Tarification de l’électricité

En 2016, la production électrique française a reposé à 72,3% sur le parc nucléaire. (©photo)

Définition

Une tarification peut-être définie comme l’établissement d’un prix pour un bien/service (en conservant une marge) qui sera acquitté de façon égale par tous les consommateurs achetant ce bien dans les mêmes conditions(1). Dans le cas de l’électricité, les grands principes ayant prévalu lors de l’élaboration des tarifs dits « historiques » en France, sont :

  • l’offre doit s’adapter instantanément à la demande (selon une logique d’appel des différentes sources de production électrique dans l’ordre des coûts marginaux croissants, dite logique de « merit order ») ;
  • la demande d’électricité est aléatoire et soumise à des « effets de pointes » (niveaux de consommation élevés le matin et le soir) ;
  • la consommation est saisonnière et le prix du MWh varie selon les saisons : en été, la demande est moins forte et le MWh est peu cher (produit principalement par le nucléaire et les énergies renouvelables) ; en hiver, la demande est forte et très variable en cours de journée et le MWh est cher (la dernière centrale « appelée », qui doit pouvoir satisfaire rapidement la demande et dont le coût est plus élevé, utilise souvent des combustibles fossiles) .

La tarification de l’électricité varie selon les types de contrats proposés par les différents opérateurs (EDFEngie, Eni, etc.).

Catégories de tarifs

Les consommateurs ont le choix entre deux catégories d’offres de prix : les tarifs réglementés de vente, proposés uniquement par les fournisseurs « historiques » (EDF et entreprises locales de distribution) et les offres de marché, proposées par l’ensemble des fournisseurs (« historiques » ou alternatifs).

Les tarifs réglementés

Avant l’ouverture à la concurrence, il n’existait qu’une seule catégorie de tarif : les Tarifs Réglementés de Vente (TRV) proposés par les seuls fournisseurs historiques. Ils se distinguaient par une couleur en fonction du niveau de puissance souscrit : le tarif Bleu (puissance souscrite de 3 à 36 kVA), le tarif Jaune (de 36 à 250 KVA)(3) et le tarif Vert (puissance souscrite supérieure à 250 kVA)(4). La loi Nome du 7 décembre 2010 a mis fin aux tarifs Jaune et Vert pour les professionnels, cette suppression étant entrée en vigueur au 1er janvier 2016.

Les tarifs réglementés sont définis par les ministères en charge de l’économie et de l’énergie, sur proposition de la CRE. Ils sont révisés deux fois par an (en août et février). Depuis la loi Nome de décembre 2010, ils sont censés refléter les coûts d’approvisionnement des fournisseurs alternatifs au nom du principe de concurrence : le montant déterminé doit assurer la « contestabilité » du tarif réglementé, « c’est-à-dire leur permettre de concurrencer les TRV » selon l’Autorité de la Concurrence

Les offres de marché

Les fournisseurs historiques et les fournisseurs alternatifs proposent des offres à prix de marché. Ils sont libres de fixer le prix. Pour concurrencer les tarifs réglementés, certaines offres à prix de marché garantissent une stabilité des prix pendant la durée du contrat (avec un rabais par rapport au TRV)(5).

À fin juin 2021, 66% des près de 33,6 millions de sites résidentiels consommant de l'électricité en France étaient encore soumis aux tarifs réglementés(6).

Composantes de la tarification

Trois grandes composantes entrent en compte dans les différentes tarifications de l’électricité :  

  • la fourniture de l’électricité, qui couvre le coût de production (investissement et charges de fonctionnement : combustible, personnel, etc.), les coûts de commercialisation des fournisseurs d’électricité (publicité, marketing, gestion clientèle) et les coûts d’approvisionnement (achat d’électricité sur la marché de gros de l’électricité) ;
     
  • les coûts d’acheminement de l’électricité par les réseaux publics de transport et de distribution en France, regroupée au sein du TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité). Il couvre les coûts d’exploitation, de maintenance et de développement. Ce tarif est calculé par la CRE. Cette composante est plus importante pour un consommateur résidentiel que pour une grande entreprise (qui n’utilise que le réseau de transport) ;
     
  • les taxes et contributions : les Taxes locales sur la Consommation Finale d’Electricité (TCFE) qui dépendent du lieu d’habitation, au bénéfice des collectivités locales (commune et département)(7), la Contribution Tarifaire d’Acheminement (CTA) qui finance les retraites des employés des industries électrique et gazière, la Contribution au service public de l'énergie (CSPE) qui couvre les charges relatives aux missions de service public de l’électricité (22,5 €/MWh), et la TVA (taux de 5,5% sur l'abonnement et de 20% sur la consommation). 

Décomposition d'une facture d'électricité type en France

Chiffres clés

Ouverture du marché de l’électricité

Entre fin mars 2016 et fin mars 2017, seulement 13% de l’électricité consommée par les particuliers en France a été achetée dans le cadre d'un contrat en offre de marché (contre 6,7% entre juin 2013 et juin 2014). Le rythme d’ouverture du marché est ainsi encore relativement faible(3).

Prix de l’électricité

Au 2e semestre 2016, le prix TTC moyen de l'électricité domestique en France est de 171 €/MWh, soit près de 20% moins élevé que le prix moyen dans l’Union européenne (205 €/MWh)(4).

Système historique de tarification : les fondements théoriques

Le système historique de tarification de l’électricité mis en place par l'État en France au milieu du XXe siècle s’est construit avec une entreprise publique intégrée (production, transport et distribution), EDF, en tenant compte de deux réflexions :

  • la tarification doit intégrer les coûts réels de production, de transport et de distribution de l’électricité ;
  • elle doit envoyer un « signal prix » au consommateur final qui reflète aussi fidèlement que possible le coût subi par l’opérateur à un moment précis pour satisfaire la demande.

La tarification de l’électricité doit alors absorber les coûts fixes et variables engendrés par la demande. À ce titre, EDF met en place une tarification dite « binôme ».

Tarification binôme (non linéaire)

La tarification au coût marginal correspond au coût de production du dernier kWh produit. En principe, calculée sur le long terme, elle permet d’assurer l’optimum économique, c'est-à-dire le prix minimum qui rémunère justement le producteur et comprend le financement de ses investissements. À ces coûts marginaux de production s’ajoutent les coûts de transport et de distribution qui s’additionnent dans le tarif du consommateur final.

Pour les consommateurs industriels qui s’approvisionnent en très haute tension au bord des centrales, les coûts marginaux évoqués ci-dessus forment la totalité du coût. Seuls les coûts de transport en très haute tension (en général uniformisés) s’ajoutent à ces coûts marginaux pour fixer les prix de revente de l’électricité sur le marché « de gros »(2).

La tarification au coût marginal est utilisée par l’entreprise EDF lorsqu’elle est chargée du service public de l’électricité en quasi monopole à partir de 1946. Elle offre l‘avantage de donner une base objective de référence pour fixer le prix à des consommateurs qui ne peuvent alors pas s’adresser à d’autres fournisseurs.

Les coûts marginaux variant au long de l’année et de la journée, EDF a recours à une tarification binôme qui revient à faire payer à l’usager un prix selon deux éléments :

  • une part fixe proportionnelle à la puissance souscrite, appelée abonnement, censée couvrir le coût d’investissement et le coût de maintien en état de démarrage des centrales ;
  • une part variable proportionnelle à la quantité de kWh consommée (très proche de la tarification au coût marginal).

Ces tarifications se complexifient pour tenir compte des situations différentes entre le jour et la nuit et entre les périodes de faible consommation (été) et de forte demande (hiver).

Passé et présent

Après 2007, l’ouverture limitée du marché de l’électricité s’est d'abord expliquée par des prix de marché très volatils, pour la plupart supérieurs aux tarifs réglementés.

La Commission européenne a jugé que cette situation ne favorisait pas la libéralisation du marché de l’électricité en France et a menacé le pays de sanctions. La commission dite Champsaur a été mise en place en 2008 pour faire des propositions sur l’ouverture du marché, avant l’adoption de la loi Nome. Cette commission, composée de 4 parlementaires et 4 experts, partait du postulat suivant : les concurrents d’EDF ne peuvent rivaliser car ils ne peuvent pas produire d’électricité au coût proche du nucléaire historique. Ils ne peuvent proposer de TRV et le prix de marché, très volatil, ne favorise pas la concurrence.

Quelques propositions de la Commission Champsaur :

  • maintenir des prix réglementés pour le secteur domestique et les petites entreprises ;
  • assurer la réversibilité entre TRV et prix de marché ;
  • supprimer les tarifs réglementés pour le secteur industriel (TaRTAM compris) mais instaurer des prix réglementés pour les entrants au niveau du nucléaire historique d’EDF ;
  • les prix réglementés d’accès au nucléaire historique doivent correspondre à des coûts économiques tout en tenant compte du coût de prolongement de la durée de vie des centrales nucléaires. Ces prix doivent rejoindre le coût en développement du nucléaire en France (EPR).

Le problème principal de la libéralisation du marché électrique en France résidait alors dans le fait que le fournisseur historique EDF puisse proposer des TRV calés sur son parc de production peu coûteux (dépendant à 90% du coût du nucléaire et de l’hydraulique), et pas les fournisseurs alternatifs. Pour réduire cette différence, la solution retenue a été de permettre aux fournisseurs alternatifs de racheter à EDF une partie de sa production nucléaire à un tarif dit ARENH. Celui-ci est fixé en avril 2011 par le gouvernement à 40 euros par MWh entre le 1er juillet et le 31 décembre 2011 et à 42 euros par MWh après le 1er janvier 2012.

Les offres de marché sont aujourd'hui souvent plus compétitives que les tarifs réglementés, compte tenu des faibles prix de l'électricité sur les marchés de gros. La grande majorité des consommateurs particuliers restent toutefois fidèles aux tarifs réglementés. La suppression de ces derniers est régulièrement débattue.

dernière modification le 17 août 2017

Sources / Notes
  1. La fixation de ce prix est complexe et il existe de nombreux systèmes tarifaires dépendant, entre autres, de la typologie du marché (monopole, concurrence, etc.) et des principes « propres » au bien ou service à tarifer. La tarification de l’électricité suscite de nombreux débats en France, l'ouverture du marché à la concurrence en 2007 remettant en particulier en cause l'existence des tarifs réglementés.
  2. Définition de la CRE : le marché de gros désigne le marché où l’électricité est négociée (achetée et vendue) avant d’être livrée sur le réseau à destination des clients finals (particuliers ou entreprises).
  3. Livraison en basse tension, après paiement d’un forfait représentant une partie de l’investissement du poste de transformation. Le tarif Jaune prenait en compte 2 saisons (été, hiver), des heures pleines et des heures creuses, soit 4 prix différents du kWh.
  4. Livraison en moyenne et haute tension par un poste privé appartenant à l’entreprise utilisatrice. Le tarif Vert distinguait 4 modes d’utilisation (très longue utilisation, longue utilisation, tarif général et courte utilisation) et 5 périodes tarifaires.
  5. Au début de l’ouverture à la concurrence, le prix de marché s’avérait avantageux. Mais celui-ci a cru fortement avec la crise pétrolière et la perte d’une situation de surcapacité. Un Tarif Réglementé Transitoire d'Ajustement de Marché (TarRTAM) a été mis en place en juin 2007 pour permettre aux entreprises éligibles ayant souscrit une offre de marché de revenir à un tarif réglementé éventuellement plus avantageux. Prolongé à plusieurs reprises, ce tarif a pris fin avec l’entrée en vigueur de la loi Nome en juillet 2011 et la mise en place du dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) pour les fournisseurs concurrents d’EDF.
  6. Observatoire des marchés du 1er trimestre 2017, CRE.
  7. Depuis le 1er janvier 2016, les TCFE se déclinent en : une Taxe Communale sur la Consommation Finale d’Électricité (TCCFE) et une Taxe Départementale sur la Consommation Finale d’Électricité (TDCFE).
  8. Ibid.
  9. Eurostat.
 
« Energie : Economie et politiques », Jean-Pierre Hansen et Jacques Percebois, édition De Boeck, novembre 2010

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