réduction en utilisant notamment des instruments économiques basés sur la tarification carbone. Malgré son importance, cet article est jusqu’à présent resté lettre morte. Les négociateurs ne sont pas parvenus à s’entendre pour lui donner une traduction opérationnelle.

L’Accord de Paris impose enfin un calendrier aux parties. Une bilan global doit être réalisé tous les cinq ans, afin d’évaluer les progrès réalisés. Retardée d’un an, la COP26 s’inscrit dans ce calendrier quinquennal. Elle doit enregistrer le premier jeu de contributions nationales révisées avant le premier bilan quinquennal programmé pour 2023.

COP de Glasgow : quatre enjeux principaux

À l’approche de la COP26, les déclarations sur la neutralité se sont multipliées. Viser la neutralité vers le milieu du siècle, c’est bien, mais pas trop engageant tant qu’on n’a pas décliné l’objectif en une cible contraignante d’ici 2030.

D’après le bilan établi à la veille de la conférence par le secrétariat de la Convention(1), la pleine réalisation des contributions nationales déposées avant la conférence conduirait à des émissions de 55 Gt de CO2eq en 2030. C’est certes 3,6 Gt de moins (- 6,2%) que celles déposées en 2015. Cela reste bien trop (d’environ 26 Gt pour viser 1,5°C et 12 Gt pour 2°C) pour se mettre sur le chemin de la neutralité. L’étude annuelle Emission Gap du Programme des Nations unies pour l'environnement (UNEP en anglais)(2) confirme le diagnostic en le déclinant par pays.

Émissions de gaz à effet de serre COP26

Dernier bilan du secrétariat de la Convention avant la COP26

Le premier enjeu de Glasgow sera donc de rendre possible un rehaussement de ces contributions. Pour y parvenir, plusieurs conditions devraient être remplies. La première concerne l’effort financier à destination des pays moins avancés au titre de la solidarité climatique. D’après les derniers pointages de l’OCDE(3), il manquerait 20 milliards sur les 100 milliards de dollars de transferts annuels qui doivent faciliter le financement de l’action climatique dans les pays moins avancés. Or la grande majorité de ces pays ont conditionné une partie de leurs contributions nationales à l’obtention de tels financements.

Le deuxième enjeu de la COP est donc de mobiliser plus de financements internationaux pour combler le déficit actuel. La meilleure façon de combler ce déficit serait de créer une ressource dédiée à ces financements. Les pays qui, à l’image de l’Union européenne, ont mis en place un système de quotas d’émission pourraient par exemple s’interconnecter et allouer une partie des recettes collectées au Fonds Vert géré par les Nations unies. Ce serait une façon innovante de donner une traduction opérationnelle à l’article 6 sur les instruments économiques, le troisième enjeu de Glasgow. Un enjeu primordial, car nombre de contributions affichées risquent de rester virtuelles sans instruments économiques facilitant leur réalisation.

Un moyen de combler le retard pris dans les réductions d’émission serait d’agir sur les émissions de méthane, le deuxième gaz à effet de serre d’origine anthropique après le CO2. C’est le quatrième enjeu de Glasgow. Du fait de sa durée de séjour relativement courte dans l’atmosphère (12 ans en moyenne), toute réduction d’émission de méthane a un effet rapide sur le stock et donc sur les températures moyennes. D’après l’UNEP, une action précoce de réduction de ces gaz permettrait de réduire de 0,3°C la température moyenne en 2050.

Que peut-on raisonnablement attendre ?

Dans la chorégraphie propre aux sommets climatiques, l’impression est donnée qu’une brochette de chefs d’État, qui se rencontrent le temps de faire une belle photographie, aurait le pouvoir de décider du scénario climatique dans lequel le monde va s’engager.

La réalité est bien différente. L’essentiel de l’action climatique ne se décide pas lors des conférences. Elle se construit entre les conférences, notamment lors de leur préparation. Le temps n’a pas manqué pour préparer la COP26 en raison du report d’un an du sommet climatique. A-t-il été mis à profit pour mieux préparer le sommet ?

Sous l’angle géopolitique, l’élection de Joe Biden a permis le retour des États-Unis dans la négociation onusienne avec une contribution nationale fortement réévaluée. Mais la mise en œuvre du plan Biden sur le climat se heurte à beaucoup d’oppositions internes au Congrès. Par ailleurs, les tensions croissantes avec la Chine n’ont pas permis de créer un axe sino-américain à l’amont de la COP26, du type de celui qui avait rendu possible l’adoption de l’Accord de Paris en 2015.

Par ailleurs, la tension récente sur les marchés énergétiques a rappelé le niveau de dépendance de l’économie mondiale aux sources d’énergie fossile. Sa gestion à court terme a conduit, dans une logique du « chacun pour soi », à une mobilisation accrue des moyens de production les plus émetteurs de CO2. Elle risque de ralentir les plans de désinvestissement à l’égard de ces outils (quand ils existent !). Elle révèle aussi les oppositions entre ceux qui ont intérêt à ralentir la sortie des énergies fossiles et ceux qui participent au mouvement. La gouvernance actuelle de la COP ne permet guère de gérer ces contradictions.

En contrepoint, deux moteurs vont continuer d’agir favorablement. Sous l’angle économique, la triple baisse des coûts des énergies renouvelables à la production, du stockage de l’électricité et de la gestion intelligente des réseaux, constitue un puissant facteur d’accélération. Sous l’angle politique, la question climatique s’impose de plus en plus au cœur des débats publics, notamment du fait de la mobilisation des jeunes générations.

Ce double moteur a peu de chance de faire des miracles à la COP26. Après la clôture de la conférence, il continuera en revanche à exercer une pression croissante en faveur de l’accélération de l’action climatique dans le monde.

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Commentaire

samuel gibon

Il faut attendre quelquechose de la COP 26 et agir en conséquence. Il faut sauver la planète et arrêter de consommer, de consommer et encore de consommer des energies fossiles ( gaz petrole et charbon) qui en rejettant du CO2 dans l'atmosphère rechauffe la planète. La trajectoire climat doit revenir à +1.5degres et nous devons developper le mix technologique ( nucléaire: renouvelable). Je pense veritablement que nous pouvons le faire et le faire globalement. L'avenir de la planèté passe par la "sobriété climatique" et par la sobriété energetique. tout le monde peut faire un bilan carbone et connaitre le taux de CO2 qu'il rejette dans l'atmosphère donc oui agissons et definissons des critère de surété pour la climat de la planète.

Philippe

Que faut il attendre de décideurs qui viennent en jet privé même pour 50 Km?

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