A fin mars 2017, seuls 24% des foyers français consommant du gaz naturel avaient souscrit une offre de marché auprès d’un fournisseur alternatif. (©photo)
Le Conseil d’État a annulé un décret de mai 2013 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel, jugeant le maintien de ces derniers « contraire au droit européen ». Plus de 5 millions de foyers en France soumis à ces tarifs pourraient être affectés par la décision du Conseil d’État.
Rappels sur les tarifs réglementés
Jusqu’en juillet 2007, les ménages français consommant du gaz naturel ou de l’électricité étaient tous soumis aux tarifs réglementés de vente fixés par les pouvoirs publics. Depuis l’ouverture à la concurrence, ils sont libres de choisir leur fournisseur d’énergie et de souscrire s’ils le souhaitent à une offre dite « de marché » avec un prix déterminé par contrat.
Les tarifs réglementés sont encore proposés aujourd’hui par les seuls fournisseurs dits « historiques », c’est-à-dire principalement Engie pour le gaz mais aussi par un ensemble d’entreprises locales de distribution (ELD) implantées localement. Les offres de marchés sont quant à elles proposées aussi bien par les fournisseurs historiques qu’ « alternatifs ».
L’Anode (Association nationale des opérateurs détaillants en énergie), qui réunit une partie de ces fournisseurs alternatifs, s’oppose au maintien des tarifs réglementés et avait saisi le Conseil d’État en juillet 2013 pour annuler un décret du 16 mai 2013 encadrant les modalités de fixation des tarifs réglementés du gaz.
La décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État a annulé aujourd’hui le décret de mai 2013, en invoquant le fait que le maintien des tarifs réglementés du gaz était « contraire au droit de l’Union européenne ». Il suit ainsi les recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne qui avait considéré en septembre 2016 que le maintien de ces tarifs réglementés ne pouvait se justifier que s’ils répondaient entre autres à « un objectif d’intérêt économique général »(1).
Le Conseil d’État a jugé que le maintien desdits tarifs réglementés constituait « une entrave à la réalisation d’un marché du gaz naturel concurrentiel » sans poursuivre un objectif d’intérêt économique général.
Un des points sensibles de cette décision attendue (après les recommandations du rapporteur public le 7 juillet dernier) concernait la possibilité de recours contre les tarifs appliqués suite au décret de mai 2013 (entre mai 2013 et décembre 2015). Le Conseil d’État a toutefois fermé la porte à ces recours potentiels de consommateurs. Il « a pris soin de différer les effets dans le temps de sa décision », cette dernière ne sera pas rétroactive, confirme Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement
La fin des tarifs réglementés du gaz ?
Le Conseil d'État semble ainsi sonner le glas des tarifs réglementés du gaz. Selon Arnaud Gossement, la décision de la plus haute juridiction administrative, « très motivée, n’appelle pas d’autre décision ou d’autre intervention pour mettre un terme » à ces tarifs. « On imagine mal l’État ne pas tirer toutes les conséquences de cette annulation », ajoute-t-il.
L’UFC-Que Choisir plaide pour sa part encore pour le maintien de ces tarifs, jugeant qu’ils constituent « un prix plafond impossible à dépasser pour les offres de marché » et « un référentiel » pour les consommateurs »(2). Selon l’association de défense des consommateurs, ce ne sont pas tant les tarifs réglementés qui constituent « un frein à la concurrence » mais la méconnaissance des particuliers du fonctionnement du marché. L’UFC-Que Choisir appelle ainsi le gouvernement à lancer une campagne nationale d’information auprès de ces consommateurs.
Pour rappel, les tarifs réglementés ont été supprimés pour les « gros » consommateurs (grands sites industriels, grands immeubles, etc.) de façon progressive entre juin 2014 et fin 2015(3). Selon le dernier observatoire des marchés de la CRE(4), 51% des 10,7 millions de sites résidentiels consommant du gaz naturel à fin mars 2017 étaient encore soumis aux tarifs réglementés.
Répartition des consommateurs résidentiels de gaz en France par type d'offre à fin mars 2017 (©Connaissance des Énergies)
Il reste par ailleurs « délicat de tirer rapidement des conséquences de cette décision pour les tarifs réglementés de l’électricité », précise Arnaud Gossement. Le marché électrique est bien moins diversifié que celui du gaz, compte tenu de la prédominance de la production nucléaire d’EDF.