Réserves de pétrole dans le monde

Les réserves prouvées de pétrole été multipliées par 2,3 dans le monde lors des 30 dernières années. (©Apache Corporation)

À RETENIR
  • Les « réserves » de pétrole désignent le plus souvent les réserves dites « prouvées » ou « 1P », soit l’ensemble des quantités de pétrole que l'on est sûrs de pouvoir extraire (à au moins 90 %).
  • Les 3 pays disposant des importantes réserves de pétrole au monde sont le Venezuela, l’Arabie saoudite et le Canada. Les réserves vénézuéliennes et canadiennes sont toutefois constituées de réserves d’hydrocarbures non conventionnels coûteuses à exploiter, contrairement aux réserves saoudiennes.
  • A l’heure actuelle, aucune organisation indépendante n’a le mandat de contrôler l’exactitude des réserves annoncées par les compagnies pétrolières et les États.
  • Les hydrocarbures non conventionnels obligent à revoir la notion de « réserves ». 

Définition et catégories

Par réserves de pétrole, on entend les volumes de pétrole récupérables dans des gisements exploités ou pouvant l’être au vu des critères techniques et économiques actuels. Ces réserves peuvent donc fluctuer, comme les réserves de gaz naturel, en fonction de la disponibilité des moyens techniques permettant l’exploitation des hydrocarbures et en fonction des cours du pétrole (avec un décalage dans le temps, les cours déterminant les investissements en exploration).

Lorsqu’il est question de réserves de pétrole dans les bilans statistiques, il est le plus souvent fait référence aux réserves dites « prouvées », c’est-à-dire celles que l’on est « sûrs » (à 90%) de pouvoir extraire. A fin 2015, ces réserves sont estimées dans le monde à près de 1 698 milliards de barils(1), soit l’équivalent d'environ 51 ans de production mondiale au rythme actuel (durée théorique car la production des gisements diminue au fil du temps(2)).

Notons qu’il existe toujours des incertitudes sur le volume des « réserves ». C’est pour cette raison que les notions de « 1P », « 2P » ou « 3P » ont été introduites.

Fonctionnement technique ou scientifique

Classification des réserves de pétrole

Il existe différents types de « réserves » :

  • les réserves prouvées dites « 1P » qui désignent l’ensemble des quantités de pétrole dont l'existence est établie et dont les chances de récupération et de rentabilisation(3) sont d'au moins 90 %. C’est à ces réserves que l’on se réfère en général, notamment dans les publications statistiques. Les compagnies pétrolières utilisent cette valeur lorsqu’elles veulent être certaines de rentabiliser leurs investissements ;
  • les réserves dites « 2P » (prouvées + probables) qui comptabilisent, pour un gisement identifié, les quantités de pétrole ayant une probabilité égale ou supérieure à 50 % d'être économiquement exploitables ;
  • les réserves dites « 3 P » (prouvées + probables + possibles) qui désignent le volume maximum du pétrole qui pourrait être extrait d’un gisement. Cette limite supérieure inclut toutes les ressources qui ont une probabilité supérieure à 10 % d'être économiquement exploitables.

Les réserves prouvées ont un impact sur la vie économique des sociétés pétrolières car elles influent directement sur leur valorisation boursière(4). Des entreprises de consulting sont payées par les entreprises pétrolières pour « certifier » leurs réserves. Certains analystes dénoncent les conflits d’intérêt potentiels induits par ce système.

Répartition des réserves de pétrole

Les cinq pays disposant des plus importantes réserves prouvées de pétrole au monde à fin 2015 sont :

  • le Venezuela avec 300,9 milliards de barils de pétrole, soit 17,7% des réserves prouvées mondiales ;
  • l’Arabie saoudite avec 266,6 milliards de barils (15,7%) ;
  • le Canada avec 172,2 milliards de barils (10,1%) ;
  • l’Iran avec 157,8 milliards de barils (9,3%) ;
  • l’Irak avec 143,1 milliards de barils (8,4%).

Précisons toutefois qu’il existe de nombreux types de pétrole (en matière de densité, de viscosité, etc.) dont le coût d’extraction varie fortement : la grande majorité des réserves vénézuéliennes et canadiennes est ainsi constituée d’hydrocarbures non conventionnels (huiles extra-lourdes au Venezuela, sables bitumineux au Canada) dont l’extraction est bien plus coûteuse que celle du pétrole brut « conventionnel » extrait en Arabie saoudite.

Le Venezuela n’est d’ailleurs que le 10e producteur mondial de pétrole. Il n’existe ainsi pas de relation directe entre le volume des réserves et le niveau de production (sauf dans les pays de l’OPEP lorsqu'ils se fixent des plafonds de production en fonction de leurs réserves annoncées).

Répartition en pourcentage des réserves prouvées de pétrole dans le monde à fin 2015

Répartition en pourcentage des réserves prouvées de pétrole dans le monde à fin 2015, d'après les données du BP Statistical Review (©Connaissance des Énergies)

Les réserves de pétrole dit « conventionnel » sont concentrées dans un petit nombre de gisements présentant des conditions géologiques favorables pour piéger le pétrole formé(5). Les réserves d’hydrocarbures non conventionnels sont pour leur part bien mieux réparties dès lors qu’elles se situent dans la roche-mère et ne nécessitent pas de « piège à pétrole » géologique.

Estimation des réserves de pétrole

Plusieurs étapes sont nécessaires pour évaluer les réserves d’un gisement :

  • l’imagerie sismique permet de définir la taille du gisement ;
  • des forages d’exploration permettent d’effectuer des estimations sur le volume d’hydrocarbures en place dans ledit gisement ;
  • des tests de production permettent d’évaluer la part de ces hydrocarbures qui va pouvoir être extraite grâce à des capteurs positionnés dans le puits foré qui mesurent entre autres la pression, la température ou encore le pH dans le gisement.

Chacun des paramètres du gisement (porosité de la roche-réservoir, perméabilité, etc.) est sujet à une incertitude plus ou moins forte, ce qui explique les très importantes variations entre les réserves « 1P », « 2P » et « 3P ». Des puits supplémentaires dits « de délinéation » permettent de préciser ces paramètres avant que soit prise la décision de mise en production. C’est lors de cette phase de « go »/ « no go » que les cours du pétrole sont pris en compte. En 2015 et en 2016, un certain nombre de gisements sont ainsi mis en attente, compte tenu du faible prix du pétrole.

Sur un périmètre donné, les réserves sont calculées en additionnant les réserves de tous les gisements sur le territoire considéré (principe de « bottom up »)(6). Les réserves d’un pays ou d’une compagnie pétrolière sont recalculées chaque année en soustrayant les quantités déjà produites, en ajoutant les volumes découverts par l’exploration et en révisant les estimations des réserves des gisements en production ou susceptibles de l’être.

Contrôle des réserves de pétrole

A l’heure actuelle, aucune organisation indépendante n’a le mandat de contrôler l’exactitude des réserves annoncées (bien que des audits puissent être réalisés par des géologues indépendants).

La Society of Petroleum Engineers (SPE) a toutefois mis en place des règles communes pour que les sociétés pétrolières calculent leurs réserves en se conformant aux exigences de la SEC (Securities and Exchange Commission). Certaines compagnies pétrolières privées ont surévalué leurs réserves dans le passé afin de valoriser leurs actifs. Entre 1997 et 2002, le groupe Shell a par exemple gonflé ses réserves annoncées de 23% et a été condamné par la SEC à une amende de 120 millions de dollars(7).

L’annonce de réserves peut reposer sur des considérations politiques ou stratégiques. 

Les compagnies d’État (qui disposent plus ou moins de 80% des réserves prouvées dans le monde) fonctionnent uniquement sur un mode déclaratif. Les observateurs regardent en particulier avec méfiance les réserves des pays de l’OPEP. En effet, le système de plafond de production (établi pour chaque pays membre en fonction de ses réserves) incite ces États à surestimer leurs réserves. Entre 1986 et 1987, une réévaluation généralisée de 250 milliards de barils avait ainsi eu lieu dans les pays de l’OPEP lors de la mise en place des quotas de production.

L’annonce de réserves peut ainsi reposer sur des considérations politiques ou stratégiques. Certains analystes soupçonnent par exemple que des pays puissent annoncer leurs réserves « 2P » en les faisant passer pour leurs réserves prouvées (« 1P »). Notons que les réserves de l’Arabie saoudite ont un niveau constant depuis plus de 20 ans malgré une production proche de 10 millions de barils par jour.

Enjeux par rapport à l'énergie

Évolution des cours

La baisse des cours entre mi-2014 et fin 2016 a limité les investissements en exploration (Total a par exemple réduit son budget dédié à l’exploration de 30% en 2015) ainsi que l’exploitation de gisements moins accessibles qui ne sont par exemple rentables qu’aux alentours de 100 $ par baril (offshore profond, pétroles lourd du Canada, etc.). Aux États-Unis, on estime que les ressources de pétrole de roche-mère sont économiquement exploitables à partir de 35 à 80 $ par baril selon les zones, les producteurs se rabattant sur les gisements les plus intéressants (dits « sweetspots »).

Lors d’une baisse des cours du pétrole, les réserves ne sont pas directement revues à la baisse mais elles diminuent mécaniquement à moyen terme puisque le manque d’investissements en exploration ne permet pas de renouveler les stocks disponibles. 

Calcul des réserves non conventionnelles

Les hydrocarbures non conventionnels obligent à revoir drastiquement la notion de « réserves ». Les méthodes de la SPE et de la SEC s’appliquent bien aux gisements conventionnels mais pas au cas des roches-mères dans lesquelles des hydrocarbures sont contenues sous forme diffuse(8). On ne peut alors raisonner qu’en termes de volume en place (la seule notion vraiment géologique) et les réserves sont plus difficiles à estimer.

Pic pétrolier

Au cours des 20 dernières années, les réserves prouvées de pétrole ont augmenté de 52% selon BP. Le monde aurait déjà consommé près de 1 300 milliards de barils dans le passé, soit légèrement moins que les estimations des réserves prouvées actuelles. Lorsque le volume de ces réserves restantes sera inférieur au volume de pétrole historiquement extrait, la production mondiale de pétrole pourrait décroître selon la théorie du pic pétrolier.

Cette théorie repose sur les travaux statistiques du géologue Marion King Hubbert qui avait prédit en 1956 (dans l’un de ses deux scénarios) que la courbe de production américaine de pétrole allait atteindre un pic en 1971. Ce pic a effectivement été atteint cette année-là : après 1971, la production américaine a ensuite décliné jusqu’en 2007, année depuis laquelle l’exploitation des pétroles de schiste et de l’ultra-deep offshore du golfe du Mexique a fortement augmenté la production américaine, remettant ainsi en cause le principe du « pic ».

Certains observateurs estiment actuellement que l’exploitation des hydrocarbures de roche-mère, du pétrole offshore et en Arctique vont ajouter des réserves significatives de pétrole.

Acteurs majeurs

Les États sont les propriétaires des réserves de pétrole présentes sur leur territoire et dans les fonds marins n’excédant pas une distance de 200 milles marins (370,4 km) de leurs côtes, à l’exception des États-Unis où ce sont les propriétaires du sol qui sont propriétaires du sous-sol.

Les groupes disposant des plus importantes réserves de pétrole sont les sociétés nationales PDVSA et Saudi Aramco.

Certains créent des compagnies pétrolières d’État pour exploiter leurs hydrocarbures. Les groupes disposant des plus importantes réserves de pétrole sont les sociétés nationales PDVSA au Venezuela et Saudi Aramco en Arabie saoudite(9).

Même dans les pays « ouverts » (dans lesquels des compagnies étrangères et privées peuvent explorer et produire), ce sont les États qui accordent les licences sur des concessions et qui fixent leurs règles. En Norvège, en cas de découverte lors de l’exploration d’un block attribué, une compagnie privée doit concéder la moitié du block à la société nationale Statoil qui lui rembourse la moitié des frais d’exploration. Roland Vially, géologue chez IFP Energies nouvelles, fait ainsi une analogie avec une loterie dans laquelle seuls les billets gagnants seraient rachetés.

Parmi les autres acteurs importants, citons la SPE et la SEC ainsi que l’USGS (équivalent américain du BRGM) et l’AIE qui analysent l’état des réserves pétrolières.

Unités de mesure et chiffres clés

Estimation de la durée des réserves par type de ressource(10) 

  • Pétrole : environ 51 ans et demi au rythme de production actuel  
  • Gaz : environ 53 ans
  • Charbon : environ 114 ans
  • Uranium : environ 100 ans (sur la base des réacteurs de 2e et de 3e génération, des milliers d’années dans le cas d’une industrialisation des surgénérateurs)

Répartition géographique

Les réserves de pétrole sont inégalement réparties dans le monde : le Moyen-Orient dispose de 47,3% des réserves mondiales de pétrole à fin 2015 (cette zone compte pour 32,4% de la production mondiale de pétrole en 2015). 

Répartition des réserves de pétrole dans le monde

Évolution des réserves de pétrole par zone géographique en 1994, 2004 et 2014 (©Connaissance des Énergies)

Passé et présent

Le rythme des découvertes, en particulier des gisements conventionnels géants, s’est ralenti au cours des dernières années. Lors des 30 dernières années, les réserves prouvées ont toutefois été multipliées par 2,3 dans le monde alors que la production n’augmentait que de 1,55. Cela est principalement dû à la prise en compte d’hydrocarbures non conventionnels (huile lourde et extra-lourde du Venezuela et une partie des sables bitumineux du Canada).

L’innovation technologique permet à l’exploration pétrolière de découvrir des réserves plus difficiles d’accès. Aujourd’hui, près de 2/3 des nouvelles découvertes sont des réserves offshore. Les nouvelles techniques de forage (forage horizontal, fracturation hydraulique) permettent d’augmenter le volume des réserves mondiales de pétrole.

Futur

Les cours du pétrole conditionneront les futurs investissements en exploration et donc le volume des nouvelles réserves. Malgré la certitude de futurs progrès technologiques, il reste difficile de définir précisément et incontestablement le potentiel des réserves de pétrole à moyen ou à long terme. « Évaluer les réserves d'un champ de pétrole est comme essayer de deviner le stock d'un entrepôt en regardant par le trou de la serrure » estime Olivier Appert(11).

Concrètement

Le taux de récupération du pétrole (20% à 40% du pétrole présent dans le gisement) est aujourd’hui bien inférieur à celui du gaz (environ 60%). Il est possible d’avoir recours à des techniques de récupération assistée des hydrocarbures pour augmenter ce taux (ce qui engendre une hausse du coût de production et exige de calculer si la production supplémentaire permettra de rentabiliser cet investissement).

Le saviez-vous ?

Les couches terrestres contenant de la matière organique enfouies à plus de 2 500 mètres de profondeur représentent des volumes considérables. Quand on va directement à la source (roches-mères), les volumes estimés d’hydrocarbures sont astronomiques et pourraient tout à fait se chiffrer en milliards de milliards de barils.

dernière modification le 15 décembre 2016

Sources / Notes
  1. Un baril équivaut plus ou moins à 159 litres.
  2. Un réservoir pétrolier ne se comporte pas comme un réservoir de voiture qui permet au véhicule de rouler à 130 km/h jusqu’à la dernière goutte. Après une phase de production de plateau (souvent brève), la production d’un gisement diminue, de façon plus ou moins rapide suivant les caractéristiques pétrophysiques du gisement. En l’absence de nouvelles découvertes ou de gains de production, on ne pourrait par conséquent pas produire les réserves au rythme de notre consommation. Ce calcul peut même aboutir à des valeurs paradoxales : si la production chute plus vite que les réserves, la durée potentielle de production s’allonge même si la demande n’est plus satisfaite.
  3. Dans le cadre des données techniques et économiques actuelles.
  4. Une société souhaitant être présente sur les marchés financiers à New York doit se plier aux règlements de la SEC qui rend obligatoire la divulgation des réserves prouvées.
  5. Par exemple, le seul champ de Hassi Messaoud contiendrait à lui seul près de 80% des réserves de pétrole du Sahara algérien.
  6. Un forage d’exploration aboutit à une mise en exploitation environ 1 fois sur 6. C’est à ce moment seulement que l’on peut comptabiliser les réserves prouvées.
  7. « La face cachée du pétrole », Eric Laurent
  8. Les caractéristiques pétrophysiques sont artificiellement créées par la fracturation hydraulique. Pour connaitre les ressources d’hydrocarbures non conventionnels récupérables, on calcule le nombre de puits que l’on peut implanter sur une zone donnée (un permis, un comté, un bassin) et on obtient alors un chiffre de ressources récupérables (« EUR ») improprement assimilées à des réserves.
  9. A titre de comparaison, parmi les « supermajors », ExxonMobil annonce à fin 2014 disposer de 25,3 milliards de barils équivalent pétrole (pétrole et gaz inclus), dont 54% d’hydrocarbures liquides.
  10. Saudi Aramco déclare disposer de 261,1 milliards de barils de réserves (brut et condensats) selon ses dernières données portant sur l’année 2015, soit un peu plus de 15% des réserves mondiales de pétrole.
  11. Délégué général de l’Académie des technologies et ancien président d’IFP Energies nouvelles

 

« Le dernier siècle du pétrole ? La vérité sur les réserves mondiales », Yves Mathieu, Editions Technip (2011)
Travaux de Roland Vially, géologue à IFPEN
Qu’est-ce qu’une réserve de pétrole ? Manicore 
« Les réserves de pétrole : entretien avec Roland Vially », août 2013, IFP Energies nouvelles 
Rapports sur les réserves mondiales de pétrole, OPEP 

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