Réservoir de stockage du gaz au Kansas (©photo)
Définition et catégories
Avant d’être acheminé jusqu'au consommateur final, le gaz naturel transite par des sites de stockage installés près des gisements ou des zones de consommation.
Le stockage du gaz permet de répondre aux attentes des producteurs et des consommateurs. En stockant une partie du gaz extrait, les producteurs garantissent de pouvoir livrer des volumes stables de gaz tout au long de l’année. Pour les consommateurs, le stockage du gaz garantit un approvisionnement continu. Ainsi le gaz circulant vers les zones de consommation n’est pas forcément utilisé tout de suite. Il peut alors être stocké pour être réutilisé dès que la demande le justifie.
Le gaz naturel est stocké dans des réservoirs conçus à cet effet dans des sites de stockage dits « aériens » ou dans des sites de stockage dits « souterrains ».
Aujourd’hui, le stockage du gaz naturel constitue un maillon logistique incontournable pour assurer l’équilibre énergétique d’un pays.
Fonctionnement technique
Plusieurs méthodes permettent de stocker le gaz dans des sites aériens ou souterrains.
Le stockage aérien
Le stockage aérien ne nécessite pas de conditions géologiques particulières :
- les réservoirs de gaz : ils sont utilisés pour stocker le gaz à pression atmosphérique. Ils se présentent sous forme de réservoirs cylindriques. Leur capacité de stockage est comprise entre 500 et 10 000 m3 ;
A l'état liquide, le gaz naturel occupe 600 fois moins de volume qu'à l'état gazeux.
- les réservoirs de GNL : ils sont utilisés pour stocker le gaz à pression atmosphérique à l’état liquide. A environ -161°C, le gaz naturel se condense pour devenir un liquide, le gaz naturel liquéfié (GNL). Celui-ci occupe près de 600 fois moins de volume qu’à l’état gazeux. Les réservoirs GNL sont des réservoirs cylindriques verticaux installés près des terminaux méthaniers pour réceptionner et stocker le GNL acheminé par navires méthaniers. Ces réservoirs métalliques ou en béton ont une double paroi et une isolation thermique puissante afin de maintenir le gaz à l’état liquide.
Le stockage souterrain
Privilégié par de nombreux pays lorsqu’il est possible, le stockage souterrain représente le moyen technique le plus efficace et le plus économique pour répondre aux fluctuations de la demande en gaz. Il est également considéré comme un moyen sûr en matière de sécurité publique et de respect de l’environnement.
Un stockage aérien, pour un usage similaire, nécessite des installations sur plusieurs hectares avec des risques d’accidents accrus. Les types de stockage souterrain dépendent des structures géologiques disponibles :
- les gisements épuisés (dits « déplétés ») : du gaz sous pression est injecté dans d’anciens gisements d’hydrocarbures naturellement imperméables, qui sont reconvertis pour le stockage. Cette méthode permet de stocker efficacement le gaz. Le soutirage du gaz est un flux continu avec peu de flexibilité et un rythme faible ;
- les nappes aquifères : la technique du stockage en nappes aquifères consiste à reconstituer l’équivalent géologique d’un gisement naturel en injectant le gaz dans une couche souterraine de roche poreuse contenant de l’eau et recouverte d’une couche imperméable formant une couverture étanche, le tout ayant une forme de dôme. Le gaz injecté sous pression emplit le volume de la cavité non occupé par l’eau en poussant celle-ci vers la périphérie du réservoir. Tout comme les gisements épuisés, certaines contraintes géologiques rendent le soutirage moins flexible. Une quantité de l'ordre de la moitié du gaz stocké reste à demeure dans le stockage : c’est le « gaz coussin » ;
- les cavités salines : la technique du stockage en cavités salines consiste à créer par dissolution à l’eau douce (lessivage) une cavité souterraine artificielle de grande taille (entre 100 000 et 1 million de m3) dans une roche sédimentaire composée de sel gemme (des cristaux de chlorure de sodium). L’imperméabilité naturelle du sel gemme permet le stockage du gaz. Le soutirage étant plus flexible, les cavités salines sont utilisées pour répondre à la demande notamment lors des pics de froid. Le débit du gaz est 5 à 6 fois plus important que celui des autres types de stockage souterrain.
Dans les stockages souterrains, le gaz est injecté sous pression (entre 40 et 270 bars). Cela facilite en retour le soutirage du gaz.
Le stockage en nappes aquifères et en cavités salines requiert en amont des travaux de prospection géologique coûteux dont il n’est pas certain qu’ils aboutissent à une recommandation ferme. Les travaux d’exploration et de mise en fonctionnement durent en moyenne 4 ans contre 2 ans pour un réservoir épuisé.
Enjeux par rapport à l'énergie
Le stockage du gaz permet de livrer des volumes stables de gaz tout au long de l’année.
Essentiel pour garantir un approvisionnement et une consommation continue, le stockage du gaz répond à d’importants enjeux :
- le stockage du gaz joue un rôle stratégique car il permet de pallier les défaillances techniques ou politiques des fournisseurs. Cette fonction est particulièrement importante dans le cas d’une forte dépendance énergétique d’un pays vis-à-vis d’un petit nombre de producteurs ;
- le stockage du gaz permet d’équilibrer les approvisionnements, relativement constants au cours de l'année, et les besoins en gaz naturel qui varient fortement suivant les saisons. Ainsi, il est rempli pendant les mois de sous-consommation (en été) et vidé pendant les mois de surconsommation (en hiver). En modulant les flux gaziers dans le temps selon l’offre et la demande, le stockage devient un complément essentiel au transport du gaz. Il participe ainsi à l’optimisation de l’ensemble de la chaîne d’exploitation du gaz ;
- le stockage du gaz permet aux producteurs, transporteurs et distributeurs d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande à un coût plus avantageux. Ils peuvent décider de stocker le gaz lorsque son prix est faible et le revendre ensuite lorsque le prix est plus élevé.
Acteurs majeurs
- Placés près des zones d’exploitation, les sites de stockage permettent aux compagnies productrices de gaz de répondre à leurs objectifs de livraison. Premier producteur mondial de gaz, la compagnie russe Gazprom possède d’importants sites de stockage lui permettant d’assurer un approvisionnement continu et indépendant des problèmes liés aux capacités d’extraction et aux conditions climatiques.
- Placés près des zones de consommation, les sites de stockage permettent aux fournisseurs de gaz de gérer le taux d’utilisation du réseau de transport et de distribution tout en répondant efficacement à la demande. Fournisseur européen de gaz, le groupe français Engie acquiert le gaz auprès de tiers et l’achemine ensuite vers les zones de consommation. Par l’intermédiaire de sa filiale Storengy, le groupe est, en Europe, le 1er vendeur de capacités de stockage et dispose de la 2e capacité de stockage (plus de 14 milliards de m3 )(1). Les stockages souterrains détenus par Engie en France représentent 10 milliards de m3 (répartis entre 14 sites de stockage souterrain dont 9 en nappes aquifères, 4 en cavités salines et un en gisement déplété). A titre indicatif, la consommation annuelle de gaz naturel atteint 42 milliards de m3 en 2013. La filiale du groupe Total TIGF (Total Infrastructures Gaz de France) gère deux sites de stockage dans le Sud-Ouest de la France.
En accord avec la législation européenne de 2003 sur la libéralisation du marché du gaz, les capacités de stockage détenues par un opérateur doivent être mises au service de tous les fournisseurs du marché.
Unités de mesure et chiffres clés
- Les capacités mondiales de stockage souterrain sont estimées à près de 360 milliards de m3 par l'UIG (Union Internationale du Gaz)(2) en octobre 2014.
- Plus des trois quarts des capacités de stockage souterrain de gaz sont implantées au sein de gisements de gaz épuisés.
Zone de présence ou d'application
Pour les pays producteurs, le stockage du gaz constitue une étape essentielle de l’exploitation du gaz naturel. Les États-Unis disposent d'une capacité de stockage estimée à plus de 100 milliards de m3, la majorité étant des gisements épuisés. La Russie a une capacité de stockage(3) de près de 65 milliards de m3.
En Europe, les principaux pays consommateurs de gaz sont l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et la France. A fin 2013, la capacité totale de stockage de l’Union européenne est estimée(4) à 97 milliards de m3 dont plus de la moitié est située en Allemagne (23,8 milliards de m3), en Italie (16,7 milliards de m3) et en France (11,7 milliards de m3). Les gisements épuisés sont également le principal mode de stockage utilisé en Europe. Cependant, pour des raisons géologiques, la France privilégie le stockage en nappes aquifères.
Passé et présent
C’est après la Seconde Guerre mondiale que les techniques de stockage se développent, participant ainsi à l’essor de l’industrie gazière. Dès les années 1960, le stockage souterrain se généralise progressivement en Europe (notamment en Allemagne et en France) et aux Etats-Unis. Les premières cavités salines sont exploitées aux Etats-Unis. Les améliorations techniques et la connaissance de la roche favorisent le développement généralisé des cavités salines dans les années 1990.
En stockage aérien, les réservoirs de gaz à pression atmosphérique sont progressivement remplacés par des réservoirs GNL permettant de stocker de plus importants volumes de gaz.
Depuis une dizaine d’années, les réservoirs de gaz à pression atmosphérique sont remplacés par des réservoirs GNL permettant de stocker d’importants volumes de gaz. Les réservoirs GNL ont aujourd’hui une capacité de stockage comprise entre 65 000 et 150 000 m3 contre 10 000 m3 en 2004.
Les différentes crises russo-ukrainiennes provoquant des difficultés d’approvisionnement pour l’Europe ont rappelé le rôle du stockage, notamment pour les pays fortement dépendants des importations en gaz naturel.
Futur
Face à l’accroissement de la demande en gaz, le stockage joue un rôle primordial pour assurer les approvisionnements et répondre ainsi efficacement à la demande. Le développement des capacités représente un enjeu stratégique pour l’avenir du gaz dans le bouquet énergétique.
L’Union européenne a des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de développement des énergies renouvelables aux horizons 2020 et 2030. Le gaz naturel est susceptible de se développer encore pour accompagner l'essor d'énergies intermittentes (éolien, photovoltaïque). A ce titre, l'Union européenne souhaite poursuivre le développement de ses capacités de stockage gazier qui lui permettront de réduire sa fragilité vis-à-vis des pays fournisseurs.
Le saviez-vous ?
En hiver, la demande de gaz en France est 5 fois plus importante qu’en été selon Storengy. Durant cette période hivernale, le stockage du gaz permet de répondre à plus de 60% de la demande française(5). Le reste est acheminé par gazoducs et par navires méthaniers.