Située dans l’ouest de l’Allemagne, la centrale de Weisweiler comprend quatre unités au charbon d’une puissance cumulée de 1,8 GW. (©RWE)
En Allemagne, la commission « croissance, changement structurel et emploi » a remis son rapport définitif(1) le 26 janvier. Elle y propose que la production d’électricité à partir du charbon soit arrêtée d’ici à fin 2038 (et si possible dès 2035). Explications.
Près de 20 ans pour sortir du charbon
En 2018, le charbon (lignite et houille réunis) a compté pour près de 38% de la production allemande d’électricité(2). Selon la commission mise en place en juin 2018 par Angela Merkel pour préciser les contours d’une « sortie du charbon », il est possible pour l’Allemagne de se passer de ce combustible à l’horizon 2038 (si possible d'ici à 2035). La commission, composée entre autres de représentants politiques, de l’industrie, de syndicats et de la société civile, a approuvé à la quasi-unanimité (une opposition sur 28 votants(3)) le rapport final de 336 pages.
La commission y propose, dans un premier temps, de réduire d’ici à fin 2022 de plus de 12,5 GW la puissance totale du parc allemand de centrales à charbon (qui avoisine actuellement 42,6 GW)(4). Entre 2023 et fin 2030, les arrêts de centrales au charbon devraient se poursuivre à un niveau assez similaire (portant ainsi à près de 17 GW la puissance cumulée du parc charbon à fin 2030)(5).
La commission indique que sa feuille de route devra faire l’objet d’examens réguliers (en 2023, 2026 et 2029) par des experts indépendants afin de tenir compte des évolutions du système électrique et en particulier des conséquences de la sortie du nucléaire prévue à l’horizon 2022 (cette énergie comptait encore pour 13,3% de la production électrique allemande en 2018).
Le gouvernement devrait suivre ces différentes recommandations(6) (qui n’ont pas de caractère contraignant) issues d’un compromis entre les différentes parties prenantes. Pour compenser la sortie du charbon et du nucléaire, l’Allemagne parie sur un développement massif des énergies renouvelables : le pays s’est fixé pour objectif de produire 65% de son électricité à partir de ces filières en 2030 (contre environ 40% en 2018).
La part des renouvelables dans le mix électrique outre-rhin a approximativement doublé depuis le début des années 2010. Précisons que ces données concernent uniquement l'approvisionnement d'électricité sur les réseaux publics. (©Connaissance des Énergies d’après Fraunhofer ISE)
Quel coût pour la « transition » ?
Au cours des 20 prochaines années, au moins 40 milliards d’euros d’aides fédérales sont envisagées pour accompagner la sortie du charbon dans les régions charbonnières (est et ouest de l’Allemagne). Des négociations vont avoir lieu avec les exploitants de centrales (« plus les centrales seront arrêtées tardivement, plus la compensation sera faible »). Aux premiers rangs de ces exploitants(7) figure RWE qui juge pour sa part « raisonnable de réexaminer en 2032 » la date de sortie du charbon(8).
La commission appelle par ailleurs à préserver les consommateurs allemands (entreprises et ménages) de la hausse des prix de l’électricité associée à une sortie « accélérée » du charbon. Elle estime à ce titre qu’« une subvention d’au moins 2 milliards d’euros par an est nécessaire pour compenser cette augmentation ». Les ménages allemands sont d’ores et déjà les Européens qui paient leur électricité le plus cher après le Danemark : 0,30 €/kWh au 1er semestre 2018 selon les dernières données d’Eurostat, soit 70% de plus qu’en France(9).
La sortie du charbon en Allemagne sera donc difficile et coûteuse, reconnaît la commission, mais nécessaire en vue de réduire les émissions allemandes de gaz à effet de serre. L’an dernier, le gouvernement avait reconnu son incapacité à atteindre l'objectif de 40% de réduction des émissions nationales d’ici à 2020 (par rapport à 1990)(10).
Le coût associé aux réseaux électriques est particulièrement élevé en Allemagne, notamment en raison du raccordement onéreux des parcs éoliens offshore. (©Connaissance des Énergies d’après Eurostat)