Terminal d'exportation de GNL de Sabine Pass, dans le Golfe du Mexique. (©Cheniere Energy)
Dans le contexte de la guerre en Ukraine, l'Union européenne est passée, pour son approvisionnement gazier, « d’une dépendance russe à une dépendance américaine », déplore Alexandre Joly, responsable du pôle Energie du cabinet de conseil Carbone 4(1). Avec des conséquences néfastes.
Une envolée des importations de GNL américain
En 2022, l'UE a importé 56,4 milliards de m3 (Gm3) de GNL à partir des États-Unis, soit une hausse de 153% par rapport à 2021, « ce qui implique que l'objectif de la Déclaration conjointe UE-États-Unis de mars 2022 sur la sécurité énergétique, qui prévoyait une augmentation de 15 Gm3 par rapport à 2021, a été largement dépassé »(2).
La part du GNL américain dans la consommation de gaz naturel de l'UE est passée d’environ 5% en 2021 à 20% entre mi-décembre 2022 et mi-février 2023 tandis que la part du gaz russe a chuté de 40% à 10% sur la même période, souligne Alexandre Joly.
Au 4e trimestre 2022, les États-Unis ont compté pour 36% des importations de GNL de l'UE. (©Connaissance des Énergies, d'après Carbone 4)
Un impact climatique important
Problème : cette « transition » s'accompagne d'une forte hausse des émissions de gaz à effet serre : « le gaz américain émet 20% à 45% plus de gaz à effet de serre que le gaz russe au niveau des émissions amont » selon Alexandre Joly, en raison de l'extraction aux États-Unis de gaz de schiste (qui implique la consommation de davantage d'énergie que du gaz conventionnel, du fait des forages horizontaux, de la fracturation hydraulique, etc.), des fuites de méthane et des opérations de liquéfaction du gaz et du transport sur longue distance(3).
Aux émissions de gaz à effet de serre à l'amont présentées ci-dessus s'ajoutent les émissions de combustion à l'aval qui sont de l'ordre de 190 g CO2e/kWh. (©Connaissance des Énergies, d'après Carbone 4)
Au total, cette réorientation des approvisionnements gaziers de l'UE vers le GNL américain aurait un impact de 1 à 2 Mt CO2e, estime Alexandre Joly, ce qui « revient à effacer le bénéfice climatique de l'équivalent de 10 TWh de biométhane, alors qu’en 2022, seulement 7 TWh de biométhane étaient injectés sur le réseau français ».
Le responsable du pôle Energie de Carbone 4 alerte par ailleurs sur la multiplication des terminaux de GNL en Europe, jugés « pas nécessaires du tout » : les capacités de ces terminaux pourraient s'élever au total à près de 400 Gm3 par an alors que la demande européenne de GNL est estimée entre 150 et 190 Gm3 à l'horizon 2030, précise-t-il(4).
À court terme, la demande européenne de gaz n'est toutefois « couverte contractuellement qu'à hauteur de 60% » d'ici à 2025 et Carbone 4 appelle à ce titre à accélérer la réduction des consommations de gaz fossile pour sortir de ces impasses.