Le groupe norvégien Equinor fait partie des membres de l’Oil and Gas Climate Initiative qui vise entre autres à réduire les émissions de méthane du secteur. (©Equinor-Ole Jørgen Bratland)
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié le 31 mars ses dernières estimations sur les émissions mondiales de méthane liées au pétrole et au gaz naturel(1). État des lieux.
Des émissions liées au pétrole et au gaz en hausse en 2019… et 2020 ?
Les émissions mondiales de méthane(2) sont estimées à près de 570 millions de tonnes (Mt) par an, selon les données les plus récentes diffusées par l’AIE. Près de 60% de ces émissions seraient imputables à l’activité humaine, en particulier à l’agriculture (près d’un quart des émissions totales de méthane estimées) et au secteur énergétique (près de 20% des émissions totales) incluant l’exploitation de pétrole, de gaz naturel et, dans une moindre mesure, de charbon et de biocarburants. Les estimations sur les émissions de méthane ont toutefois été jusqu’ici soumises à « un grand degré d’incertitude »(3) et l’AIE cherche à les « fiabiliser » avec son « Methane tracker » mis en place en 2019.
Selon les dernières estimations de l’AIE, les émissions mondiales de méthane liées au gaz et au pétrole auraient légèrement augmenté en 2019 pour atteindre 82 Mt (émissions « réparties à parts à peu près égales entre les deux » selon l’AIE). Les émissions de ce secteur interviennent à différents stades : exploration et extraction (amont), raffinage, distribution aux consommateurs finaux (aval), etc. Certaines sont accidentelles (fuites), d’autres délibérées (gaz relâché ou « torché » pour des raisons de sécurité).
Compte tenu de l'énorme impact de l'épidémie de Covid-19 sur l’activité économique, la baisse des émissions mondiales de CO2 est « presque certaine » en 2020, constate l'AIE. En revanche, l’évolution des émissions de méthane provenant des secteurs pétrolier et gazier est beaucoup plus incertaine (et ce, malgré la baisse attendue de la consommation de pétrole et de gaz). L’Agence évoque notamment le risque que les acteurs de ces secteurs, soumis à une baisse de leurs revenus, « accordent moins d'attention aux efforts de lutte contre les émissions de méthane ». La baisse des prix du gaz naturel peut par ailleurs entraîner « une augmentation du torchage ou du gaz relâché et la surveillance réglementaire des activités pétrolières et gazières pourrait être réduite ».
Le recours aux satellites pour repérer d’importantes émissions
De nombreux satellites en circulation peuvent désormais permettre d’estimer la concentration de méthane dans l’atmosphère, souligne l’AIE. Le recours aux images de satellites (par exemple du satellite Sentinel 5P du programme Copernic de l’Agence spatiale européenne) devrait ainsi « aider à localiser rapidement de grandes sources d'émission de méthane ».
L’AIE cite comme exemple le fait que la société d'analyse de données Kayrros a, grâce aux images du satellite Sentinel 5P, « repéré des panaches provenant de trois installations pétrolières et gazières différentes en Algérie en janvier 2020 ». L’Agence mentionne toutefois les limites des satellites, notamment le fait que ceux-ci fournissent « seulement des données pour les plus grandes sources d’émissions ».
Pour rappel, le méthane se caractérise, par rapport au dioxyde du carbone, par un courte durée de vie dans l’atmosphère(4) mais par un effet de serre bien plus important : le GIEC estime qu’une tonne de méthane a un « pouvoir de réchauffement global » 28 à 36 fois plus élevé qu’une tonne de CO2 sur une période de 100 ans (échelle de temps généralement retenue dans les bilans d’émissions).
Partant du principe que « le pétrole et le gaz naturel feront partie du système énergétique pour les décennies à venir », l’AIE juge « vital » de réduire les émissions de gaz à effet de serre associées à leur exploitation. Dans ce contexte, la réduction des émissions de méthane constitue « une manière puissante et rentable d’agir » selon l’Agence. L'AIE estime que près d’un tiers des émissions actuelles de méthane liées au pétrole et au gaz pourraient être évitées à coût nul (en valorisant le méthane récupéré)(5). L’absence de mesures s’explique, selon l’Agence, par un manque d’informations et d’incitations ou par des infrastructures insuffisantes pour valoriser le méthane.