Sobriété pour l’Ukraine, sobriété pour le climat : quelles sont nos marges de manœuvre ?

Patrick Criqui et Carine Sebi

Patrick Criqui, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA).
Carine Sebi, Professeure Associée et coordinatrice de la Chaire « Energy for Society », Grenoble École de Management (GEM).

La crise énergétique, singulièrement accentuée par la guerre en Ukraine, pousse les États membres de l’UE, dont la France à prendre des engagements forts pour conserver les bases du fonctionnement de leurs économies, tout en réduisant les importations énergétiques en provenance de Russie.

À l’horizon du prochain hiver, il leur faut donc baisser drastiquement la consommation d’énergie, jusqu’à - 15% au niveau de l’UE pour le gaz naturel(1), et en France entre 5% et 15% la consommation d’électricité en fonction de la rigueur de l’hiver.

Mais la sécheresse extrême de l’été rappelle aussi l’urgence climatique et la nécessité de diminuer les consommations d’énergies fossiles de manière vigoureuse et surtout durable. Sur ces deux horizons, le court terme de la guerre en Ukraine et le long terme de la lutte contre le changement climatique, il faut à la fois réduire et décarboner notre consommation énergétique(2).

Dans l’immédiat, les dirigeants font appel à la sobriété « en solidarité » avec l’Ukraine (et pour passer l’hiver), et demain pour sauver le climat. Mais parle-t-on des mêmes actions ? Et comment inscrire la sobriété dans le temps de façon à ce qu’elle soit durable ?

Pour répondre à ces problématiques, nous illustrons notre analyse sur les principaux usages énergétiques d’un ménage français à partir des données de la base Odyssee/Mure(3), qui permet une description fine des consommations d’énergie. Ces usages représentent déjà plus de 40% de la consommation finale. Pour être exhaustif, l’exercice devrait être étendu au secteur tertiaire (public et privé), au transport de marchandises et à l’industrie.

Sobriété énergétique : de quoi parle-t-on ?

La sobriété énergétique, dont il est tant question aujourd’hui, n’est pas un concept nouveau. Au XIIIe siècle, Saint Thomas d’Aquin la référait déjà à notre capacité d’autolimitation.

Si l’on remplace dans la citation du philosophe et théologien le vin par l’énergie, sa définition indiquait que « l’usage de [l’énergie] est affaire de modération. La sobriété n’est pas une abstinence, c’est la mesure de [cet usage] ». Plus tard, à l’époque des chocs pétroliers, on parle de « chasse au gaspi ».

Pourtant, la référence à la sobriété (« sufficiency » en anglais) n’est décrite comme un pilier incontournable des politiques climatiques que dans le dernier rapport du GIEC, en 2022. Et elle n’apparaît que très récemment dans le discours officiel français(4).

Un enjeu individuel et collectif

La sobriété peut s’entendre au niveau des comportements et des choix individuels, mais aussi au niveau de la société dans son ensemble. On parle alors de sobriété collective(5) et celle-ci se joue à travers les politiques d’aménagement, les infrastructures, les systèmes techniques, mais également les normes de comportement et l’imaginaire social.

Dans la mesure où les choix individuels sont en partie contraints, il s’agit de considérer la sobriété individuelle comme « encastrée » dans des structures collectives, matérielles ou immatérielles.

À cette articulation entre l’individuel et le collectif, il faut aussi associer le caractère réversible ou non de l’effort de sobriété : acheter un véhicule consommant 5 l/100 km plutôt que 10 l/100 km est une décision qui engage, au moins pour le temps de détention du véhicule ; en revanche, adopter la conduite économe au moment d’une hausse des prix de l’essence ne garantit pas le maintien de cette conduite sur le long terme…

Le logement et le transport routier de passagers (voitures et véhicules utilitaires légers) représentent chacun environ 21% de la consommation finale en 2019, mais aussi des dépenses énergétiques similaires et chiffrées par ménage à 1 600 €/an chacune en 2019(6).

Les ménages disposent de marges de manœuvre pour limiter leur consommation. En appliquant à court terme les 10% d’économies d’énergie escomptés par le gouvernement pour ces gestes, cela représenterait a minima, c’est-à-dire au prix de 2019, un gain annuel de l’ordre de 320 € pour le logement et le transport.

Les trois leviers de la sobriété

Pour les deux secteurs, on peut distinguer trois leviers principaux :

À un 1er niveau, on trouve la quantité de service énergétique demandée : dans le logement, il s’agit d’assurer le confort de vie pour un nombre de m2 correspondant à la taille du logement ; dans les transports, il s’agit du kilométrage parcouru en automobile chaque année par le ménage. On pourra alors parler de sobriété « dimensionnelle ».

Au 2e niveau, on identifie la consommation spécifique de l’équipement, respectivement la consommation annuelle par m2 de logement, telle que mesurée par le DPE (diagnostic de performance énergétique), et pour les transports la consommation normalisée de carburant du véhicule (en l/100 km). Ces indicateurs font référence à l’efficacité énergétique.

Enfin, le 3e niveau renvoie strictement au comportement du consommateur et à l’intensité d’usage de l’équipement : dans le logement, la consommation dépendra bien sûr de la consigne de température, à 19 ou à 22 °C ; tout comme dans les transports de la vitesse de déplacement, 130 ou 110 km/h sur autoroute, 90 ou 80km/h sur route.

Les courbes d’isoconsommation mettent en évidence des arbitrages possibles entre les deux premiers leviers : un petit logement très mal isolé peut consommer autant qu’un grand logement BBC ; inversement pour les transports, on peut consommer peu en roulant beaucoup, si l’équipement automobile est très performant.

Courbes d'isoconsommation dans le logement et le transport automobile

Le graphique illustre la manière dont il est possible de passer de - 50% à + 50% de la moyenne. Sur la courbe rouge – ébriété énergétique – on consomme alors trois fois plus que sur la courbe verte de sobriété. Usages concernés pour le logement : chauffage, eau chaude, climatisation, éclairage et VMC ; pour le transport routier de passagers ; voitures et véhicules utilitaires légers. (©P. Criqui, C. Sebi, données base Odyssee/Mure, 2019, Author provided)

Les objectifs français et européen

La « feuille de route » pour la neutralité carbone en France est explicitée dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC)(7), dont la dernière version de 2020 est en cours d’actualisation.

Cette feuille de route s’inscrit dans la perspective de la neutralité carbone et est donc a priori compatible avec le paquet « Fit for 55 » de l’Union européenne. Elle pointe la nécessité de diminuer les consommations finales d’au moins 20% en 2030 (par rapport à 2015), tant pour le secteur du bâtiment (résidentiel et tertiaire) que pour celui des transports (routier et autres), il s’agit bien ici des consommations et non des émissions de gaz à effet de serre.

Cet objectif est par ailleurs cohérent avec la réduction d’au minimum 40% de la consommation totale en 2050 intégrée dans la SNBC.

Sobriété de comportement

À l’horizon des prochains mois, les premiers gestes renvoient à une « sobriété de comportement ». Ils consisteraient à réduire de 1 à 2 °C la température de chauffage(8) et à chauffer uniquement les pièces occupées. Si cette mesure était appliquée de manière générale, elle permettrait de réduire de près de 10% la consommation de chauffage des logements.

Pour le transport automobile, la généralisation d’une réduction de la vitesse de 10 à 20 km/h et de l’écoconduite(9) permettraient de gagner environ 15% de consommation de carburants.

LogementGestesCaractéristiquesMarges indicatives
Sobriété dimensionnelleRéduction de la taille des logementsindividuel + collectif irréversible– 18% (entre un logement de 110 m2 et 90 m2
Réduction du nombre de m2 chauffés (ex. : une pièce non occupée)individuel réversible– 10% pour un logement de 90 m2
Efficacité de l'équipementChoix de l'étiquette DPEindividuel irréversible< 50 à 300 kWh/m2
Rénovation thermique globale (minimum 3 postes)individuel irréversible– 50%
Intensité d'usageBaisse de la consigne de chauffage (baisse de 1°C)

individuel réversible + collectif irréversible

– 7%
Transport autoGestesCaractéristiquesMarges indicatives
Sobriété dimensionnelleRéduction des km parcourus totaux (environ 650 km/an)individuel réversible + collectif irréversible– 5%
Réduction de la part de l'auto dans km totaux (transfert modal : voiture vers bus)individuel réversible + collectif irréversible– 40%
Efficacité de l'équipementChoix de consommation en l /100 kmindividuel réversible ou renouvellement (5-10 ans) < 4 à 12 l/100km
Passage au véhicule électrique (rendement de 35% à 90%)individuel réversible ou renouvellement (5-10 ans)– 60%
Intensité d'usageLimitation de la vitesse (passage de 130 à 120 km/h sur autoroute)individuel réversible + collectif irréversible– 13%
Écoconduiteindividuel réversiblejusqu'à 20%

Gestes de sobriété par levier d’action pour le logement et le transport. (©P. Criqui, C. Sebi, Author provided)

Sobriété par l’investissement

Mais pour atteindre les objectifs intermédiaires de 2030, il faudra passer à la « sobriété par l’investissement », un investissement dans des équipements et des infrastructures permettant de limiter les besoins. Pour les logements il faudra accélérer encore les actions de rénovation globale(10) : celle-ci consiste à rénover au minimum trois postes (par exemple, l’isolation toiture, le remplacement des ouvertures et le chauffage) – pour un quart du parc (soit 7,3 millions) : l’économie additionnelle serait de 15%.

Pour le transport, en plus de la généralisation de la conduite douce, il conviendrait de convertir 10% du parc de véhicules à l’électrique (contre 1% aujourd’hui), ce qui ajouterait 6% d’économies d’énergie (le rendement d’un véhicule électrique est de 90% contre moins de 40% pour un véhicule thermique).

Combiner petits gestes et gros investissements

Pour réduire de 40 à 50% la consommation d’énergie finale d'ici 2050, la sobriété collective sera essentielle. Elle nécessitera à la fois des actes réglementaires forts – limitant par exemple les vitesses de circulation par décret ou bannissant les véhicules thermiques – et des efforts massifs d’investissements dans de nouvelles infrastructures. Cela pour amplifier le transfert modal(11) dans le transport (convertir un trajet en voiture en bus/train permet une économie d’énergie de 40%(12)) et pour garantir le niveau de consommation BBC à tous les logements.

Une sobriété énergétique forte et durable doit donc impérativement combiner la mobilisation générale des comportements écoresponsables et un investissement massif. Cela suppose aussi, à court et plus long terme, la mise en œuvre de politiques cohérentes en matière de prix de l’énergie et de normes légales de comportement et de performance.

Celles-ci devront cibler en priorité les institutions publiques et les organisations privées (à l’instar des mesures d’urgence proposées en Allemagne ou en Espagne). Une condition pour que les ménages ne soient pas les seuls à porter l’effort de sobriété et qu’ils soient ainsi embarqués de manière durable.

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Commentaire

Energie+

Excellente analyse de Patrick Criqui et Carine Sebi, comme toujours !

A noter qu'en France l'installation de 3 500 MW/7 000 MWh de stockage d'énergie serait suffisante pour atteindre une réduction de 5 % de la consommation d'énergie aux heures de pointe (qui est la plus chère et la plus polluante), si ces actifs se chargeaient et se déchargeaient deux fois par jour (nuit et matin, puis après-midi et soir respectivement)

En complément : Une étude et modélisation de la Technical University of Berlin + Norwegian University of Science and Technology, Trondheim + German Institute for Economic Research, Berlin + méta-études de juillet 2022 analysait le potentiel et les impacts des réductions de la demande finale d'énergie sur la base des changements de comportement avec pour exemple l'Allemagne

La décarbonisation nécessite une transformation rapide des systèmes énergétiques, qui comprend donc l'expansion des énergies renouvelables qui sont les plus rapides et les moins coûteuses le plus souvent à déployer.

En réduisant la demande, les changements de comportement sont un facteur potentiellement décisif mais encore peu pris en compte pour accompagner la transformation plus rapide vers un système énergétique décarboné.

L'étude abordait la question suivante : Quel est le potentiel de changements de comportement et quels sont les impacts sur l'offre d'un système d'énergie 100 % renouvelable

Les résultats indiquent que l'énergie finale pourrait être réduite jusqu'à 20,5 % et, par conséquent, des réductions de capacité renouvelable entre 13,6 % et 30,6 % sont envisageables ainsi qu'une réduction de la taille des stockages de 16,8 % et 44,5 % selon les scenarios. Le plus grand potentiel de changement de comportement a été identifié dans le secteur du chauffage.

Le potentiel de réduction de la demande basée sur le comportement a en effet été quantifié pour deux niveaux d'ambition différents, servant de scénarios "Low Ambition" et "High Ambition". La demande énergétique de référence de 1465 TWh est ainsi réduite de 138 TWh à 1327 TWh en Ambition Basse et de 300 TWh à 1165 TWh en Ambition Haute.

Les secteurs de la chaleur et des transports affichent des potentiels de réduction de la demande de 124 à 115 TWh respectivement, suivis par le secteur de l'électricité avec un potentiel de réduction de 60 TWh.

La figure 5 de l'étude détaille les réductions de capacité dans chaque technologie, indiquant que le besoin de capacité et de stockage diminue par rapport à la demande. La réduction la plus importante provient du stockage hydrogène (comme le montre la figure 5b), car le besoin de stockage à long terme diminue. La capacité de production nécessaire est réduite pour le photovoltaïque agricole et de toiture, expliqué par des coûts de capacité élevés dus à la disponibilité limitée du rayonnement solaire. Dans le scénario Ambition Haute, la capacité photovoltaïque globale est réduite de 41,3 % et le photovoltaïque agricole n'est pas du tout nécessaire.

Le chauffage résidentiel indique des économies de coûts 1,6 fois plus importantes que la réduction de la demande appliquée et la chaleur industrielle affiche des économies de coûts 1,4 fois plus importantes que la réduction de la demande appliquée. En comparaison, les changements de comportement dans le secteur des transports et de l'électricité entraînent des économies de coûts qui ne sont que 1,1 fois supérieures à la réduction de la demande.

Au total, le secteur du chauffage atteint la réduction de coûts la plus élevée de 12,3 %.

Les changements de comportement peuvent permettre des économies de coûts allant jusqu'à 25,6 % et réduire la capacité de production et de stockage de 30,6 % et 44,5 % dans le scénario High Ambition. Les économies de coûts potentielles liées aux changements de comportement sont les plus importantes dans le secteur de la chaleur en raison de ses charges de pointe élevées. La demande d'énergie finale dans le secteur de la chaleur peut être réduite de 8,3 %, ce qui entraîne des économies de coûts de 12,3 %. En comparaison, une réduction de la demande de 4,1 % dans le secteur de l'électricité et de 8 % dans le secteur des transports ne montre qu'une réduction des coûts de 4,6 % et 9 %, respectivement.

Si les changements de comportement suggérés s'accompagnaient d'une transformation plus large de l'économie, ils augmenteraient très probablement la qualité de vie collective en trouvant un niveau de « suffisance » qui permette un niveau de vie décent pour tous, tout en respectant les impératifs planétaires. Par exemple, un comportement à faible consommation d'énergie peut se produire intrinsèquement en sachant qu'il fait partie d'une plus grande transformation pour atténuer le changement climatique évitant de plus grands dommages à l'avenir.

Une refonte sociétale est nécessaire, qui nécessite la création politique des conditions-cadres réglementaires, sociales et économiques ainsi que des mesures pédagogiques.

- Logement

La température ambiante moyenne des ménages allemands est de 19,6 °C. Une réduction de 1°C est acceptable sans diminuer le confort de vie. L'Agence fédérale allemande pour l'environnement trouve un potentiel de 4,4% à 9% en 2030 en réduisant la température de 1 ou 2°C en tenant compte du taux de rénovation en Allemagne. Un rapport de Cambridge Architectural Research estime le potentiel d'économie d'énergie de petits changements dans le comportement des ménages. Il identifie un potentiel de réduction de 13 % de l'énergie pour le chauffage des locaux. L'installation de pommes de douche économes en eau (4 à 6 litres par minute) et de mousseurs types spray 1 ou 1,2 litre/minute sur les autres divers robinets d'un logement peut économiser immédiatement jusqu'à 80% la consommation d'eau et de plus de 32% celle de l'énergie, sans compter celles de tout le système d'exploitation du réseau et du traitement et ce pour une dépense mineure de quelques dizaines d'euros amortie tout au plus en quelques jours ou semaines suivant les situations.

- Industries

Environ 12 % de la demande totale de chaleur de procédé sont liés à la chaleur à basse température, 60 % à température moyenne et 27 % à haute température.

Comme le montre le tableau 2 de l'étude, l'industrie alimentaire représente près de 50 % de la demande en basse température. Le niveau actuel de gaspillage alimentaire pourrait être réduit de 35% à 17,5% pour réduire la demande énergétique de l'industrie alimentaire. Les changements de comportement dans ce domaine se traduisent respectivement par un potentiel de réduction de 8,6 % et 13,2 % de la demande de chaleur à basse température en Ambition Basse et Ambition Haute.

- Recyclage

Alors que le taux de recyclage des plastiques ne s'élève actuellement qu'à 47 %, celui des papiers et des produits métalliques est respectivement de 75,9 % et 92 % en Allemagne. En supposant que le recyclage du plastique puisse atteindre des taux similaires à ceux du papier et du métal, la demande de chaleur à température moyenne peut être réduite de 1,4 % en Ambition Basse et de 2,1 % en Ambition Haute.

- Produits

Une autre stratégie clé mentionnée dans de nombreuses études est une durée de vie prolongée du produit. La mise en place d'une garantie légale de 5 ans, la fixation de la responsabilité des défauts à 10 ans, la réglementation d'une disponibilité obligatoire des composants pendant au moins 20 ans, garantirait la réparabilité prospective. L'hypothèse d'un quota de substitution similaire pour toutes les catégories de produits réduit la demande d'énergie de fabrication et d'ingénierie de 14,8 %, ce qui entraîne une réduction globale de la demande de chaleur (à température moyenne) de 3 %.

Un autre potentiel de réduction de la demande d'énergie grâce à la modification des modes de consommation consiste à soutenir les communautés de consommation comme exemple d'économies partagées. Les recherches menées par Vita et al. trouve une réduction de la consommation de 50 %, dont 10 % seront déplacés vers les services. En conséquence, les 40 % restant peuvent être attribués à des changements de comportement, entraînant un potentiel de réduction de la demande de 8,2 % en chaleur à température moyenne.

- Construction

La promotion d'un transfert modal dans l'industrie de la construction de l'acier et du ciment vers les structures en bois pourrait réduire considérablement la demande d'énergie industrielle, car la production de fer et d'acier représente 86 % de la demande de chaleur à haute température. Selon Hertwich et al, 10 % de tous les matériaux de construction peuvent déjà être remplacés par du bois. En supposant de tels taux de remplacement de l'acier dans l'industrie de la construction, un potentiel de réduction de la demande de 3 % pourrait être atteint. Sur la base d'une surface au sol moyenne réduite par habitant dans le chauffage résidentiel et commercial, avec une réduction proportionnelle des matériaux de construction - et sans compter les impacts bénéfiques d'une moindre empreinte au sol - on obtient une réduction potentielle de 4,6 % de la demande de chaleur à haute température en raison de la réduction de la production d'acier et une réduction de 1 % de la demande de chaleur à température moyenne en raison de la baisse de la production de ciment.

- Mobilité

Malgré l'augmentation de l'efficacité énergétique dans le secteur de la mobilité, sa consommation d'énergie n'a cessé d'augmenter depuis 2010. Le gouvernement allemand s'est engagé à réduire la consommation d'énergie finale dans le secteur de la mobilité de 15 % à 20 % par rapport aux niveaux de 2005 pour atteindre des réductions de 60 % d'ici 2050 de la demande énergétique totale. Les données sur la demande de mobilité sont divisées en transport ferroviaire (19,4 %), routier (9,8 %) et aérien (70,8 %), qui est ensuite séparé en transport de passagers et de fret. Alors que dans cette étude les technologies ferroviaires et routières devraient fonctionner uniquement à l'électricité, la demande de transport aérien est entièrement satisfaite par l'hydrogène (ce qui a mon avis n'est pas réaliste puisque l'hydrogène n'est pas applicable à tous les vols et une étude très complète de 121 pages réalisée récemment par Dena (Agence allemande de l’énergie) en coopération avec l’Université LUT (Finlande) et Ludwig-Bölkow-Systemtechnik GmbH - "L’e-kérosène pour l’aviation commerciale . Volumes, coût, demande surfacique et concurrence en matière d’énergies renouvelables aux États-Unis et en Europe de 2030 à 2050" - estimait que la demande énergétique finale de l'aviation en 2050 pourrait être couverte à 9 % par l’électricité (batteries etc), 34 % par l’hydrogène et à 57 % par le DAC-kérosène (Direct Air Capture)

Le coût de production du DAC-kérosène devrait passer de 112–133 €/MWhth PCI en 2030 à 64–75 €/MWhth PCI en 2050 selon cette même étude.

Les agrocarburants (trop souvent appelés "biocarburants" étant à exclure vus leur très faible bilan complet, leur impacts négatifs sur les surfaces au sol, leurs énormes besoins en eau etc.

Bien qu'il existe une variété de récits d'un futur système de mobilité, peu de recherches étudient explicitement les réductions de la demande absolue. Fischer et al. examine quatre mesures concernant le secteur des transports : une utilisation accrue des vélos, le remplacement des déplacements professionnels par des téléréunions, des voitures particulières plus petites (le poids joue à 75% dans la consommation et le Cd/Cx coef. de trainée beaucoup aussi) et une réduction de l'aviation privée. Van de Ven et al. modélisent les impacts potentiels des changements de comportement sur l'atténuation du changement climatique, y compris plusieurs mesures dans le secteur des transports. Une réduction de la demande de 30 et 55 % en 2050 pour le transport individuel motorisé et l'aviation respectivement est modélisée. Deux autres études examinent la transformation sociotechnique du secteur des transports, y compris les changements induits par différents comportements humains. Le tableau A.9 en annexe de l'étude donne un aperçu de ces mesures.

- Secteur électrique

L'efficacité croissante seule ne suffira pas à atteindre les objectifs de protection du climat. Le comportement sociétal jouera un rôle décisif dans la transformation du système énergétique.

La consommation totale d'électricité conventionnelle est répartie entre les ménages (25,3%), les espaces commerciaux (28,9%) et l'industrie (45,8%). La part la plus élevée de l'électricité dans les ménages est utilisée pour la chaleur de procédé à basse température (c'est-à-dire la cuisson et la pâtisserie) et le refroidissement (à mon avis dommage que les auteurs ne semblent pas connaître ou intégrer les moyens de climatisation avec très peu d'énergie type solaire thermique et absoption eau-ammoniac et autres, etc). De plus, les technologies de l'information ont une part considérable dans la consommation d'électricité. Dans le secteur commercial, la majeure partie de l'électricité est utilisée pour l'éclairage et d'autres appareils, comme les ordinateurs. Dans l'industrie, l'utilisation de l'électricité pour faire fonctionner les moteurs et les machines électriques domine la demande.

Le tableau A.8 en annexe présente un aperçu des instruments et mesures appliqués et leur potentiel de réduction qui en découle et qui ont été identifiés.

Pour les ménages, les systèmes de rétroaction semblent avoir un effet considérable pour les motiver à réduire leur consommation (compteur intelligent, écran d'affichage etc). Jusqu'à 20 % d'électricité peuvent être économisés

- Bureaux et commerces

Des systèmes de rétroaction de groupe et l'éducation par les pairs comme outils pour modifier le comportement des employés aboutissent au constat d'une réduction de 7 % et 6 % de la consommation d'électricité. Des modifications du calendrier de travail et de production montrent une réduction globale de la demande d'énergie de 10,5 %. Dans l'industrie on atteint un potentiel de réduction de 12 % grâce au marketing social communautaire, comme les systèmes d'information et de retour d'information sur l'énergie.

Le potentiel global des scénarios Low Ambition et High Ambition utilisés est résumé dans le tableau 4.

Etude 16/7/2022 "The Potential of Behavioral Changes to Achieve a Fully Renewable Energy System - A case study for Germany"

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2667095X22000125

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